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ABSURDE, adj. et subst. masc.
I.− Emploi adj.
A.− [En parlant d'une manifestation de l'activité humaine : parole, jugement, croyance, comportement, action] Qui est manifestement et immédiatement senti comme contraire à la raison au sens commun; parfois quasi-synonyme de impossibleau sens de « qui ne peut ou ne devrait pas exister » :
1. La liberté n'appartient pas à la volonté. « Si cela est ainsi, comme je le crois, qu'on voie si, en prenant la chose de cette manière, on ne pourrait pas terminer la question agitée depuis si long-temps, mais très absurde, à mon avis, puisqu'elle est inintelligible, si la volonté de l'homme est libre ou non... V. Cousin, Hist. de la philosophie du XVIIIesiècle,1829, p. 517.
2. Jamais cependant ils ne purent croire que nous fussions des Messieurs cheminant à pied pour leur récréation personnelle, cela leur paraissait inouï, absurde; nous étions des dessinateurs ou des leveurs de plan qui voyageaient par ambition pour faire mieux que les autres et gagner par là la croix d'honneur; (...) il y avait en nous quelque chose d'incompréhensible, de contradictoire et de ténébreux, et nous les effrayions presque, tant nous leur semblions étranges. G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 311.
3. Le rêve absurde, imprévu, sans rapport ni connexion avec le caractère, la vie et les passions du dormeur! Ce rêve, que j'appellerai hiéroglyphique, représente évidemment le côté surnaturel de la vie, et c'est justement parce qu'il est absurde que les anciens l'ont cru divin. Comme il est inexplicable par les causes naturelles, ils lui ont attribué une cause extérieure à l'homme; ... Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,1860, p. 354.
P. anal. [En parlant de certains aspects de la nature, etc.] :
4. La nuit prenait un velouté d'épaule. Il y avait une langueur absurde au fond de l'air, et le pont tremblait au poids illuminé des autobus. L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 442.
B.− [En parlant d'êtres animés le plus souvent humains, parfois animaux, ou d'une fonction, faculté ou qualité humaine] Qui agit, se comporte, juge d'une manière non conforme aux lois ordinaires de la raison :
5. L'homme absurde est celui qui ne change jamais. A. de Musset, Revue des Deux Mondes,30 sept. 1832, p. 112.
6. ... de même que si vous prétendiez conserver dans l'idée animal une seule des propriétés du végétal intacte et sans métamorphose, vous n'auriez réellement pas un animal, mais un être absurde et impossible, parce qu'il serait contradictoire. P. Leroux, De l'Humanité,t. 1, 1840, p. 110.
7. Un homme de génie est un homme absurde, c'est-à-dire qu'il pousse un système à l'absolu, or l'absolu est l'idéal de la science. On est fondé à croire que cet absolu existerait si nous connaissions tout (cause unique, c'est Dieu) mais comme nous sommes loin de tout connaître, nous ne pouvons pas agir en conséquence. En un mot, nous devons raisonner dans l'hypothèse de l'absolu, mais agir dans la réalité qui est autre, mais en faisant toujours comme si l'absolu existait ou devait exister; sans cela, pas de science. G. Bernard, Cahier de notes,1860, p. 61.
8. Il y a des gens comme notre cousin, dont toutes les idées sont bêtes, arriérées, des idées de vieillard, de bourgeois absurde, maniaque, des rengaines, des préjugés, des naïvetés, − lesquelles gens, lorsqu'ils racontent quelque chose qu'ils ont vu, font preuve d'observation, ont le tact des nuances, rendent le moment et la couleur de la silhouette ou de la scène qu'ils vous dessinent : ils pensent faux et ils voient vrai. E. et J. de Goncourt, Journal,1860, p. 776.
9. − Mère, tu es absurde, tu déraisonnes. Vraiment je ne te comprends pas. Où as-tu été chercher cette histoire de Le Loreur? P. Drieu de La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 122.
