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ABORD, subst. masc.
I.− Accès.
A.− Arrivée; lieu par où l'on arrive.
1. Action d'aborder (un rivage ou, p. ext., un lieu quelconque) :
1. ... selon les vents, on peut faire choix de l'anse dont l'abord est le plus facile. Cette considération est d'une grande importance; car la navigation des chaloupes est très-difficile dans ce canal,... Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 2, 1797, p. 35.
2. ... je dominais de là l'ouverture profonde Où la neige d'été roule en poudre avec l'onde, Et le pont naturel qui sur son double bord Se dresse, et de mon lac défend l'affreux abord. A. de Lamartine, Jocelyn,1836, p. 616.
3. La malformation ne doit pas être extrême et l'abord du sang au poumon doit être possible;... Cadet de Gassicourt, Traité clinique des maladies de l'enfance,t. 2, 1880-1884, p. 18.
Rem. Ex. 2 : ,,Ce mot a été primitivement empl. pour désigner la rive d'un fleuve, le rivage de la mer.`` (Besch. 1845).
Abords :
4. ... cette campagne heureuse, est comme séparée du reste de l'Europe, et par la mer qui l'entoure, et par cette contrée dangereuse qu'il faut traverser pour y arriver. On dirait que la nature s'est réservé le secret de ce séjour de délices, et qu'elle a voulu que les abords en fussent périlleux. G. de Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 187.
5. Seul l'engagement personnel dans l'aventure totale de l'homme, sa compréhension active et large, donnent au candidat à la connaissance des hommes l'ignorance savante qui lui en livre les abords. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 70.
2. Spéc., MAR. Dispositif de débarquement :
6. Abord (Mj.), s. m. − Lieu de la rive où les bateaux peuvent aborder, cale de débarquement. Verr.-On. t. 1 1908, p. 5.
3. P. ext. Environs immédiats :
7. Restons encore un peu sur le plateau, et dans l'abord immédiat. Il y avait, au-dessus, les chênes; en bas, la source. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 2, 1928, p. 128.
Abords :
8. En approchant du couvent des camaldules, Trenmor vit la route et les abords encombrés d'équipages, de chevaux et de valets. G. Sand, Lélia,1839, p. 448.
9. L'intérieur de la salle est cependant plus confortable que les abords ne le promettent. T. Gautier, O Voyages en Espagne,1845, p. 29.
10. Pour sortir, il faut se garer des mitrailleuses boches, mais pour entrer il faut, en outre, se garer des nôtres. Le fort, pour ne pas être investi, doit garder le fossé sud et ses abords. Toute ombre qui s'approche est suspecte. La difficulté est de se faire reconnaître. H. Bordeaux, Les Derniers jours du fort de Vaux,1916, p. 238.
11. Un catogan serré sur la nuque [de Gigi] découvrait les frais abords du front et des oreilles... Colette, Gigi,1944, p. 48.
A l'abord de. A proximité de :
12. Céluta (...), s'avança vers la grotte des ancêtres. Il étoit plus de minuit lorsqu'elle y arriva : elle ne se put défendre d'une secrète terreur, à l'abord de ce lieu redoutable. F.-R. de Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 348.
Aux abords de. Aux environs de :
13. La romane française avait acquis un commencement de perfection qu'on ne retrouve plus aux abords du xvie. Ch.-A. Sainte-Beuve, Tableau hist. et crit. de la poésie française et du théâtre français au XVIes.,1828, p. 6.
14. A neuf ou dix ans, tout est à peu près en ordre s'il ne s'est pas produit d'accident dans l'évolution. Depuis cet âge jusqu'aux abords de la puberté, l'enfant, et surtout le garçon, passe par une phase extrêmement réaliste, la moins accessible généralement à la vie intérieure. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 339.
B.− Rencontre (une idée d'hostilité pouvant s'ajouter dans certains cas).
