| ÉREINTER, verbe trans. A.− Vieilli. Fouler, rompre les reins. Bossu, il l'était devenu tout jeune pour avoir été éreinté à coups de bâton par un traiteur d'Issoire (Pourrat, Gaspard,1931, p. 218). ♦ Emploi pronom. réfl. Il fit un si grand effort qu'il s'éreinta (Ac.1835, 1878). B.− P. ext., fréq. au passif. Accabler (une personne, un animal) de fatigue. Éreinter son personnel; être éreinté par l'effort, par le travail. (Quasi-)synon. épuiser, exténuer, harasser.Une ville qui n'est que montagnes (...) on y éreinte les chevaux ou les chiens pour une course de dix minutes (Nerval, Rhin et Flandre,1852, p. 257).L'impératrice éreinte son monde, trotte, s'étonne qu'on se plaigne de la fatigue (Cocteau, Portr.-souv.,1935, p. 202). ♦ Emploi pronom. réfl. S'éreinter, s'éreinter à + inf.Le directeur, les surveillants, des tas de propres à rien qui se croisaient les bras tandis qu'on s'éreintait pour eux (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 40).C'est en tout point ce que je m'éreinte à préconiser depuis que nous avons ce royaume (Audiberti, Mal court,1947, III, p. 196): 1. Y avait encore une escalade, une très longue rampe... C'était pas fini l'aventure!... On a grimpé tout doucement. Elle voulait pas que je m'éreinte... Elle était pleine de prévenances.
Céline, Mort à crédit,1936, p. 262. − P. anal. Fatiguer (une personne) moralement ou intellectuellement. Emploi absolu. Mais quand cette femme n'est qu'« aimée » (en principe) et non aimée vraiment, et qu'en outre elle vous ennuie, un tel effort éreinte, surtout si on est habitué à ne se contraindre pour qui ni pour quoi que ce soit (Montherl., Démon bien,1937, p. 1341). C.− Au fig., fam. Critiquer violemment et/ou avec malveillance. 1. [Le compl. désigne une pers.] Éreinter un auteur, un homme politique. Je ne me soucierais pas de faire de la peine à nos confrères, mais je ne serais pas fâché qu'on les éreintât un peu (Mérimée, Lettres Delessert,1870, p. 130): 2. Je sens que j'étonne ce confrère venu m'interviewer à propos de la télévision. Je lui en dis beaucoup de bien, et les gens sont accoutumés, quoi qu'ils fassent, à être éreintés.
Mauriac, Nouv. Bloc-notes,1961, p. 176. ♦ Emploi pronom. réciproque. Chaque artiste amène ses amis devant son œuvre, et ces amis ne regardent que son œuvre comme s'ils étaient dans l'atelier; on « s'éreinte » un peu réciproquement; le public ne comprend pas trop (Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 225). 2. [Le compl. désigne une production artistique] Éreinter une pièce de théâtre. [Les critiques] m'ont comblé d'éloges, à propos de livres qu'ils avaient éreintés jusqu'ici (Zola, Corresp.,1902, p. 423). Prononc. et Orth. : [eʀ
ε
̃te], (j')éreinte [eʀ
ε
̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1690 « rompre les reins » (Fur., s.v. esrener. Quelques-uns disent esreinté); 2. 1698 « excéder de fatigue » (Regnard, Le Distrait, Acte V, scène X); 3. 1837 « dénigrer méchamment » (Musset, Lettres Dupuis Cotonet, p. 752). Dér. de rein*; préf. é-2*; dés. -er, avec un t inorganique entre les deux (FEW, 10, 252a); a éliminé l'a. fr. esrener « briser les reins » (3etiers xiies., Chanson de Guillaume, éd. D. Mc Millan, 3313). Fréq. abs. littér. : 150. Bbg. Darm. 1877, p. 74, 118. − Rog. 1965, p. 30, 111. |