10. ... il faut tenir l'univers pour l'expression de l'incohérence absolue, sans fissure, l'incohérence roulant sur elle-même, sans raison, ni but, plus aveugle, plus absurde que la fatalité antique, l'incohérence pour l'incohérence, en tout et toutes choses, des astres, de la terre, de l'herbe, de l'âme... M. Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 173.
11. ... la folle volonté de l'impossible est le nerf même de l'héroïsme; en cette extrémité éclate d'une façon aiguë l'opposition entre pouvoir et vouloir, − l'un qui est obstacle nihilisé, l'autre qui est, contre tout bon sens, vouloir malgré l'obstacle infini : l'absurde volonté veut envers et contre tous, veut en dépit des lois physiques, et au mépris de la raison naturelle; ... V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 231.
C.− PHILOS., notamment certains existentialismes [En parlant de l'être et des êtres] Qui résiste à une interprétation rationnelle, qui n'a pas de sens :
12. Si maintenant nous essayions de pénétrer jusqu'à l'âme de Quasimodo à travers cette écorce épaisse et dure : si nous pouvions sonder les profondeurs de cette organisation mal faite : s'il nous était donné de regarder avec un flambeau derrière ces organes sans transparence, d'explorer l'intérieur ténébreux de cette créature opaque, d'en élucider les recoins, les culs de sacs absurdes, et de jeter tout à coup une vive lumière sur la Psyché enchaînée au fond de cet autre, nous trouverions la malheureuse dans quelque attitude pauvre, rabougrie et rachitique. V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 179.
13. La racine et la souche tout entière me donnait à présent l'impression de rouler un peu hors d'elle-même, de se nier, de se perdre dans un étrange excès. Je raclai mon talon contre cette griffe noire : j'aurais voulu l'écorcher un peu. Pour rien, par défi, pour faire apparaître sur le cuir tanné le rose absurde d'une éraflure : pour jouer avec l'absurdité du monde. J.-P. Sartre, La Nausée,1938, p. 165.
14. Je disais que le monde est absurde et j'allais trop vite. Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce qu'on en peut dire. Mais ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 37.
15. Il y a des mariages absurdes, des défis, des rancœurs, des silences, des guerres et aussi des paix. Pour chacun d'entre eux, l'absurdité naît d'une comparaison. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942p. 48.
Rem. A l'idée de non-sens la philos. existentialiste joint parfois une certaine véhémence contre le monde qui ne « veut » pas livrer sa rationalité ou la raison qui ne sait pas la découvrir.
D.− LOG. [En parlant d'un énoncé] Qui renferme une contradiction :
16. Si toute croyance où il y a de l'absurde ou du non-démontré tend toujours à mettre à la tête du parti les gens les plus absurdes, c'est encore un des effets de la cristallisation. Stendhal, De l'Amour,1822, p. 18.
17. « C'est absurde » veut dire : « c'est impossible », mais aussi : « c'est contradictoire ». Si je vois un homme attaquer à l'arme blanche un groupe de mitrailleuses, je jugerai que son acte est absurde. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 47.
II.− Emploi substantif. Ce qui peut être qualifié d'absurde.
A.− Lang. commune, lang. de la philos. traditionnelle :
18. Les limites des arts sont gardées par l'absurde. Stendhal, Hist. de la peinture en Italie,t. 2, 1817, p. 25.
19. Comment vivons-nous sous des lois que nous trouvons raisonnables de donner la mort à qui refuserait cette même obéissance aveugle? Nous admirons le libre arbitre et nous le tuons; l'absurde ne peut régner ainsi longtemps. Il faudra bien que l'on en vienne à régler les circonstances où la délibération sera permise à l'homme armé, et jusqu'à quel rang sera laissée libre l'intelligence, et avec elle l'exercice de la conscience et de la justice... il faudra bien un jour sortir de là. A. de Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 64.