1. L'idée d'hostilité n'est pas fondamentale; abord signifie seulement
a) Arrivée, présence :
15. Je crois que notre abord met ces dames en fuite. Ah! Monseigneur, j'ai peur de leur avoir déplu. A. de Musset, À quoi rêvent les jeunes filles.1832, I, 4, p. 351.
b) Début d'une rencontre :
16. ... j'éprouve une sorte de crainte de ton premier abord. Es-tu comme ma mère bien aise d'inspirer ce sentiment? G. de Staël, Lettres de jeunesse,t. 1, 1791, p. 476.
17. − Comment vous portez-vous? lui dit Émile en lui tendant la main. − Très bien, merci; et vous? répondit Henriette. Et cet abord les amusa beaucoup, car ils se mirent à rire follement, y trouvant apparemment un comique particulier. Puis Henriette ajouta : voyons vos mains. − Pourquoi? − Montrez-les-moi d'abord; je m'expliquerai ensuite. L.-E.-E. Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard,1860, p. 26.
c) Aspect, attitude (surtout dans les rapports hum.) :
18. Quant à moi, rien n'est changé depuis ma dernière lettre. Je continue (devant les autres) à être le même homme qu'autrefois, et cela par décence d'abord, et par orgueil, ensuite. On avait fait courir de tels bruits sur ma ruine que les gens (je le sens bien) sont tout surpris de ne pas me voir en haillons. Mon abord leur rengaine la pitié dans la bouche, et on cause d'autre chose. G. Flaubert, Correspondance,1876, p. 233.
19. Le premier abord de la Vérité est rarement agréable. E. Renan, Feuilles détachées,1892, p. 335.
20. Il avait lui aussi l'allure d'un jeune homme de bonne famille; mais sans rien de gourmé. Un visage limpide et assez beau, le regard velouté, un rire d'écolier, l'abord direct et gai; il me fut tout de suite sympathique. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 243.
Abords. Dehors, apparences d'une pers. :
21. ... cette idée de tendresse excessive et ces qualités affectueuses mises en relief par Madeleine ne s'accordaient pas très-bien avec la froideur des enveloppes qui rendaient les abords de Julie si glacés. E. Fromentin, Dominique,1863, p. 226.
22. Il portait du coton rose dans les oreilles, était complètement rasé, ressemblait à un notaire, bon vivant et pieux. Mais l'œil, vif, fourbe, démentait cette mine joviale et confite; on devinait dans ce regard un homme d'affaires intrigant et madré, capable, sous ces abords mielleux, d'un mauvais coup. J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 29.
Rem. ,,On dit au sens propre, les abords en parlant d'un lieu accessible de plusieurs côtés différents; mais au sens figuré abord se prend toujours au singulier; tellement que, s'il s'agissait d'exprimer en français que l'on a été accueilli successivement de manières diverses par plusieurs personnes, on ne pourrait pas dire : les abords de ces personnes n'ont pas été les mêmes; il faudrait dire : l'abord n'a pas été le même, ou l'abord a été bien différent de la part de ces personnes; leur abord a bien varié, etc.`` (Besch. 1845).
2. Attaque par terre ou par mer :
23. Je conviens que les moyens de défense pour empêcher l'abord de l'ennemi dans le pays, sont extrêmement faibles, pour ne pas dire nuls : et prenant pour exemple la rade de la Conception, qui passe pour une des meilleures du Chili; le débarquement, qui peut se faire presque dans toutes ses parties, ne peut recevoir d'opposition que de deux ou trois batteries, dont la plus considérable est sur la plage, et dont les autres peuvent être facilement tournées par quelques troupes qu'on ferait débarquer hors de la portée de toutes : ... Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 4, 1797, p. 99.
3. BOUCH. ,,Chez les Bovins, maniement pair, pratiqué entre la base de la queue et la pointe de la fesse.`` (Lar. encyclop.).
