| -AIE, suff. Suff. coll. servant à former des subst. fém. désignant une plantation ou un lieu où croissent des végétaux. La base est toujours un nom de végétal : arbre, arbuste, plante ou fruit. − -aie s'ajoute à une base non suffixée : amandaie « plantation d'amandiers » aulnaie ouaunaie « lieu planté d'aunes » boulaie − a. fr. boule « bouleau »« terrain planté de bouleaux » buissaie « lieu planté de buis » buissonnaie « lieu couvert de buissons » (Littré) cannaie « plantation de cannes à sucre, de roseaux » cédraie « endroit planté de cèdres » cerisaie « plantation de cerisiers » chênaie « plantation de chênes » coudraie « terrain planté de coudriers (noisetiers) » épinaie « lieu où croissent des arbustes épineux » fougeraie « champ, lieu où poussent les fougères » foutelaie , dér. de fouteau, issu de fagus « lieu planté de fouteaux » (Littré) frênaie « terrain planté de frênes » hêtraie « lieu planté de hêtres » houssaie « lieu planté de houx, de buissons de houx » jonchaie « lieu où croissent des joncs » myrtaie « plantation de myrtes » olivaie « verger, plantation d'oliviers » ormaie ou ormoie« lieu planté d'ormes » platanaie « lieu planté de platanes » (Littré) poiraie (Nyrop t. 3 1936, § 153) prunaie (Meyer-L. t. 2 1966, § 58) rouvraie « lieu planté de chênes rouvres » saulaie ousaussaie « plantation de saules » tremblaie région., « terrain planté de trembles » Cf. aussi futaie « groupe d'arbres de haut fût dans une forêt; p. ext., forêt d'arbres très élevés » (la base désigne une partie de l'arbre)− -aie s'ajoute à un dér. en -ier > -er : Morphol.
A.− Var. morphol. du rad. − L'addition du suff. -aie ou de la forme élargie -eraie peut provoquer des changements phon. et graph. dans le rad. : [ʃ] jonc/jonchaie, joncheraie; [z] noix/noiseraie; [s] buis/buissaie; houx/houssaie; [õ] [ɔn] buisson/buissonnaie
B.− Var. morphol. du suff. − La forme -eraie a été sentie comme un suff. et s'est accolée à des bases non suffixées : joncheraie (cf. supra jonchaie); noiseraie « lieu planté de noyers » (Littré) (-eraie s'accole au rad. noix); pineraie « lieu planté de pins » (ibid.). Cf. aussi jardineraie et milleraie (cf. étymol. B 2 rem. 3)bananeraie « plantation de bananiers » châtaigneraie « lieu planté de châtaigniers » fraiseraie « plantation de fraisiers » mûreraie « terrain planté de mûriers » (Littré) oliveraie (cf. supra olivaie) orangeraie « plantation, verger d'orangers cultivés en pleine terre » oseraie « endroit, terrain planté d'osiers » palmeraie « plantation de palmiers » peupleraie « plantation de peupliers » pommeraie « plantation, champ de pommiers » prunelaie (< pruneraie, par dissimilation) « terrain planté de pruniers » ronceraie « terrain inculte où croissent les ronces » (Nyrop t. 3 1936, § 389) (Nyrop t. 3 1936, § 389 voit dans ce mot, la forme élargie du suff. -aie; toutefois le mot roncier existant, on peut classer ici ronceraie) roseraie « champ planté de rosiers; endroit d'un jardin orné de rosiers » Rem.1 − Oppos. -aie (-eraie)/-ère ou ière*. − Les dér. formés par ces 2 suff. ont même signif.; -aie est plus fréq. que -(i)ère et reste seul productif :
buissaie « lieu planté en buis » (Littré) / buissière « lieu planté de buis » (Littré)
fraiseraie / fraisière « plantation de fraisiers »
houssaie / houssière « lieu planté de houx, de buissons de houx » (Pt Rob.)
