| -EUR1, suff. Suff. formateur de subst. fém. désignant la qualité exprimée par l'adj. de base. A.− Le dér. désigne une perception, une sensation (avec en gén. des emplois fig.) − une couleur : blancheur, blondeur, noirceur, pâleur, roseur, rougeur, rousseur, verdeur; − une sensation gustative ou olfactive : aigreur, fadeur, puanteur; − une sensation du toucher : douceur, froideur, fraîcheur, moiteur, tiédeur; − une impression esthétique : laideur. Rem. On notera aussi deux autres dérivations : l'une sur le subst. d'a. fr. hisde, hideur, l'autre sur le verbe sentir, senteur. B.− Le dér. désigne une propriété physique (avec en gén. des emplois fig.) : ampleur, épaisseur, grandeur, grosseur, hauteur, largeur, lourdeur, maigreur, minceur, pesanteur, profondeur, raideur. Morphol. Lorsque l'adj. varie en genre, le dér. est formé sur le fém. D'où l'apparition de la consonne correspondante :− Désigne une propriété abstr. : primeur. Rem. gén. 1. Les dér. peuvent prendre un sens concret, notamment au plur. : douceurs « sucreries » (Rob.); fadeurs « fadaises, propos plat et sot »; grosseur « sorte d'enflure, ou de boule... »; lenteurs « actions, décisions lentes »; primeurs « fruits, légumes consommables avant la saison normale »; rondeurs « forme ronde, chose ronde » (ibid.); rougeur « tache, plaque rouge sur la peau... » (ibid.); rousseurs « taches roussâtres dues à l'humidité... » (ibid.). 2. Parmi les nombreux subst. fém. en -eur issus de dér. lat. en -or (auxquels s'ajoutent qq. masc. ayant gardé le genre du lat.) deux séries sont senties comme des dér. a) Des subst. à signification abstr. désignant
α) une propriété physique résultant d'une activité de rayonnement ou de combustion : ardeur, chaleur, couleur et, ayant perdu leur sens concr. en fr. contemp. : ferveur, splendeur;
β) une sensation olfactive ou gustative : odeur, saveur;
γ) un état physique ou moral : douleur, fureur, humeur « disposition du caractère », langueur, rancœur, stupeur, torpeur;
δ) un sentiment de peur : frayeur, horreur, peur, terreur;
ε) une qualité morale ou physique : candeur, honneur (masc.), pudeur, vigueur. Le sentiment de l'existence d'un suff. -eur est renforcé par la possibilité de commutation de certaines finales : -ide
→ candeur/-ide, langueur/-ide, splendeur/-ide, stupeur/-ide; -ible
→ horreur/-ible, terreur/-ible; -ent
→ ardeur/-ent, ferveur/-ent; (i)eux
→ fureur/ -ieux. b) Des subst. désignant une action ou le résultat d'une action
α) avec un verbe fr. en parallèle : clameur, erreur, sueur, teneur, valeur
β) sans verbe fr. parallèle : faveur, labeur (masc.), rumeur.
Prononc. : [-œ:ʀ], fém. [-ø:z]. Étymol. et Hist.
A.− Étymol. -eur1, anciennement -our, remonte au suff. de noms d'action lat., -or, -ōrem, issu d'anciens types de noms au thème en -s-. En latin, par rhotacisme, le s, en position intervocalique aux cas obliques, s'est changé en r, d'où l'alternance -ōs/-ōris, que l'on trouve dans quelques monosyllabes (cf. Ern. Morphol. 1953, pp. 25-29) : flōs, glōs, mōs, rōs et dans les masc. : clāmōs, colōs, honōs, labōs, lepōs, odōs, timōs et vapōs.
Mais, sous l'influence des autres cas, un r s'est le plus souvent introduit au nominatif, et a entraîné l'abrègement de l'ō
: arbōs, arbor/-ō.
La finale -or/-ōris très répandue en lat. a contribué à la formation de nombreux noms d'action. Elle s'accolait gén. aux radicaux de verbes d'état en -eo et était accompagnée d'un adj. en -idus :
rigor − rigeo − rigidus
sapor − sapio − sapidus
stupor − stupeo − stupidus
valor − valeo − validus
Un certain nombre de formations dérivent cependant d'autres types de verbes et sont accompagnées d'autres adj., correspondant à des verbes actifs, elles marquent alors l'action en train de se faire ou son résultat :
amor < amāre
clamor < clamāre
error < errāre
sudor < sudāre
Quand l'adj., au lieu d'être lui-même un dér. comme le sont les adj. en -idus, a servi de base au verbe, il se peut que la langue y rattache directement le dér. en -or sans l'intermédiaire du verbe d'état correspondant. Ainsi albus est à la source de albeo dont on a tiré albor; mais ce dernier a pu être rapproché de albus. De même dans :
BBG. − Becherel (D.). La Dér. des n. abstraits en fr. Thèse, Paris-Sorbonne, 1976, pp. 217-225. − Dardel (R. de). Le Genre des subst. abstraits en -or ds les lang. rom. et en rom. commun. Cah. F. Sauss. 1960, no17, pp. 29-45. − Lew. 1960, p. 17, 170; pp. 181-183. − Lüdtke (J.). Prädikative Nominalisierungen mit Suffixen im Französischen, Katalanischen und Spanischen. Tübingen, 1978, p. 66, 144, 158, 182, 193, 432. |