C.− MAR., AVIAT. En abord. Sur le côté (d'une coque de navire, d'une carlingue) :
24. ... sur la plupart des navires [de guerre] un poste de commande du gouvernail [est installé] sur une plateforme... au-dessus du pont supérieur,...; on la prolonge en abord, c'est-à-dire vers l'extérieur du navire,... A. Croneau, Construction pratique des navires de guerre, t. 1, 1892.
25. Le taximètre étant simple et léger, on peut en avoir un de chaque côté en abord de la carlingue [de l'avion],... A.-B. Duval, L. Hébrard, Traité pratique de navigation aérienne,1928, p. 158.
Rem. Nonobstant Jal 1848 (,,abord : action d'aller... contre la muraille extérieure d'un navire, qui est sa limite, son bord``) il ne semble pas qu'un subst. abord conforme à l'autre sens de la racine bord (bordage) soit représenté autrement que par cette loc.
II.− D'abord (et tout d'abord). En premier lieu.
Rem. Avec une ext. (spatiale et temp.) d'emploi qui le fait fonctionner, le plus souvent, comme la catégorie qui indique la première étape de qqc., mais, parallèlement, le « vide » de son sens, abord nécessite l'adjonction de termes amplificateurs. Ceci entraîne l'emploi de la prép. de, qui n'est alors qu'une sorte de cheville, un indice : 1. du rapport de liaison entre abord, terme vague, et les termes amplificateurs; 2. de la valeur prédicative de ceux-ci. Ainsi sont amplifiés : abord, et les loc. prépositives à l'abord (de), aux abords (de), (cf. sup.). Mais la prép. peut aussi se trouver en position initiale pour former avec abord une loc. adv. ou conj. Il s'agira alors, le plus souvent, de la prép. de, ou de son substitut fréq. à (cf. de nouveau, à nouveau; d'avance, à l'avance). Le sens de abord (accès, action d'aborder qqc. ou qqn), apparaîtra plus ou moins, et le mot passera en défin. par des nuances qui vont du sens plein au simple emploi comme terme classificateur. La localisation de ces nuances dépend uniquement des cas d'espèces.
A.− En premier lieu dans le temps; à première vue; tout de suite.
D'abord :
26. Les autres généraux combattirent d'abord le projet d'Olivier; mais enfin, après beaucoup de débats, ce plan fut adopté. Quand la duchesse apprit cette décision, elle se livra à toute l'inquiétude que devoit lui causer une entreprise téméraire et périlleuse :... Mmede Genlis, Les Chevaliers du cygne,t. 3, 1795, p. 302.
27. La comtesse ne me vit pas d'abord, je me tenais dans l'embrasure de la fenêtre, le visage à la vitre. H. de Balzac, Gobseck,1830, p. 411.
28. Abord (d') adv. A l'instant, sur l'heure, tout de suite. Je suis obligé de sortir; mais je reviens d'abord. Ma commission est-elle faite, Jenny? − Non, madame, mais je la ferai d'abord. J. Humbert, Nouveau glossaire genevois,1852, p. 3.
29. Et elle la détesta, d'instinct. D'abord, elle se soulagea par des allusions. Charles ne les comprit pas; ensuite, par des réflexions incidentes qu'il laissait passer de peur de l'orage; enfin, par des apostrophes à brûle-pourpoint auxquelles il ne savait que répondre. G. Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 18.
30. ... je ne puis pas t'emmener, François. Si je connaissais bien mon chemin, tu m'accompagnerais. Mais il faut d'abord que je le retrouve sur le plan, et je n'y parviens pas. Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 49.
31. « Ça serait tout de même logique de se renseigner d'abord et de parler ensuite », se dit-il. Mais ce n'est pas comme ça que les choses se passent. D'abord, il faut parler, c'est urgent; ensuite, les événements vous donnent raison ou tort. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 131.
Tout d'abord :
32. En prenant le commandement de l'armée d'Italie, Napoléon, malgré son extrême jeunesse, y imprima tout d'abord la subordination, la confiance et le dévouement le plus absolu. E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 108.