20. [Les élucubrations des économistes] sortent parfois du niais, c'est pour tomber aussitôt dans l'absurde. Depuis vingt-cinq ans l'économie politique, comme un épais brouillard, pèse sur la France, arrêtant l'essor des esprits et comprimant la liberté. P.-J. Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?,1840, p. 231.
21. [L'abbé Pierre] − ... Dieu n'est pas là [dans la basilique du Sacré-Cœur], il n'y a là qu'un défi à la raison, à la vérité, à la justice, un colossal édifice qu'on a dressé le plus haut possible, comme une citadelle de l'absurde, dominant Paris, qu'il insulte et qu'il menace. É. Zola, Paris,1898, p. 99.
22. Alors que, chez Renan, les erreurs par contrariété d'hérédismes (...) se muaient en une comédie intérieure, chez Soury elles tournaient à la tragédie. Distinguant et pressentant la vérité, il était happé, chroniquement par plusieurs absurdes, très vite transformés en idoles. L. Daudet, L'Hérédo,1916, p. 201.
23. C'est ainsi que, par un subterfuge torturé, il (Kierkegaard) donne à l'irrationnel le visage, et à son Dieu les attributs de l'absurde : injuste, inconséquent et incompréhensible. L'intelligence seule en lui s'essaie à étouffer la revendication profonde du cœur humain. Puisque rien n'est prouvé, tout peut être prouvé. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 58.
24. L'absurde, a-t-on dit, est ce qui serait totalement expliqué, mais n'aurait pas de sens. Bien entendu ce n'est qu'à la limite qu'on peut faire une telle hypothèse, et en se plaçant au point de vue de l'adversaire : car le propre de l'explication est précisément de ne pouvoir se boucler sur soi. De plus ce n'est aussi que par abstraction que l'on peut distinguer explication et sens.... J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 45.
25. Un souvenir, teinté à la fois d'absurde et de mystère, remontait lentement jusqu'à moi... J. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 12.
26. L'inintelligence ne cède sous nos pas que pour que nous nous enlisions davantage; ne recule devant nous que pour nous attirer plus profondément au cœur de l'absurde. Ce pessimisme de la négativité, comme son corrélat optimiste, n'est sans doute qu'une déception du dogmatisme réificateur. V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 48.
B.− PHILOSOPHIE :
27. Les hommes aussi sécrètent de l'inhumain. Dans certaines heures de lucidité, l'aspect mécanique de leurs gestes, leur pantomine privée de sens rend stupide tout ce qui les entoure. Un homme parle au téléphone derrière une cloison vitrée; on ne l'entend pas, mais on voit sa mimique sans portée : on se demande pourquoi il vit. Ce malaise devant l'inhumanité de l'homme même, cette incalculable chute devant l'image de ce que nous sommes, cette « nausée » comme l'appelle un auteur de nos jours, c'est aussi l'absurde. De même l'étranger qui, à certaines secondes vient à notre rencontre dans une glace, le frère familier et pourtant inquiétant que nous retrouvons dans nos propres photographies, c'est encore l'absurde. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 29.
28. L'absurde dépend autant de l'homme que du monde. Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à l'autre comme la haine seule peut river les êtres. C'est tout ce que je puis discerner clairement dans cet univers sans mesure... A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942p. 37.
29. Le thème de l'irrationnel, tel qu'il est conçu par existentiels, c'est la raison qui se brouille et se délivre en se niant. L'absurde, c'est la raison lucide qui constate ses limites. C'est au bout de ce chemin difficile que l'homme absurde reconnaît ses vraies raisons. A comparer son exigence profonde et ce qu'on lui propose alors, il sent soudain qu'il va se détourner. Dans l'univers d'Husserl, le monde se clarifie et cet appétit de familiarité qui tient au cœur de l'homme devient inutile. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942p. 70.
