| -EAU, suff. I.− Suff. formateur de subst. masc. à valeur dimin ou péj. A.− Suff. formateur de subst. désignant un animal. 1. [La base est un subst.] Petit d'un animal : baleineau .« Petit de la baleine » cailleteau .« Petit de la caille » carpeau .« Petit de la carpe » chevreau .« Petit de la chèvre » coquardeau .« Petit du coquard » dindonneau .« Petit du dindon » éléphanteau .« Petit de l'éléphant » faisandeau .« Petit du faisan » fauconneau .« Petit du faucon » girafeau .« Petit de la girafe » louveteau .« Petit du loup » paonneau .« Petit du paon » pigeonneau .« Petit du pigeon » renardeau .« Petit du renard » serpenteau .« Petit du serpent » souriceau .« Petit de la souris » 2. Petit animal : a) [La base est un subst.] :
bigorneau .« Petit coquillage comestible » dragonneau .« Ver filiforme des régions chaudes » moineau .« Oiseau passereau » b) [La base est un verbe] :
grimpereau .« Oiseau passériforme plus petit que le moineau » B.− La base est un subst.; suff. formateur de subst. désignant une pers., à valeur dimin. ou péj. : acteureau .« Mauvais acteur » chemineau .« Personne qui parcourt les chemins, en vivant au jour le jour » poétereau .« Mauvais poète » tyranneau .« Tyran de petite envergure » Rem. On rencontre également ds la docum. brigandeau, conneau, friponneau, gitonneau, larronneau, satyreau, vieillardeau. C.− La base est un subst.; suff. formateur de subst. désignant un inanimé concr., à valeur dimin. 1. Domaine de la nature : boqueteau .« Petit bouquet d'arbres » chêneau .« Petit chêne » ormeau .« Petit orme » 2. Domaine de la construction : bardeau .« Petite planche utilisée pour la toiture » caveau .« Petite cave; construction souterraine servant de sépulture » closeau .« Petit clos » lanterneau .« Petite lanterne au sommet d'une coupole » mâtereau .« Petit mât » mureau .« Maçonnerie de la tuyère d'un fourneau de forge » (Littré) soliveau .« Petite solive » 3. Domaines divers : cordeau .« Petite corde servant à des tracés » cuveau .« Petite cuve » flûteau .« Petite flûte » hachereau .« Petite hache » jambonneau .« Petit jambon » panonceau .« Petit panneau » II.− Suff. formateur de subst. masc. sans valeur dimin., parfois avec valeur augm.; le dér. ainsi formé offre souvent un sens très éloigné de celui du mot de base. Morphologie.
A.− Var. morphol. de la base.
1. Modifications de la syll. finale
a) Modifications vocaliques :
− [ε] > [e] chrême-chrémeau; poète-poétereau
[ε] > [ə] chèvre-chevreau
− dénasalisation [ɔ
̃] > [ɔ] dindon-dindonneau
dénasalisation [ɑ
̃] > [a] tyran-tyranneau
b) Modification consonantique :
[s] > [z] bis-biseau
c) Modifications vocalique et consonantique :
clef-claveau, nez-naseau
2. Apparition dans la prononc. d'une consonne non articulée dans le mot de base :
brigand-brigandeau, écrit-écriteau
3. Apparition d'un d anal. de transition :
faisan-faisandeau (cf. brelan-brelander)
4. Redoublement de la consonne nasale en fin de rad. dans le cas de dénasalisation :
dindon-dindonneau, faucon-fauconneau
B.− Var. suff.