33. Je ne puis dire combien cette enfant me plut tout d'abord. A. France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 366.
34. Depuis que je m'occupe de lui, il ne m'apparaît plus tel que je l'avais jugé tout d'abord à mon entrée dans cette maison, un paysan grossier, stupide et pataud. J'aurais dû l'examiner plus attentivement. Maintenant, je le crois singulièrement fin et retors, et même mieux que fin, pire que retors... O. Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 172.
D'abord après. Aussitôt après :
35. Abord après (d') loc. adv. Aussitôt après, immédiatement après. Je vais à la poste, et je vous rejoins d'abord après. « Il n'est pas rare de voir d'abord après une bise noire ou un séchard, se lever un vent de midi. » Cette expression, d'abord après, fort usitée chez nous et dans le Midi de la France, n'est pas française. J. Humbert, Nouveau glossaire genevois,1852, p. 3.
D'abord que. Dès lors que :
36. Dans un étroit sentier un étranger... rencontre le vinaigrier, et d'abord qu'il voit l'âne, il éclate de rire. − Quelle haridelle as-tu là, camarade? s'écrie-t-il. P. Mérimée, Mosaïque,1833, p. 313.
37. Abord que (d') conj. Aussitôt que, dès l'instant que. D'abord que vous le pourrez, venez me voir. D'abord qu'ils entendirent le tocsin, ils coururent chacune à leur poste. Expression suisse, savoisienne et méridionale. J. Humbert, Nouveau glossaire genevois,1852, p. 3.
À l'abord :
38. C'est de la première visite, en 1902, que je veux parler longuement. À l'abord, on ne voyait pas qu'il y eût rien de changé. L'entrée était toujours ce vestibule nu, avec une grande croix noire clouée au milieu du mur jaunâtre. V. Larbaud, Fermina Marquez,1911, p. 210.
Rem. ,,Ces locutions [à l'abord; dans cet abord] ne seraient plus supportées, et ce n'est pas sans étonnement que nous lisons dans le dictionnaire de l'Académie cette expression surannée : il me parut froid à l'abord, mais bientôt je le trouvai très honnête.`` (Besch. 1845).
Dans l'abord :
39. Notre destin ressemble-t-il à la guerre d'Éthiopie On ne croit jamais dans l'abord que ce soit la peste qui gagne Cependant rien ne se conquiert sans que se déchire une Espagne Et l'on ne meurt que lentement des blessures de l'utopie ... L. Aragon, Le Roman inachevé,Les Pages lacérées, 1956, p. 198.
Dedans l'abord :
Rem. Mentionné uniquement par Besch. 1845 ,,Ne se dirait plus aujourd'hui``.
Au premier abord :
40. Son teint coloré et frais, toutes ses dents bien blanches qu'il avait conservées et que son rire faisait voir, lui donnaient cet air ouvert et facile qui fait dire d'un homme : c'est un bon enfant, et d'un vieillard : c'est un bonhomme. C'était, on s'en souvient, l'effet qu'il avait fait à Napoléon. Au premier abord et pour qui le voyait pour la première fois, ce n'était guère qu'un bonhomme en effet. Mais si l'on restait quelques heures près de lui, et pour peu qu'on le vît pensif, le bonhomme se transfigurait peu à peu et prenait je ne sais quoi d'imposant; ... V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 71.
Dans le premier abord. ,,Dès le premier instant.`` (Besch. 1845).
De premier abord :
41. Un choc agréable et de premier abord : la salle accablée, d'or, de l'Athénée. Colette, Fanal bleu,1949, p. 69.
Du premier abord :
42. Abord (Mj.), s. m. − ... Du premier abord, − tout d'abord, de prime abord. (Par plaisanterie on dit qqf. : Au second rabord.) Verr.-On.t. 1,1908, p. 5.