30. Le corps, la tendresse, la création, l'action, la noblesse humaine, reprendront alors leur place dans ce monde insensé. L'homme y retrouvera enfin le vin de l'absurde et le pain de l'indifférence dont il nourrit sa grandeur. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942p. 75.
C.− LOG., p. ext. MATH. Raisonnement par l'absurde. Méthode de raisonnement qui pour établir la vérité d'une proposition montre que sa négation conduirait à une absurdité. Réduction à l'absurde. Raisonnement qui pour établir la fausseté d'une proposition montre qu'elle conduirait à une absurdité :
31. Je suis revenu sur mes pas, toutes les fois que j'ai vu que j'étais conduit à l'absurde, c'est-à-dire, à des conclusions contraires aux faits postérieurs; et j'ai toujours trouvé l'endroit où je m'étais égaré, c'est-à-dire où j'avais mal vu les faits antérieurs. Enfin, je suis venu sans suppositions, sans inconséquences, et sans lacunes, à un résultat que je n'avais ni prévu, ni voulu. Il est plausible, il est très-général, il rend raison de tous les phénomènes; ... A.-L.-C. Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie, Logique, t. 3, 1805, p. 424.
32. Le procédé analytique des géomètres grecs devient le procédé par la réduction à l'absurde, lorsque, pour démontrer la vérité d'une proposition, on part de la proposition contradictoire comme d'une hypothèse, afin d'arriver, de conséquence en conséquence, jusqu'à une proposition reconnue fausse, ou qui contredit une proposition reconnue vraie; ce qui entraîne l'absurdité de l'hypothèse, et par suite la vérité de la proposition contradictoire. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 390.
33. De même encore une démonstration par l'absurde s'effectue en comparant les conséquences de ce raisonnement avec la réalité logique que l'on veut instaurer. Dans tous ces cas, du plus simple au plus complexe, l'absurdité sera d'autant plus grande que l'écart croîtra entre les termes de ma comparaison. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 48.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ab̭syʀd]. Enq. : /apsyʀd/. 2. Dér. et composés : absurdement, absurdifiant, absurdité. 3. − Hist. − La forme mod. absurde apparaît dès le xives. (cf. étymol.). Jusqu'au xvies., elle est concurrencée par les formes absorbe et absourde (cf. Hug.; pour l'explication de ces 2 formes, cf. étymol.). L'orth. de absurde est ensuite stable; quant à la prononc., Nod. 1844 est le 1erà signaler l'assourdissement de [b] devant [s] ap-sur-de.
Étymol. − Corresp. rom. : prov. mod. absurde, absurdo; esp., port., cat. absurdo; ital. assurdo. « Qui n'a pas de sens, contraire au sens commun (d'une chose) », absorde, début xiiies. (Règle de St Benoît, trad. en vers fr. par Nicole, éd. A. Héron, 3665 ds Quem. : Cum ce absorde chose soit Chascun de legier aperçoit); absurde, 1371-75 (Raoul de Presles, Cité de Dieu, 10, 31 (éd. 1531) ibid. : Chose tres absurde et tres folle); absourde, 1529 (Colin Bucher, Poésies, éd. Denais, 276, ibid. : J'attendois bien certes telles usures Et pour espitre inelegante et lourde, Ou nulles sont museÿnes mesures, Nulles doulceurs, mais toute chose absourde, Avoir escript tres opulent et riche). Empr. au lat. absurdus dont le sens primitif semble être « dissonant » (Cicéron, De Oratore, 3, 41 : vox... absona atque absurda), d'où « hors de mise, contraire au sens commun » dep. Térence, Adelphes, 376 ds TLL s.v., 221, 81 (qualifie ratio) cf. 1256-60, Albert le Grand, De animalibus, 8, 233 ds Mittellat. W. s.v., 65, 59. Influence possible du fr. sourd (a. fr. sort) sur les formes du type absorde et absourde (cf. lat. médiév. absurdus « surdus » ds Mittellat. W. s.v., 65, 69); sur les rapports possibles entre absurdus et surdus, cf. Ern-Meillet 1959, s.v. absurdus, surdus, susurrus. HISTORIQUE I.