| SAUTERELLE, subst. fém. A. − 1. ENTOMOLOGIE a) Insecte orthoptère sauteur, de coloration verte ou jaunâtre, avec de longues pattes postérieures permettant des sauts puissants. Les sauterelles ivres d'été crissent avec une âpre allégresse (Rolland,J.-Chr., Aube, 1904, p. 22).Monotone, têtue comme un cœur qui bat, une sauterelle stridulait (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 82). − [Dans des compar. faisant réf. à l'aspect de cet insecte] Le Matamore, reployant ses longs membres articulés comme ceux d'une sauterelle, se baissa (Gautier,Fracasse, 1863, p. 80).Des cyclistes dansaient comme des sauterelles sur des pistes de rondins (Giono,Gd troupeau, 1931, p. 91). − Loc. pop. Avoir une sauterelle (au plafond, dans la guitare, etc.). Ne pas avoir toutes ses facultés mentales, être dérangé. Synon. avoir une araignée* (dans le plafond), un grain*.Ce gus avait une sauterelle dans la vitrine (P. Perret,Le Petit Perret ill. par l'ex., 1985(Le Livre de poche), p. 411). b) [N. pop. anc. du criquet] « Les criquets! Les criquets! » Mon hôte (un fermier du Sahel) devint tout pâle comme un homme à qui on annonce un désastre (...). C'étaient les sauterelles. Soutenues entre elles par leurs ailes sèches étendues, elles volaient en masse, et malgré nos cris, nos efforts, le nuage s'avançait toujours, projetant dans la plaine une ombre immense (A. Daudet,Lettres de mon moulin, 1952 [1869], p. 185). − [Dans des compar. faisant réf. aux invasions de criquets et aux dévastations qu'elles provoquent] Les auberges sont inondées de voyageurs et les routes de voitures. Ceux qui arrivent les derniers ont moins que des os. C'est comme une nuée de sauterelles qui brûle tout (Hugo,Corresp., 1825, p. 414).Un matin, on s'était réveillé sans pain, sans viande, le pays ruiné, comme mangé par un vol de sauterelles, depuis une semaine que des centaines de mille hommes y roulaient leur flot débordé (Zola,Débâcle, 1892, p. 546). 2. Région. (Côtes de la Manche). Sauterelle de mer ou, absol., sauterelle. Crevette. (Ds Mots rares 1965). B. − P. anal. 1. Personne maigre, sèche, aux membres grêles. Le professeur: Je puis donc vous dire que votre divine cantatrice, votre sirène, votre mystérieuse beauté, c'était Consuelo. Le comte: Elle! ce sale enfant? cette noire et maigre sauterelle! impossible, maestro! (Sand,Consuelo, t. 1, 1842-43, p. 20).Il posa sa main sur ma tête et éleva la voix d'un ton lamentable: − Anne, venez voir cette sauterelle, elle est toute maigre (Sagan,Bonjour tristesse, 1954, p. 86). 2. Pop., vieilli. Femme facile ou prostituée. Synon. cocotte, petite femme, sauteuse.La Désulland, sauterelle de marais (Calendrier du Père Duchesne, 1791, p. 43 ds Quem. DDL t. 19).Peu à peu les exigences de MlleChuchu, l'ancienne petite figurante, la maigre sauterelle du trottoir parisien, s'étaient accrues (Zola,Argent, 1891, p. 381). C. − En partic. 1. ,,Instrument formé de deux règles assemblées à l'une de leurs extrémités par une charnière, et qui sert à mesurer et à tracer toutes sortes d'angles`` (Noël 1968). Prenant cet angle avec une sauterelle ou fausse équerre, on allait sur le chantier chercher une pierre donnant un angle saillant correspondant à l'angle rentrant mesuré avec la sauterelle (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 6). 2. a) Dispositif de fixation d'un bât-flanc ou d'une barre, constitué d'un crochet à bascule et d'un anneau qui coulisse le long de la corde d'attache et qu'on engage sur l'extrémité du crochet (d'apr. Chabat t. 2 1876). b) ,,Dispositif articulé permettant le blocage rapide d'une pièce sur son montage`` (GDEL). 3. BÂT., GÉNIE CIVIL. ,,Bande transporteuse inclinable`` (Lar. Lang. fr.). 4. CHASSE. Piège à bascule pour capturer les oiseaux. (Dict. xixes. et xxes.). 5. CH. DE FER. ,,Aiguillage mobile portatif, que l'on place sur une voie pour en sortir un véhicule`` (GDEL); ,,élément de voie (...) qui, à un croisement saute d'une voie sur l'autre par un effet de bascule, et remplace une plaque tournante`` (Noël1968). 6. VITIC. ,,Extrémité du sarment utilisé pour le marcottage et sortant de terre pour former le futur cep de vigne`` (Fén. 1970). Synon. sautelle. 7. Région. (Normandie). Jeu de la marelle. Mais aux barres, à la sauterelle, au cheval fondu, je reprenais avantage, cela me suffisait (E. Noël,Mémoires d'un imbécile, ch. VIII in Philos. posit., janv.-févr. 1875ds Littré Suppl. 1877). Prononc. et Orth.: [sotʀ
εl]. Ac. 1694: sautereau: ,,On dit plus ordinairement suaterelle``; dep. 1718: -elle. Étymol. et Hist. A. 1. 1remoit. xiies. salterele « insecte » (Psautier d'Oxford, 77, 51 ds T.-L.); 2. 1555 sauterelle de mer « crevette » (Belon d'apr. Roll. Faune t. 12, p. 99); 3. 1791 « prostituée » sauterelle de marais (Calendrier du père Duchesne, loc. cit.); 4. 1842-43 « fille grande et maigre » (Sand, loc. cit.). B. Ca 1330 sauterelle « danseuse » (Guillaume de Digulleville, Pélerinage vie humaine, V, 11805 ds T.-L.). C. 1. 1506 sautreulles « fausse équerre mobile » (Lille, ap. La Fons, Gloss. ms., Bibl. Amiens ds Gdf. Compl.); fin xvies. sauterelle (Palissy, Recepte ver., p. 92 ds Hug.); 2. 1871 « mécanisme servant à rattacher les barres de séparation dans les écuries et les étables » (Littré); 3. a) 1894 « appareil de changement de voie dans les chemins de fer » (Bricka, Cours ch. de fer, t. 1, pp. 382-383); b) 1927 « appareil élévateur mobile » (Champly, Nouv. encyclop. prat., t. 3, p. 95). D. 1604 vigne « sorte de provin » (Le Loyer, Spectres, V, 5 ds Hug.). Dér. de sauter*; suff. -elle*. Fréq. abs. littér.: 254. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 274, b) 484; xxes.: a) 487, b) 293. Bbg. Sain. Arg. 1972 [1907] p. 129. |