De prime abord :
43. Certes, M. de Maistre a beaucoup choqué en France de prime abord : il a choqué d'autant plus que, n'étant pas français, et ayant à sa date les opinions les plus anti-françaises qui se puissent imaginer, il y joint le style le plus à la française, et qu'il s'est trouvé tout d'abord un grand écrivain d'ici avec des idées de l'autre pôle. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 173.
Dès le premier abord :
44. ... les gens de jugement et d'expérience prononcèrent, dès le premier abord, que notre crise aurait l'issue de toutes celles qui lui ressemblent dans l'histoire; que nous ne serions que des instruments ou des prétextes pour les étrangers, qui ne cherchaient que leur intérêt et ne nous portaient aucun sentiment. E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 948.
Dès l'abord :
45. ... si je m'y étais pris ainsi, peut-être y auriez-vous été trompés vous-mêmes; peut-être auriez-vous cru dès l'abord me comprendre parfaitement, quoique dans le vrai il n'en fût rien. A.-L.-C. Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie, Idéologie proprement dite, introd., t. 1, 1801, p. 18.
B.− En premier lieu dans une énumération ou un raisonnement.
D'abord :
46. Je vous prie d'abord de m'écouter, et en second lieu de me faire une grâce. A. de Musset, Comédies et proverbes,La quenouille de Barberine, 1840, I, 1, p. 277.
47. ... cette masse lit parce qu'elle a besoin de lire, d'abord en vertu des conditions nouvelles de la vie qui l'ont obligée à apprendre à lire. Ayant appris à lire, elle a dû chercher dans cette acquisition nouvelle autre chose que le moyen de satisfaire à la nécessité immédiate; ... Ch. Maurras, L'Avenir de l'intelligence,1905, p. 57.
Tout d'abord :
48. Il est bien vrai que parlant dans une assemblée politique j'ai dit tout d'abord que le catholicisme nous donnait des lois qui s'accordent avec les lois de la santé pour l'individu et pour les peuples, mais j'ai dit aussi que le catholicisme est l'atmosphère la plus favorable aux sentiments magnanimes. M. Barrès, Mes cahiers,t. 8, 2 nov. 1909-16 mars 1910, p. 67.
D'abord et d'une :
49. Une! et d'une! d'abord et d'une! Ces trois locutions servent indifféremment à ceux qui ont une énumération à faire... en numérotant chaque article ou plutôt le premier article, car ils s'en tiennent à celui-là. Larch.1878, p. 356.
C.− En premier lieu par l'importance.
D'abord :
50. J'écris une histoire d'abord pour les paysans, mais elle peut aussi servir aux autres. Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 1, 1870, p. 97.
51. Tant que nous usons de l'entreprise privée et du marché quasi libre, nous acceptons que chaque firme, chaque industrie, chaque catégorie d'intérêts lutte d'abord pour son bénéfice. F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, p. 404.
Tout d'abord :
52. Dans ce scénario, l'armée française avait à jouer tout d'abord le rôle d'armée de couverture de la triple-entente. Cette conception me semblait reposer sur un sophisme; à savoir que durant le premier mois de la guerre aucune décision ne serait obtenue contre nous, malgré notre évidente infériorité numérique et l'initiative des opérations que nous laissions de propos délibéré à l'adversaire. J. Joffre, Mémoires,t. 1, 1931, p. 22.