− Adj. − A.− L'emploi fig. du lat., « qui choque la raison » (cf. étymol.), sens premier en fr. ne concerne que l'inanimé (chose, proposition, acte, etc. avec nuance dépréc.). C'est l'emploi class. par excellence (cf. Rich., Fur., les 4 premières éd. de l'Ac., la série des Trév., etc.); il se maintient jusqu'au xxes. (cf. sém.). − Rem. L'adj. dans ce cas pouvait être suivi d'un inf. introduit par à : (...) Ce dogme absurde à croire, absurde à pratiquer. Voltaire (Littré). B.− À la fin de l'époque class., l'adj. s'étend à l'animé, essentiellement en parlant de l'homme (animal raisonnable par essence et donc déraisonnable par accident, c.-à-d. absurde). Cf. Ac. 1798. Cet emploi se maintiendra jusqu'à nos jours (cf. sém.). − Rem. 1. Dans un ex. isolé du xvies., le sens propre du lat. « discordant, qui choque les oreilles » réapparaît sous la plume d'un humaniste : La coupe fémenine... doit estre (gardée) par toy, ne fut [fust] que pour eviter le son absurde, pour lequel sont moins prisés aujourd'huy aucuns poètes qui ne l'observent. T. Sébillet, Art poétique, 1548, p. 55 (Vaganay, Hist. fr. mod.). 2. Lal. signale l'avis de L. Boisse, selon lequel ,,il serait plus correct de ne pas employer ce mot en parlant des personnes``. II.− Subst. − A.− xvies. Un absurde « une chose absurde » : Il n'est aucun absurde selon nous plus extreme que de maintenir que le feu n'eschauffe point, que la lumiere n'esclaire point. Montaigne, II, 12 (Hug.). Cf. aussi Nicot 1606, s.v. : (...) adjectif et quelquefois substantif (...) comme Ce serait un trop grand absurde. Nimia haec quidem esset absurditas. Cotgr. 1611 mentionne cet emploi et traduit par an absurditie. Les dict. post. ne le mentionnent plus (DG le signale à nouveau en 1900, mais comme arch., et à travers le seul Nicot). B.− Abstr., avec l'art. déf. l'absurde. 1. La loc. lat. ab absurdo, véhiculée par la scolast. passe en fr. où logiciens et mathématiciens l'emploient constamment; Ac. Compl. 1842 lui consacre encore un art. spéc. : Absurdo (ex ou ab). Locution, empruntée au latin, qu'on employait dans la scolastique pour dire, En partant d'un principe absurde. Raisonner par l'absurde. Le calque par l'absurde s'est acclimaté insensiblement. La substitution commence au début du xviies. quand mathématiciens et philosophes se mettent à écrire en lang. vulg.; elle est achevée au xixes. : Démonstration par l'absurde. Ac. 1798. 2. On peut supposer que le subst. abstr. autonome s'est dégagé de l'expr. par l'absurde : Tomber dans l'absurde. Ac. 1798. 3. Tout en continuant à vivre dans la lang. cour., le subst. abstr. passe à nouveau au xxes. dans la lang. des philosophes, A. Camus notamment, dont il devient un des mots-clés (cf. sém.). La nuance dépréc. tend à disparaître et le terme caractérise une certaine « façon d'envisager le réel ».
STAT. − Fréq. abs. litt. : 3 591. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 647, b) 2 484; xxes. : a) 4 049, b) 8 393.
BBG. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Goblot 1920. − Julia 1964. − Lafon 1963. − Lal. 1968. − Marwald (J. R). Die Bedeutungsentwicklung von französisch absurde und absurdité. (Diss. Bonn. 1962.) − Miq. 1967. − Moor 1966. − Porot 1960. − Uv. Chapman 1956.