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ABSENTÉISME, subst. masc.
I.− HIST. (ANC. RÉGIME). Habitude de certains nobles à vivre hors de leurs terres; système d'exploitation découlant de la non-résidence des propriétaires :
1. Son absence même de ses terres, au lieu de soulager ses voisins, augmentait leur gêne. L'absentéisme ne servait pas même à cela; car des privilèges exercés par procureur n'en étaient que plus insupportables à endurer. A. de Tocqueville, L'Ancien régime et la Révolution,1856, p. 169.
2. N'étant plus leur chef, il n'avait plus l'intérêt qu'il avait eu autrefois à les ménager, à les aider, à les conduire; et, d'une autre part, n'étant pas soumis lui-même aux mêmes charges publiques qu'eux, il ne pouvait éprouver de vive sympathie pour leur misère, qu'il ne partageait pas, ni s'associer à leurs griefs, qui lui étaient étrangers. Ces Hommes n'étaient plus ses sujets, il n'était pas encore leur concitoyen : fait unique dans l'histoire. Ceci amenait une sorte d'absentéisme de cœur, si je puis m'exprimer ainsi, plus fréquent encore et plus efficace que l'absentéisme proprement dit. De là vint que le gentilhomme résidant sur ses terres y montrait souvent les vues et les sentiments qu'aurait eus en son absence son intendant;... A. de Tocqueville, L'Ancien régime et la Révolution,1856p. 27.
Rem. 1. Emploi fig. : absentéisme de cœur, ex. 2; il s'agit d'une création d'aut. (cf. : si je puis m'exprimer ainsi). 2. Non-résidence, qui se dit plus particulièrement du haut degré, de magistrats, etc.
II.− Manque habituel ou systématique d'assiduité à son lieu de travail :
3. Quel joli clergé sort de ces études-là! Ils se mettent à six pour faire un étudiant entier, et s'accordent tous les genres d'indulgences : ignorance, paresse, absentéisme, préparation pour rire, examens à la diable et par voie de loterie. Bref, c'est choquant! choquant parce que c'est frauduleux. Des candidats au ministère ricanant avec la conscience, cela fait peine. H.-F. Amiel, Journal intime,8 sept. 1866, p. 434.
Prononc. : [ab̭sɑ ̃teism]. Enq. : /apsãteism/.
Étymol. ET HIST. − Corresp. rom. : ital. assenteìsmo (< fr.); esp. absentismo (< angl.); cat. absentisme; roum. absenteism. 1. 1828, oct. « habitude des propriétaires terriens de vivre éloignés de leurs propriétés (en référence à l'Irlande avant la Loi d'Émancipation, 1829) » (J.-B. Say, De l'absentisme et de ce que deviendra l'Irlande ds R. encyclop., 283 : En Irlande... les terres ont été non pas vendues, mais données aux suppôts de la dynastie nouvelle... Ces gens, ne pouvant habiter... au milieu d'un pays ainsi traité sont revenus en Angleterre, après avoir loué leurs biens à des spéculateurs qui les ont sous-loués... à de pauvres cultivateurs... Tel est le régime pour lequel on a fait un nouveau nom l'absentisme. [et non absentéisme, indiqué par Quem., Dauzat 1964, FEW et Bl.-W.5]); 1829, mars « id. » ([anon.] Colonisation de l'Irlande ds R. des Deux-Mondes, 80 : ... le remède le plus efficace... en Irlande contre l'absentisme [en N. : c'est ainsi qu'on appelle l'habitude d'émigrer que l'on remarque chez les Irlandais, et surtout parmi les classes riches] serait un fonds public destiné à donner du travail au peuple); 2. 1847 « non présence, manque d'assiduité (domaines du parlement, du théâtre) » (T. Gautier, Art dramat. en France, V, 110 ds Quem. : le public (...) a le même droit d'absentisme, comme on dit à la Chambre). Ext. du sens partic. au sens gén. au xxes. (cf. sém. 2); 3. 1856 emploi fig. « éloignement affectif » ([réf. à la 1reoccurrence] Tocqueville, L'Ancien Régime et Révol.), cf. ex. 2; 1908, 10 avril « éloignement, fuite (de capitaux) » (Liberté, p. 1, col. 7 ds Bonn. : l'absentéisme de la richesse, l'émigration des capitaux). Empr. à l'angl. absenteeism, au sens 1 dep. 1829 (Gen. Thompson, art. Absenteeism ds Westm. Rev. [janv. 1842] I. 55 ds NED : the only permanent effect of any given quantity of absenteeism, is to make Ireland a smaller Ireland), (Hist. voir Encyclop. Brit. XII, 611), dér. de l'angl. absentee « a landlord who lives abroad » dep. 1605 (NED, en réf. à l'Irlande), dér. de to absent, empr. au fr. (s')absenter; absenteeism existant antér. à 1829 (empr. fr. 1828), succède à absenteeship « id. (même emploi) » dep. 1778 (NED). 2 élargissement du sens 1 (cf. 1852, Miss Yonge, Cameos, IV, III, 34 ds NED : absenteeism of clergy from their benefices). 3 empl. fig. (pas d'équiv. ds NED, DAE).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 4.
BBG. − Aquist. 1966. − Lafon 1963. − Piéron 1963. − Romeuf. t. 1 1956. − Sill. 1965.