Stylistique − D'une manière gén., le mot abord appartient à la lang. litt., et se situe à un niveau sensiblement plus élevé que ses princ. synon. Il jouit d'une vitalité variable suiv. qu'il est empl. au sing., au plur. ou dans une loc. C'est au sing. qu'il connaît la vitalité la plus faible. Dans le domaine mar., (cf. sém. I A) il se retrouve de préférence dans les récits de voyages ou d'aventures (cf. aborder) et connaît un sens dial. « dispositif de débarquement » ainsi qu'un emploi limité à la loc. en abord (localisée dans la lang. de la mar. et, p. anal., dans celle de l'aviat.). Au sens I B, sa vitalité est un peu plus nette (et la multiplicité des emplois ne permet plus alors une localisation aussi précise) pour désigner une rencontre, mais il semble concurrencé par arrivée (cf. ex. 15), rencontre (cf. ex. 16, 17), et aussi, du moins quand il n'est pas associé à l'épithète premier, c.-à-d. quand son usage n'est pas requis par une struct. figée, par allure, attitude, aspect (cf. ex. 18, 19, 20). Le plur., en revanche, a connu une ext. autonome. Dans la lang. milit. (attest. fréq. dans les récits de guerre) et de façon plus commune, il désigne les environs d'un lieu. Il désigne aussi les dehors d'une pers.; mais, si l'on considère la rem. de Besch. 1845 (cf. ex. 21, 22), peut-être faut-il ne voir là qu'une intention propr. styl. Mais la vitalité la plus grande se trouve sans compar. possible dans les innombrables loc. adv. (ex. d'abord) ou prép. (ex. aux abords de). Tout se passe en effet comme si abord, après avoir permis un gd nombre de loc., s'était appauvri au point que, désormais, il ne puisse plus guère se trouver en dehors d'une struct. figée (cf. sém.). Ces loc. sont les plus souvent concurrentes les unes des autres, parfois teintées d'arch. (à l'abord, dedans l'abord, dans le premier abord, d'abord que), de régionalisme (d'abord après, du premier abord), ou de familiarité (d'abord et d'une). À noter que si, dans la loc. à l'abord de, abord conserve sa nuance de difficulté (à l'abord de : au moment où l'on fait l'effort, où l'on prend le risque d'aborder...), (cf. ex. 12), le plur. fait disparaître totalement cette nuance dans loc. aux abords de (cf. ex. 14). À noter également que, dans la loc. d'abord, le subst. est susceptible de se vider de son sens au point que l'on note dans un style un peu négligé, le voisinage de la loc. d'abord, ou du subst. abord avec le verbe aborder ou une autre loc. moins fréq., ainsi que le montrent les ex. ci-dessous : 53. Abordons d'abord le sujet par où il nous blesse le plus... J. Michelet, L'Insecte, 1857, p. 128. 54. Dans les Champs-Élysées d'abord, merveilleux aux abords des cafés-concerts; ... A. Gide, Journal, 1905, p. 161. D'abord peut être l'annonce d'un acte dram., ou marquer l'atmosphère sérieuse et chargée d'affectivité d'un dialogue : 55. − « Asseyez-vous! » dit-elle. « Là, plus près. » Et, d'un ton grave : « d'abord, j'ai à vous remercier, mon cher, d'avoir risqué votre vie. » G. Flaubert, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 72. Placé en tête de phrase, la loc. appartient à un style plus fam., et se localise dans le roman pop. ou rustique ou le th. de boulevard; elle est caractéristique d'un style dir. et plein de vivacité : 56. Et se mettant à la table, parlant tout en écrivant au crayon le nom des gens, Renée commença : « d'abord la famille... passons... maintenant, qui, voyons? E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin, 1864, p. 145. 57. − Cout'donc, dit-elle, ça serait p'têtre ben une bonne idée, d'abord que t'es là pour garder les enfants, que je me mette su le chemin pour trouver un logement. G. Roy, Bonheur d'occasion, 1945, p. 110. 