| ÉROTISME, subst. masc. A.− Vieilli. Impulsion à aimer, tendance vive à l'amour. L'énergie amoureuse : « vulgo » érotisme (Flaub., Bouvard,t. 2, 1880, p. 155).Cf. amour, ex. 228 : 1. J'ai découvert, chez cet homme tendre et rieur, le secret d'un érotisme spacieux qui trouvait ses meilleures satisfactions hors de la réalité. (...) ses plaisirs d'amour ne ressemblaient en rien à ces félicités rationnelles que les amateurs d'hygiène morale exaltent avec une liberté austère ...
Aymé, Jument,1933, p. 63. B.− Usuel. [Avec une idée explicite de sensualité ou de sexualité] 1. Tendance plus ou moins prononcée à l'amour (sensuel, sexuel), goût plus ou moins marqué pour les plaisirs de la chair. Vers les débuts du mois nous passions par une brève et vraie crise d'érotisme, tout l'hôtel en vibrait (Céline, Voyage,1932, p. 442).L'érotisme porte un élan et un mystère qui l'ont toujours associé dans de troubles combinaisons aux formes mal dégrossies du sentiment religieux (Mounier, Traité caract.,1946, p. 739): 2. ... je reproche à Maupassant son manque de sérieux dans le domaine de l'amour physique qu'il confond souvent avec la gaudriole. Miller a vu plus juste. L'érotisme est sérieux, parfois même tragique.
Green, Journal,1950-54, p. 244. − En partic. [L'érotisme en tant que valeur, thème de prédilection (dans les représentations d'un individu, d'une collectivité, d'une époque)] Vague d'érotisme. Flânez dans une foire : les attractions proposent (...) l'éveil des sentiments les plus élémentaires, les plus proches du réflexe organique : l'érotisme ou la peur. Fait divers terrorisant et sex-appeal sont devenus les deux ressorts de l'attention publique (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 52).L'érotisme coule à pleins bords aujourd'hui. Il crie, il hurle dans toutes les rues, par mille affiches (Mauriac, Nouv. Bloc-notes,1961, p. 142). 2. P. méton. Façon de manifester cette tendance, d'exprimer, de satisfaire, de susciter ce goût; manière particulière d'assumer sa vie amoureuse, notamment de faire l'amour. Elle affirmait que l'érotisme de beaucoup de femmes consistait à se mettre nues devant un homme choisi, et ne jouait pleinement qu'une fois (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 264).Les histoires de Pauliet me semblaient intéressantes dans la mesure où elles m'aidaient, en favorisant pour moi l'invention de formes d'érotisme que Pauliet ne pouvait pas soupçonner (Jouve, Scène capit.,1935, p. 219).J'ai suivi la caravane sans rechigner et retrouve mon petit appartement de célibataire (...) mon érotisme rare, ponctuel et tarifé (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 190). Rem. ,,L'érotisme se distingue parfois mal de la pornographie, et il embarrasse ainsi les censeurs. Pourtant, il nuance le but commun, procurer le plaisir génital, en l'enveloppant d'esthétique, en suggérant plus qu'il n'impose. Entre ce raffinement et la brutale obscénité, la différence est aussi grande, a-t-on pu écrire, qu'entre un vin de grand cru et un autre très épais`` (Bertr.-Lapie 1970). − En partic. Caractère érotique de ce qui a pour thème, pour inspiration, l'amour charnel. L'érotisme cinématographique. Les sentimentalités de Greuze, (...) l'érotisme de Fragonard (Mauclair, De Watteau à Whistler,1905, p. 40).Le leitmotiv (...) [chez Massenet] qui teinte la musique d'un érotisme exaspéré (Dumesnil, Hist. théâtre lyr.,1953, p. 159): 3. Elle ne rit plus, elle s'abandonne à la langueur de la danse, le visage aussi fermé que celui de l'amour. Elle est quelquefois tout près de mes mains, puis se dérobe d'un coup de hanche. C'est d'un érotisme à la fois sauvage et savant.
T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 110. 3. Spécialement a) MÉD., PATHOL. Penchant maladif à l'amour charnel, obsession du plaisir physique. Un outrage aux mœurs : exhibitionnisme, tentative de viol, érotisme cynique (Codet, Psych.,1926, p. 86): 4. ... un ancien noceur, à présent un fou érotique, vit dans une maison de campagne, dont sa femme s'est sauvée, parce que son amour l'aurait tuée. L'érotisme a fait naître chez lui, pour ainsi dire, un sixième sens : la perception de la femme, et de la femme invisible, par les atomes amoureux qu'elle dégage.
De Goncourt, Journal,1895, p. 848. b) PSYCHANAL. [Gén. avec un qualificatif] Aptitude à éprouver des sensations de plaisir érotique (sensuel, sexuel), (mode de) satisfaction libidinale propre aux zones érogènes, à certaines fonctions vitales. Érotisme buccal, génital, musculaire, urétral, urinaire : 5. De seize à dix-huit mois se déroule [chez l'enfant] une série de phases prégénitales dont la principale est la phase anale-sadique. Elle est marquée par l'apparition de l'« érotisme » anal, jouissance anormale accompagnant la défécation, qui engage parfois l'enfant à « se retenir » pour prolonger le plaisir.
Mounier, Traité caract.,1946, p. 142. Prononc. : [eʀ
ɔtism̥]. Étymol. et Hist. 1794 « désir amoureux » (Restif de la Bretonne. Arveiller, in Mél. Gamillscheg, 1968, 28-29). Dér. du rad. de érotique*; suff. -isme*. Fréq. abs. littér. : 76. Bbg.− Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. de Philol. fr. et de Litt. 1915-1916, p. 64. − Mots dans le vent. Vie Lang. 1969, p. 697. − Quem. DDL t. 1, 6. |