1. Suff. second. :
-ceau lion/lionceau
-ereau mât/mâtereau; poète-poétereau
-eteau loup/louveteau
-onneau lion/lionçonneau; rat-ratonneau
2. Suff. homophone : -eau/-ot < lat. vulg. -ottum
a) Valeur distinctive :
chemineau. « Vagabond »/cheminot. « Employé des chemins de fer »
cuisseau. « Partie arrière du veau dépecé »/cuissot. « Cuisse du gros gibier »
pineau. « Vin liquoreux préparé dans les Charentes »/pinot. « Cépage »
b) Valeur synon. :
bigorneau/bigornot et synon. vigneau/vignot. « Petit coquillage comestible »
3. Suff. concurrents
a) -ier/-eux :
chicaneau/chicanier/chicaneux. « Personne qui aime la chicane »
b) -on :
lanterneau/lanternon, godelureau/luron.A.− Subst. ethnique désignant une pers.; le mot de base est un nom de ville; le suff. corresp. est au fém. -elle : manceau .« Habitant du Mans et de la région » tourangeau .« Habitant de Tours et de la région » B.− Subst. désignant un inanimé concr. 1. Domaine de la nature a) Base nom. : pineau .« Vin liquoreux préparé dans les Charentes » semenceau .« Plant de betterave conservé pour la graine » terreau .« Engrais naturel composé de terre végétale et de produits de décomposition » tuf(f)eau(tufeau, tuffeau) .« Tuf calcaire poreux et tendre, utilisé dans la construction » vigneau .« Petit coquillage comestible » b) Base verbale : bigarreau .« Variété de cerise bigarrée » pâtureau .« Pré de pâture » 2. Domaine de la construction a) Base nom. : barreau .« Barre de bois ou de métal servant de clôture ou de support » claveau .« Pierre taillée en coin, utilisée dans la construction des voûtes ou des linteaux » faîteau .« Ornement qui surmonte le faîtage » têteau .« Extrémité d'une maîtresse branche » tombeau .« Monument funéraire » b) Base adj. : doubleau .« Solive d'un plancher qui soutient les chevêtres » c) Base verbale : ouvreau, techn. « Ouverture pratiquée dans la paroi d'un four » 3. Domaines divers a) Base nom. : bandeau .« Bande dont on ceint le front ou la tête » chrémeau .« Petit bonnet dont on coiffe l'enfant baptisé » écriteau .« Petit panneau portant une inscription » naseau .« Narine de certains mammifères, notamment du cheval » organeau, mar. « Anneau de fer » plumeau .« Ustensile de ménage, formé d'un manche court auquel sont fixées des plumes, et qui sert à épousseter » pommeau .« Tête arrondie de la poignée d'un sabre, d'une épée » pruneau .« Prune séchée » tableau .« Panneau plat destiné à recevoir une inscription » tonneau .« Grand récipient cylindrique » tourteau .« Résidu de graines, d'oléagineux, destiné à l'alimentation du bétail » b) Base adj. : plateau .« Support plat utilisé pour poser ou transporter divers objets » rondeau .« Poème à forme fixe du Moyen Âge » c) Base verbale : cerneau .« Noix tirée de sa coquille » tombereau .« Char servant au transport des matériaux et qu'on décharge en le basculant en arrière » traîneau .« Véhicule muni de patins qui glisse sur la neige ou la glace » C.− La base est un subst.; subst. désignant un inanimé abstr. : bonneteau .« Escroquerie au jeu de cartes » Étymol. et Hist.
A.− Remonte au suff. nom. lat. -ellus/-ella, qui a servi, dès l'époque class., à former des dér. En lat. pop., le suff. a pris une grande extension, se substituant fréquemment aux suff. -illus et -ulus; les ex. de cette formation sont nombreux : agnus > agnellus > agnel, agneau; barba > *barbellus > barbeau; martus > martulus > *martellus > martel, marteau; paxillus > paissel, paisseau; transtillus > *transtellus > tréteau; fiscus > fiscella > faisselle; margo > *margella > margelle.
B.− En a. fr. on enregistre de nombreuses dér. à valeur gén. dimin., dont un bon nombre sont attestées dès le xiies. (sous la forme -el, refaite en -eau, par influence anal. des formes du plur.). P. ex. :
corp > corbeau (corbiau, xiie; TLF, s.v. corbeau)
flambe > flambeau xive(Bl.-W.5)
fuerre > fourreau (furrel, 1080; Pt Rob.)
*fus > fuseau xiie(ibid.)
ham > hameau xiiie(Bl.-W.5)
huese > houseau xiie(ibid.)
mors > morceau (morsel, 1155; Pt Rob.)
mus > museau (musel, 1200; ibid.)
tor > taureau (toriau, 1177; ibid.)
Le suff. -eau a gagné p. anal. certains mots isolés comme berceau, chameau, fronteau, linteau, réseau où il s'est substitué à -él ou -euil (cf. Nyrop t. 3 1936).
C.− Qq. termes ont été empr. au prov. : cadeau, radeau.
Productivité.
A.− Le suff. a été surtout productif en a. et m. fr. Qq. créations récentes indiquent qu'il est parfois encore utilisé : en dehors de fantaisies d'aut. (acteureau, 1893; brocheteau, 1934), on rencontre lanterneau (1843), chemineau (1853), girafeau (1874).
B.− Clarté, motivation de la formation des dér.
1. L'analyse se fait en gén. facilement; toutefois, dans bon nombre d'ex., la base n'est pas isolable :
− que le mot vienne directement du lat. (cf. étymol. A)
− qu'il ait été formé sur un mot d'a. fr. disparu (cf. étymol. B) ou sur un mot étr. bateau
− ou qu'il ne soit plus compris comme un dér. :
bureau < bure, créneau < cran, rideau < rider, vanneau < van
2. Finale homogr. :
eau < aqua Prononc. : [-o]. Bbg. Cohen 1946, p. 65. − Darm. 1877, p. 72, 95. − Dub. Dér. 1962, p. 85, 86-92, 105. − Rohlfs (G.). Suffixreichtum in den romanischen Einwohnernamen. In : [Mél. Marchand (H.)]. The Hague-Paris, 1968, pp. 179-189. |