58. Pour rire! pour rire! c'est-y si drôle que ça de se moquer du monde! pour rire! y en a qui vont pas mal loin pour rire. − Ce n'était pas pour rire, dit Emmanuel. − Non, ben pourquoi c'était-y donc d'abord? On est pas ici nous autres, pour faire rire de nous autres! Id., ibid., p. 135. D'abord peut être renforcé par moi antéposé ou postposé qui lui donne un caractère enf. ou plus fam. : 59. Moi, d'abord, les gens qui donnent des bals, je ne leur demande qu'une chose, c'est de n'être pas de la police et de bien donner à souper... E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin, 1864, p. 183. 60. − « Mon dieu, oui! d'abord, moi, je ne lui trouve rien d'extraordinaire, et puis on en récolte de pareilles tant qu'on veut, car enfin... elle est à vendre! » G. Flaubert, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 26. 61. Ah! mais! nous lutterons! pas plus tard que ce soir, je brûle mes vaisseaux, moi, d'abord ... E. Pailleron, L'Âge ingrat, 1879, II, 7, p. 71. À noter enfin l'aspect énigmatique pris par la phrase lorsque la loc. est suivie de points de suspension ou d'une interr. et son caractère volontaire lorsqu'elle est suivie d'une exclam. : 62. Maintenant, à l'œuvre, car le temps presse. Voyons la place... Mais d'abord... Ces sentinelles là-haut? V. Sardou, Patrie, 1869, II, 3etabl., 3, p. 74. 63. Eh bien, ces phrases, ces mots, rappelez-vous... Dolorès. L'hôtel de ville, d'abord!... Ils ont parlé tout le temps de l'hôtel de ville. Id., ibid., III, 4etabl., 9, p. 105. Quelques ex. d'emplois rares de abord (cf. ex. 2, 11) : 64. Toute âme qui se sauve emporte aussi son corps, Comme une proie heureuse et comme un nourrisson. Et toute âme qui touche aux suprêmes abords Est comme un moissonneur le soir de la moisson. Ch. Péguy, Eve, 1913, p. 814.
Prononc. − 1. Forme phon. : [abɔ:ʀ]. Pour la prononc. de d, Rouss.-Lacl. 1927 fait la rem. suiv. : ,,Le d est muet dans : Gar(d), abor(d), gran(d), ron(d). Il se prononce dans les mots étrangers : sud, Léopold, Alfred, David, etc.`` Cf. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 377. − Rem. Littré : ,,Le d ne se prononce jamais en liaison; un abord agréable, dites, a-bor-a-gréable; au pluriel, la liaison de l's est douteuse. La prononciation moderne et affectée tend à la faire sentir : des abords agréables, abor-zagréables. Mais la prononciation ancienne et meilleure ne fait pas sentir l's : des abords agréables, a-bor-agréables``. Enq. : /abo2 ʀ/. 2. Homon. : abhorre (nt, -s) du verbe abhorrer.
Étymol. − 1. a) 1440-1475 « fait d'avoir accès à une personne » (Chastellain, Chron., IV, 379, éd. Kervyn ds R. Hist. litt. Fr. I, 180 : Tandis doncques que ces anglois estoient devers le duc besognant pour leur premier abord); 1611 « accueil fait par la personne abordée » (Cotgr. s.v. abord : De doux abord. Gentle, courteous, affable : of open accesse, easie to be spoken with, or come into); b) 1636 « attaque » (Corneille, Cid. 1087 ds Dub.-Lag. 1960 : De ces vieux ennemis va soutenir l'abord), d'où 1575 de premier abord « dès le commencement » (Marg. de France, Mém. ds D G : De premier abord, l'effroy l'ayant pris); 1607 d'abord « id. » (Hulsius, Dict. fr.-all.); 2. 