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ABSOLUTISME, subst. masc.
A.− Propre, POL. et HIST. Système de gouvernement où le souverain possède une puissance de droit divin et sans limites constitutionnelles :
1. ... et l'on sait dans quel odieux et humiliant servage languissait en particulier l'Église de France sous le dur despotisme des parlemens et le despotisme corrupteur et dès lors plus dangereux de la cour; et certes il est digne de remarque qu'à cette époque d'esclavage dans l'ordre religieux correspond, dans l'ordre politique, le plein développement de l'absolutisme, qui au milieu des peuples déclarés corps et âmes l'inamissible propriété de leurs chefs, ne laissa subsister pour toute règle, pour toute loi que la volonté d'un seul. Lamennais, articles,L'avenir, 1831, p. 214.
2. En l'année 1789, depuis la naissance du Christ, la nation française, divisée par castes, pauvre et opprimée, se débattait sous le triple réseau de l'absolutisme royal, de la tyrannie des seigneurs et des parlements, et de l'intolérance sacerdotale. Il y avait le droit du roi et le droit du prêtre, le droit du noble et le droit du roturier; il y avait des privilèges de naissance, de province, de communes, de corporations et de métiers : au fond de tout cela, la violence, l'immoralité, la misère. P.-J. Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?,1840, p. 146.
3. Que l'on parcoure toutes les antinomies nécessaires de la politique actuelle, on reconnaîtra, ce me semble, que la réhabilitation intellectuelle du peuple est le remède à toutes, et que les institutions les plus libérales seront les plus dangereuses, tant que durera ce qu'on a si bien appelé l'esclavage de l'ignorance. Jusque-là le gouvernement a priori sera le plus détestable des gouvernements. Au premier réveil du libéralisme moderne, on put croire un instant que l'absolutisme ne reposait que sur la force des gouvernements. Mais il nous a été révélé qu'il repose bien plus encore sur la sottise et l'ignorance des gouvernés, puisque nous avons vu les peuples délivrés regretter leurs chaînes et les redemander. E. Renan, L'Avenir de la science,1890, pp. 341-342.
4. Le Reichstag n'est, suivant le mot de Wilhelm Liebknecht, que la « feuille de vigne de l'absolutisme ». Lénine, État et révolution,t. 21, 1933, p. 498.
5. ... ceux-ci [les crimes] sont devenus de plus en plus intolérables (et dès lors, à vrai dire, il s'agissait d'une monstruosité), quand, après la ruine de la chrétienté médiévale, l'état, cessant d'agir comme instrument d'une autorité spirituelle légitime et supérieure à lui, s'est arrogé pour lui-même et en son nom propre le droit d'agir au spirituel. L'absolutisme d'un Henry VIII et d'un Philippe II, le gallicanisme, le joséphisme, le despotisme éclairé du XVIIIesiècle, le jacobinisme, composent ici une suite significative, qui se continue par les états totalitaires contemporains... J. Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 163.
B.− P. ext. (gén. péj.). [En parlant d'une autorité, d'un caractère, etc.] Manière d'être, d'agir ou de penser, intransigeante et/ou sans nuances.
1. RELIGION :
6. Que cette assemblée, cette discussion solennelle et décisive, ait l'éclat et le retentissement qui doivent faire assister le monde entier, la France particulièrement, à la condamnation de l'absolutisme catholique et à la résurrection de l'évangile. Que le monde sache enfin à quoi s'en tenir sur ces doctrines ésotériques de la papauté, de l'institut des Jésuites et des différents corps, etc. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 10.
7. Le temps semble venu pour eux de faire œuvre de synthèse véritablement catholique, c'est-à-dire universelle, d'édifier, de rassembler, d'insister partout sur le positif, et pour cela de réconcilier d'abord dans leur esprit, sous l'indispensable lumière de la sagesse théologique (sans cette condition, rien à espérer), des aspects trop longtemps séparés et, en réalité, complémentaires, absolutisme doctrinal et hardiesse évangélique, fidélité à la pure vérité et pitié pour les âmes malades, tradition où il faut, révolution où il faut... misericordia et veritas obviaverunt sibi... » J. Maritain, Primauté du spirituel,1927, p. 173.
