| ÉVANGILE, subst. masc. A.− [Gén. avec une majuscule, au sing.] Bonne Nouvelle, annonce du salut du monde offert en Jésus-Christ; vie et enseignement du Christ par les Apôtres, fondement de la foi chrétienne. Annoncer, prêcher, proclamer l'Évangile; accueil, message de l'Évangile. Il leur enseigna l'Évangile. Et, après les avoir instruits, il les baptisa par le sel et par l'eau (France, Île ping.,1908, p. 22).La charité chrétienne, si solennellement prêchée par l'Évangile (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 183): 1. Nous avons plus ou moins oublié le sens original du mot Évangile. Il signifie : la bonne nouvelle. Exactement comme la Bible était le Livre par excellence, l'Évangile apportait aux hommes la Bonne Nouvelle par excellence. L'enseignement de Jésus-Christ annonçait que le Messie était venu, que le salut était proche pour Israël et que les justes étaient appelés à régner avec Dieu.
Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,1931, p. 174. − [Avec un compl. déterm.] Évangile du Christ. Le tout petit qui nous a été donné [à Noël], l'évangile de la Joie (Claudel, Annonce,1912, IV, 3, p. 93). − Spéc. Ministre de l'Évangile. Pasteur protestant de l'Église réformée, ainsi nommé pour son ministère de prédication de l'Évangile. En sa qualité d'ancien ministre du saint Évangile, il est fort bon théologien, et c'est un homme religieux (Delécluze, Journal,1827, p. 376). B.− P. méton. [Gén. avec une majuscule] Consignation écrite de cette Bonne Nouvelle. 1. Absol., au sing. Le texte des quatre Évangiles (canoniques) au complet. Lire, méditer l'Évangile; chapitre, passage, verset d'Évangile; la perle, la pécheresse, la brebis perdue de l'Évangile. L'Évangile prend une grande importance dans sa vie intérieure. Il en tire de fréquentes citations. Il a contracté l'habitude d'y recourir quotidiennement (Martin du G., J. Barois,1913, p. 540).La parole de Dieu n'est point cantonnée dans l'Évangile et Dieu continue de s'expliquer, et s'exprime autant dans la dernière Encyclique du Pape que par les paroles mêmes du Christ (Gide, Feuillets,1918, p. 236): 2. Les protestants se réfèrent à l'Évangile et nous nous référons à Jésus-Christ dont l'Évangile est le témoignage mais dont l'Église est la demeure. L'Évangile est le souvenir d'un mort, l'Église est l'habitation d'un vivant, qui continue avec nous toutes les transactions de la vie.
Claudel, Corresp.[avec Gide], 1923, p. 238. − Un Évangile. Ouvrage qui présente le contenu des Évangiles (canoniques). La précieuse reliure, en quelque cuir de Cordoue, du colossal Évangile de Venise (Proust, Fugit.,1922, p. 646).Il tira de sa poche un petit évangile qu'il ouvrit au hasard (Green, Moïra,1950, p. 249). − Loc. diverses ♦ Jurer, prêter serment sur l'Évangile, la main sur l'Évangile. Prêter serment en posant la main sur l'Évangile ou en invoquant l'Évangile. Urbain Grandier, tragédie non pas en cinq actes, comme je le prétendais, mais en trois seulement, ainsi que me l'a juré sur l'Évangile l'illustre prestidigitateur, M. Comte (Musset, Revue des Deux Mondes,1833, p. 735).Il présente l'évangile à Gilbert, qui y pose la main. Gilbert. − Je jure, la main sur l'évangile, et avec ma mort prochaine devant les yeux, que cet homme est un assassin; que ce poignard, qui est le sien, a servi au crime (Hugo, M. Tudor,1833, journée 2, 8, p. 131). ♦ Vrai comme l'Évangile. Une affirmation catégorique, absolument certaine. − Vous voyez donc combien c'est faux! − Je ne dis pas que cela soit vrai comme l'Évangile (Gozlan, Notaire,1836, p. 257). ♦ Au fig., fam. Parole d'évangile. Chose sûre, fiable, digne de foi. Voyez, dit-il, quelle exactitude! Ces gens-là comptent jusqu'aux fractions. Et votre chiffre est désormais parole d'évangile (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 274).Croire qqc. comme l'évangile/comme parole d'évangile. Le croire fermement, y adhérer sans restriction. Testevel avalait ces billevesées comme paroles d'évangile (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 244).Tout ce qu'il dit n'est pas mot/parole d'évangile. Il ne faut pas croire aveuglément tout ce qu'il dit, certaines de ses assertions sont sujettes à caution. − Autrement dit, vous doutez de la parole de George? dit Scriassine. − Je ne la prends pas pour un évangile (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 298). 