1616-1620 « action d'arriver en un lieu » (D'Aubigné, Hist., II, 183 ds Littré : Il vint à la cour en poste, et deux heures après son abord, Pellicar, ...); 3. a) ca 1530 « lieu (où l'on est arrivé) » (C. Bucher, Poésies, éd. Denais, 87 ds R. Hist. litt. Fr., I, 180 : Que cerches-tu ores en ces abords?); 1556 « lieu où l'on aborde, port » terme mar. (Saliat, Trad. d'Hérodote, éd. chez E. Groulleau, III, 5 ds Hug. : Plusieurs ports et abords de mer ou se fait grand trafic); b) xvies. abords « rive le long d'un cours d'eau » terme mar. (Cout. de L'Angle, Nouv. Cout. gén. I, 312 ds Lacurne, t. 1, 1875 : Est ordonné... a un chascun ayans abords contre la grande rivière... qu'ils ayent à les entretenir). Dév. de aborder* : 1 a de aborder 3; 1 b de aborder 1; 2 et 3 a de aborder 2; 3 b dér. de bord* 2 b. HISTORIQUE I.− Hist. des sens. − A.− « fait d'avoir accès auprès d'une pers. », 1reattest. 1440-75 (cf. étymol.) et attesté surtout dans les accept. suiv. : 1. « possibilité d'avoir accès auprès d'une pers. », apparaît ds Ac. 1718 et se trouve durant toute notre période; 2. « accueil, aspect de la pers. abordée », 1reattest. 1611 (cf. étymol.) et constamment attesté. B.− « lieu où l'on est arrivé », attesté en 1530 (cf. étymol.), sans attest. post., sinon dans les accept. suiv. : 1. « lieu où l'on aborde, port », attesté en 1556 (cf. étymol.) et encore en 1610 : Le Roy... le comble [l'hermitage d'Honneur] de toutes les singularitez dont il se peut aviser, l'ayant fait un abord de toutes sortes de gens d'honneur. Beroalde de Verville, Voyage des Princes fortunez, 322 (Hug.). Pas d'attest. jusqu'en 1908, où cette accept. reparaît dans un emploi plus restreint (cf. ex. 6); 2. « rive le long d'un cours d'eau », attesté au xvies. Qq. rares attest. jusqu'au début du xixes. (peut-être ds ex. 2). C.− « arrivée en un lieu », 1reattest. 1616-1620 (cf. étymol.). En ce sens gén., abord aurait pu prendre la place d'un autre mot, arrivée, de même orig. mar., mais il est condamné comme vieilli au xviiies. (cf. Brunot t. 6, pp. 1335-1336; cf. également Besch. 1845, s.v.), est relayé par certaines accept. partic. : 1. fig. « action d'aborder une entreprise », noté ds Ac. Compl. 1842 (le commencement d'une action), et qui possède qq. attest. au xxes., mais qui se trouve déjà dans les loc. apparues dès la fin du xvies. : de premier abord, 1575; d'abord, 1607 (cf. étymol.); 2. à noter, de même que pour les pers., la nuance entre le fait et la possibilité : « possibilité d'accéder à un lieu, spéc. par mer », 1reattest. ds Fur. 1690 et attesté durant toute la période; 3. p. ext. « arrivée massive, affluence », 1reattest. 1687 : Les autres n'étaient que des hôteliers que le grand abord des étrangers enrichissait. Fontenelle, Orac., I, 14 (Littré). Attesté dans les dict. jusqu'à la 1remoitié du xixes. Noté vieilli ds Ac. 1835 et Besch. 1845; 4. « présence », de 1701 (Fur.) à 1832 (cf. ex. 15); 5. « lieu par où l'on accède », ds Fur. 1701; attest. constantes et avec plus d'ext. dep. Besch. 1845 « environs »; 6. « action d'aborder à une côte », apparaît ds Ac. 1798 et constamment attesté. D.− « attaque par terre ou par mer ». Apparaît en 1636 (cf. étymol.). Bien attesté jusqu'à la fin du xviiies. (cf. ex. 23), encore attesté en 1837. Pas d'attest. post. II.− Vitalité des sens. − A.− Sens et accept. disparus : 1. av. 1789 : néant; 2. apr. 1789 : le sens B dans sa totalité; le sens C dans ses accept. 3 et 4; le sens D (sous réserve de certains emplois de loc.). B.− La vitalité des sens et accept. restants n'est rien en compar. de celle des loc. (notamment d'abord) où se manifeste surtout l'accept. C 1 (cf. sém.).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 24 590. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 28 739, b) 30 475; xxes. : a) 35 955, b) 42 105.
BBG. − Dainv. 1964. − Gruss 1952. − Hartoy 1944. − Jal 1848. − Le Clère 1960. − Littré-Robin 1865. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. B. Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 338.