2. SC. HUM. Caractère de ce qui est intransigeant, inconditionnel, dénué du sens du relatif, etc. :
8. La volonté de concevoir la littérature comme un produit artificiel, exempt de se conformer à la réalité, s'exprime encore par la volonté de la concevoir comme un système de conventions passées entre personnes acquises à une même cause, un peu comme le vocabulaire d'une société secrète dont la signification serait insaisissable aux non-initiés. Cette conception a été maintes fois formulée par Paul Valéry, qui a voulu, en outre, l'attribuer à la société du xviiesiècle. « L'art classique, assure-t-il, se reconnaît à l'existence, à l'absolutisme de ses conventions. » Et dans le même dessein André Gide : « rien n'était plus éloigné du réalisme que notre théâtre classique, et rien n'était à la fois plus vrai. C'était une transposition miraculeuse dans un domaine bien abrité ». J. Benda, La France byzantine,1945, p. 128.
9. Qui prétend n'avoir pas la « force » de vouloir, c'est qu'il ne veut pas : cette mauvaise raison n'est qu'un prétexte et un sophisme pour déguiser en faiblesse le cercle vicieux de sa mauvaise volonté. Vouloir, n'étant pas conditionné par un quelconque Posse, n'a pas de conditions de possibilité, et c'est déjà méconnaître l'absolutisme de la volonté que d'en faire une faculté de vouloir au même titre que toute faculté relative et empirique. Et partant, la volonté n'est pas une puissance qui serait acquise ou apprise par apprentissage scalaire, qu'on pourrait donc avoir ou ne pas avoir, avoir plus ou moins et en partie, et, l'ayant employer ou ne pas employer ... V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 228.
10. D'un mot encore amphibologique, Piaget a décrit un « réalisme » enfantin. Mais il semble que nous soyons ici bien loin de l'attention au réel. Aussi le dr Pichon préfère-t-il le nommer plus heureusement un absolutisme : l'enfant prend son point de vue immédiat pour le seul réel, il est incapable de se placer au point de vue des autres et de regarder le sien sous la perspective qu'ils en ont. Comme toujours chez l'enfant, ce « réalisme » est en même temps un subjectivisme projeté dans la réalité. Il reconnaît qu'il a un frère, il ne peut comprendre qu'il soit lui aussi le frère de son frère et, si on lui demande combien de frères a son frère, il s'embrouille. Il vit en perpétuel état de croyance asséritive, et le monde extérieur ne le prend jamais en défaut, car il échappe à la contradiction par un processus de délusion. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 618.
C.− Spéc., PHILOS.
1. Métaphysique de l'absolu (cf. étymol. et hist.).
2. Synon. de absoluité (Foulq.-St-Jean 1962).
Stylistique Absolutisme est fréquemment : en assoc. syntagm. avec royal, impérial, monarchique, pontifical, de l'Ancien Régime; on parle de l'absolutisme prussien, de l'absolutisme de Henri VIII, Philippe II, Louis XIV, Frédéric II, etc.; en assoc. paradigm. avec césarisme, militarisme, féodalisme, joséphisme, tsarisme, despotisme éclairé du XVIIIes., jacobinisme, dictature, tyrannie etc.; libéralisme, démocratie, liberté et progrès, liberté individuelle.
Prononc. : [ab̭solytism]. Cf. absoudre. Enq. : /apsolytism/.
Étymol. ET HIST. I.− 1797 terme pol. « régime du pouvoir absolu » (F.-R. de Chateaubriand, Essai sur les révolutions, éd. Ladvocat, t. 1, préf., p. 31 : Loin d'être rentré dans le giron de l'absolutisme, je me suis endurci dans ma faute constitutionnelle. Qu'importe alors que je me sois amendé comme chrétien? Soyez athée, mais prêchez l'arbitraire, la police, la censure, la sage indépendance de l'antichambre, les charmes de la domesticité, l'humiliation de la patrie, le goût petit, l'admiration du médiocre : tous vos péchés vous seront remis). II.− Terme philos. a) « esprit d'intransigeance, absence de réserve ou de nuances dans les opinions »; b) métaphysique de l'absolu, se dit surtout de la philos. de Bradley. I et II a dér. de absolu* I; suff. -isme*; II b empr. à l'angl. absolutism, terme philos. (Bradley, Essays on Truth and Reality, Oxford, 1914, p. 145 : [...] I myself could not say that I like everything in Absolutism. Clearly it is a ,,hard`` doctrine).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 77.
BBG. − Birou 1966. − Foulq.-St-Jean 1962. − Lal. 1968. − Lep. 1948. − Pol. 1868.