2. Au sing. ou au plur. Chacun des quatre livres canoniques rédigés respectivement par saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean, contenant la vie et la doctrine du Christ. Évangiles canoniques*, synoptiques*; les Évangiles (= les quatre); le quatrième Évangile ou Évangile de (saint) Jean, selon (St) Jean. Les Évangiles ont été rédigés entre les années 65 et 100 après Jésus-Christ (Martin du G., J. Barois,1913, p. 235).Le royaume de Dieu nous est intérieur. C'est dans l'Évangile de Luc (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 151): 3. L'Évangile de Jésus-Christ suivant S. Matthieu est l'Évangile écrit ou rédigé par un Saducéen converti et transformé. Celui de S. Marc est d'un Essénien. Celui de S. Luc est d'un Pharisien. Celui de S. Jean est d'un Juif Platonicien.
Ces différences n'empêchent pas une certaine unité de régner dans ces quatre Évangiles.
P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 786. − En partic. a) Évangile (apocryphe*). Livre non canonique rapportant certains traits de la vie et de la doctrine du Christ. Évangile d'Ève; Évangile de l'enfance : 4. ... cet Évangile des Nazaréens (...). On l'appelait l'Évangile selon les Hébreux. (...) Théodoret l'appelle l'Évangile de S. Pierre. (..) d'autres (...) l'Évangile des Apôtres.
P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840p. 790. Rem. Ne pas confondre avec les Évangiles de l'enfance (canoniques, de Matthieu et de Luc). b) HIST. RELIG. Évangile éternel, du Saint-Esprit. ,,Révélation répandue au xiiies. par Joachim de Flore, annonçant le règne du Saint-Esprit après celui du Christ`` (Foi t. 1 1968). La prédication d'un évangile éternel (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 59).Joachim de Flore peut bien annoncer un nouvel Évangile, celui du Saint-Esprit (Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 195). 3. P. ext., au sing. Ensemble des textes qui constituent le Nouveau Testament (Évangiles canoniques, Actes des Apôtres, Apocalypse, Épîtres). La Bible et l'Évangile. L'Évangile, sans l'antidote de l'Ancien Testament, est un plat fade et malsain (Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 998).Élection d'un peuple dans la Bible, élection de l'humanité tout entière dans l'Évangile (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 157). C.− [Gén. au sing. et avec une minuscule] Extrait d'un récit évangélique canonique. 1. Page, chapitre constituant un tout complet (récit, scène, épisode) : 5. En reportant son esprit sur les saintes Écritures, elle y choisit le récit le plus propre peut-être à charmer la mémoire d'une âme aimante comme la sienne. Elle se mit à réciter tout au long l'évangile de la résurrection de Lazare...
Montalembert, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. 271. 2. Spéc., LITURG. CHRÉT. Texte proclamé (lu ou chanté) notamment à la messe au cours de la liturgie de la Parole. L'épître et l'évangile, côté de l'évangile (cf. côté I A 2 d). Elle avait conservé le Graduel et le Trait, l'Évangile et la Communion de la délicieuse messe des Abbés (Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 39).Le malheureux (...) monte en chaire, et pendant vingt mortelles minutes, (...) commente l'évangile du jour (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 139): 6. Après l'évangile écouté debout, il y eut un grand bruit de chaises. Tous s'assirent. Le Père commença l'homélie...
Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 7. − Loc. fam., au fig. C'est l'évangile du jour. C'est le nouveau sujet de conversation ou la nouvelle doctrine à la mode (ds Ac. 1798-1932). − Vieilli. Le premier évangile (avant Vatican II). Celui qui est lu à la messe après l'épître. Après que tout le monde a entendu debout le premier évangile (Chénier, Amérique,1794p. 113).Le dernier évangile (avant Vatican II, p. oppos. au premier). Prologue de l'Évangile de saint Jean qui se lisait à la fin de la messe. Le célébrant, debout à la gauche du maître-autel, lisait le dernier évangile. « Et Verbum caro factum est, » dit-il en fléchissant les genoux (France, Orme,1897, p. 20). 3. P. méton. Moment de la messe où le célébrant lit ou chante l'évangile, à la fin de la liturgie de la Parole. Après l'évangile. À l'évangile, le prêtre se retourne vers les assistants et leur lit l'évangile du jour en arabe (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 107).À l'Évangile il y allait d'un sermon bien tassé (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 181). − Au dernier évangile. Au dernier évangile, j'ai bien remarqué qu'elle avait pleuré (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1057). 4. Vx. Lire l'évangile, donner l'évangile à qqn. Lire un passage d'évangile pour bénir quelqu'un, l'étole du prêtre lui touchant la tête; p. ext., pour interroger le sort. Nos diseurs d'évangiles (...) récitent des évangiles en Orient, sur la tête d'un Musulman malade (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 561).Évangile de saint Jean. Le prêtre bénit, exorcise (Barrès, Cahiers,t. 10, 1914, p. 269): 7. Mon mari est en route à cette heure, reprit-elle. Ce soir, j'ai lu l'Évangile de saint Jean pendant que Pauline tenait suspendue entre ses doigts notre clef attachée dans une Bible, la clef a tourné. Ce présage annonce que Gaudin se porte bien et prospère.
Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 135. D.− P. anal., au fig. [Déterminé par un compl. du n., un adj. poss. ou qualificatif] 1. Texte, document servant de référence absolue à une croyance, à une doctrine. Synon. bible, credo.D'autres, suspects de tiédeur envers l'évangile hitlérien (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 357).Du « catéchisme de Boston » au XVIIIesiècle jusqu'à certains évangiles du service social en honneur aujourd'hui (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 587). 2. Loi, règle immuable (de pensée, de conduite, etc.) adoptée et prônée par quelqu'un. La suppression, voilà mon évangile (Camus, État de siège,1948, p. 278): 8. Est-ce réellement moi pour qui la règle du foyer fut toujours un évangile qui rentre de la sorte, le visage hagard et sans un mot d'excuse?
Lacretelle, Silbermann,1922, p. 148. Prononc. et Orth. : [evɑ
̃
ʒil]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1174-76 « ensemble des livres qui contiennent la doctrine du Christ; chacun de ces livres » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1457 : a quatre ewangelies deit l'um agenuiller); 1541 « la doctrine même du Christ » (Calvin, Instit., X, p. 568 ds Hug.); 2. ca 1260 « passage des Évangiles qui est lu pendant la messe » (Ph. de Novare, Quatre ages, 150 ds T.-L.); 3. 1552 fig. « bonne nouvelle » (Rabelais, Quart Livre, épitre dédicatoire, éd. Marty-Laveaux, t. 2, p. 251); 4. 1792, 10 juin « document essentiel d'une croyance, d'une doctrine » un évangile politique (Lett. de Rol. au Roi, Buchez et Roux, t. XV, p. 42 ds Brunot t. 9, p. 624, note 1). Empr. au lat. chrét. euangelium « bonne nouvelle » en partic. « bonne nouvelle de la parole du Christ »; « récit des actes, des paroles du Christ; la doctrine du Christ », du gr. ε
υ
̓
α
γ
γ
ε
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λ
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ν « récompense, action de grâces, sacrifice offerts pour une bonne nouvelle »; puis sens chrét. « bonne nouvelle, évangile » (ε
υ
̓ « bien » α
̓
γ
γ
ε
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λ
ω « porter une nouvelle »). Fréq. abs. littér. : 1 949. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 353, b) 1 532; xxes. : a) 2 714, b) 2 973. Bbg. Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 417. |