jonchaie, joncheraie / jonchère « lieu où poussent des joncs »
pineraie / pinière « pinède »
Cf. milleraie / milière
− Oppos. -aie (-eraie) / -erie* :
orangeraie « plantation, verger d'orangers cultivés en pleine terre » / orangerie « lieu fermé où l'on met à l'abri pendant la saison froide les orangers cultivés dans des caisses... Partie d'un jardin où les orangers sont placés pendant la belle saison »; « orangeraie » (Rob.). Cf. cotonnerie, figuerie
− ,,Les noms en -aie sont en quelque sorte des collectifs non marqués. Les noms en -ière et en -erie comportent en plus de l'idée de collectivité, une marque, une notion complémentaire : l'exotisme pour -erie, groupement artificiel le plus souvent pour -ière, ...`` (Tomassone, Combettes, infra bbg.) Prononc. : [ε]. Pour la prononc. de la finale -aie par [ε] ouvert bref (ex. : baie, claie, craie, raie, vraie), cf. Grammont Prononc. 1958, p. 38. − Rem. Pour Fér. 1768 : ,,Aie est toujours long, il se prononce comme un è ouvert; haie, plaie, vraie : prononcez hè, plè, vrè.`` Pour Mart. Comment prononce 1913, p. 81 au contraire ,,La finale -aie ou -aies s'allonge un peu en vers [cf. à ce suj. p. 56], mais cette différence est insensible dans l'usage courant : est-ce vrai ou est-elle vraie ne se prononcent pas de deux manières.`` Étymol. ET HIST.
A.− Étymol. − Le suff. -aie provient du suff. lat. -ēta, plur. de -ētum, dont il a gardé le sens :
coudraie < lat. *colureta
épinaie < lat. *spineta
frênaie < lat. *fraxineta (Dauzat 1964)
houssaie < lat. *huleta, frq. hulis
ormaie < lat. *ulmeta
oseraie < lat. *ausareta
saussaie < lat. *saliceta
Néanmoins, les dates d'apparition des dér. étant pour la plupart assez tardives, on ne saurait déterminer avec exactitude quels sont les mots issus directement du lat. et quelles sont les formations fr.
Rem. En a. fr. on trouve aussi des formes avec -oi issu du lat. -ētum; cette termin. masc. a été remplacée par -oie qui se retrouve dans charmoie, ormoie, et -aie (Nyrop t. 3, 1939, § 152). Cf. cependant les noms de lieux : Fontenoy, Aunay, Épernay.
B.− Vitalité et productivité
1. Vitalité. − L'analyse se fait aisément, la base étant toujours isolable. 2. Productivité. − Dès le xiies., le suff. -aie est productif; actuellement il apparaît surtout sous la forme -eraie.
a) Av. 1789 :
xiiecoudraie
xiiehoussaie
fin xiieoseraie
1211 chênaie
1280 frênaie (sous la forme fragnée)
1294 boulaie
1294 tremblaie
xiiiesaussaie
xiiiepommeraie
xiiieormaie, ormoie
1328 saulaie (sous la forme soloie)
1360 futaie
xiveaunaie (sous la forme aunoie)
fin xivecerisaie
1424 foutelaie
fin xvepeupleraie
1507 buissaie, buissière
1538 châtaigneraie
xvieamandaie
1600 cannaie
1606 oliveraie
1607 palmeraie
1611 fougeraie
1636 pruneraie
1690 prunelaie
1690 roseraie
1775 platanaie
xviiiehêtraie
b) Apr. 1789 :
1802 jonchaie
1812 noiseraie
1823 ronceraie
1870 rouvraie (que Rob. date de 1611 sous la forme rouvraye)
1873 pineraie
1928 bananeraie
xxejoncheraie
xxefraiseraie
xxemyrtaie
xxeorangeraie
Rem. 1. Sur charmoie ormoie, cf. supra rem.
Rem. 2. ,,En ancien français, -aie se trouve parfois confondu avec -ée.`` (Nyrop t. 3 1936, § 153) : arbrée (ibid.), erbee (T.-L.), espinée (Nyrop t. 3 1936, § 153), olivée (ibid.), pomerée (ibid.), sapinée (ibid.). ,,En français moderne, il y a aussi tendance à mettre -ée pour -aie (P. Stapfer, Récréations grammaticales. p. 182). G. Flaubert écrit hêtrée dans le premier chapitre de Madame Bovary.`` (Nyrop t. 3 1936, § 153). Cf. aussi saulée, concurrent de saussaie et de saulaie.
Rem. 3. Bon nombre de dér. attestés en a. fr. ont disparu :
arbroie « lieu planté d'arbres » (Gdf.)
herboie « herbe, pré, prairie, gazon » (ibid.)
figueroie, remplacé par figuerie en fr. mod.
jardineraie « ensemble de jardins » (T.-L.)
milleraie « champ semé de millet » (Gdf.) concurrencé par miliere de même sens (ibid.)
sapinoie, remplacé par sapinière (cf. au xvies., une forme sapinnette) BBG. − Dub. Dér. 1962, p. 16, 103. − Tomassone (R.), Combettes (B.). Remarques sur la formation des collectifs de noms d'arbres et de plantes. R. Ling. rom. 1970, t. 34, no133/134, pp. 224-233. |