| ÉQUIVOQUE, adj. et subst. fém. I.− Adjectif A. [En parlant d'un inanimé gén. abstr.] 1. VERSIF. (principalement au Moy. Âge et à la Renaissance). Rime équivoque. Rime dont les mots (ou le mot), à la fin de chaque vers, sont repris, à la rime du vers suivant, par des mots consonants qui diffèrent de sens. « À bref parler, c'est Cahors en Quercy Que je laissai pour venir querre ici » (Marot d'apr. Bénac Dissert. 1972). 2. Usuel a) Domaine de la log. et du lang.Qui peut revêtir plusieurs significations. Synon. ambigu; anton. univoque.Les dernières pages, en dépit de tant de phrases équivoques, laissaient cependant entrevoir son choix (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 41): 1. Ce mot, je l'ai longuement cherché. Presque tous ceux qui se sont d'abord offerts à mon imagination donnaient à mes phrases un sens équivoque, voire effrayant, quand ils ne les privaient pas de tout sens.
Duhamel, Journ. Salav.,1927, p. 29. b) P. ext. Qui est de nature incertaine et peut s'expliquer ou s'interpréter de diverses façons. (Quasi-)synon. indéterminable, mystérieux, secret.Il est donc vrai à la fois que la liberté est équivoque et fuyante à l'infini (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 261).En vérité son attitude était équivoque : elle gardait à sa mère tout son respect, tout son amour, elle restait solidaire de son milieu (Beauvoir, Mém. jeune fille,1958, p. 287). − Spéc., MÉD. Signes, symptômes équivoques. ,,Qui appartiennent à plusieurs affections et dont la présence ne suffit pas à établir un diagnostic`` (Villemin 1975). B.− Péjoratif 1. [En parlant d'une pers. ou p. méton. de son comportement] Dont la nature incertaine n'inspire pas confiance. Homme équivoque; allure, conduite équivoque. Synon. douteux, louche, suspect.Y a-t-il des Chrétiens assez ignorants des vérités de la foi pour avoir été dupes des assertions de ces théologiens équivoques? (Chateaubr.Martyrs,t. 1, 1810, p. 46).Regarder dehors (...) les gens qui s'agitent parmi [les maisons], de plus en plus faibles, équivoques et troubles, hésitants d'un trottoir à l'autre avant d'aller verser dans le noir (Céline, Voyage,1932, p. 326). 2. [En parlant d'une situation] Qui est louche. Dans les sanctuaires [païens] des rendez-vous équivoques (Nerval, Filles feu,Isis, 1854, p. 652). II.− Subst. fém. A.− Vx. Calembour, jeu de mots (parfois sur des tabous) : 2. L'indiscipline du jeune Marguillier Jules, cadet de l'autre, avait éclaté en pleine inspection générale, à la suite d'un pari (on le savait maintenant). Il avait pouffé de rire, tout haut, à une équivoque stupide sur le mot latin lapis, puis repris soudainement l'air ingénu d'un bébé.
Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 257. B.− Péj. Double sens ou sens multiples d'un mot choisi en raison ou en dépit de son aptitude à prêter à des interprétations diverses. Manier l'équivoque : 3. Bien que Spinoza, en identifiant Dieu avec la substance de l'univers, ait donné à ce concept droit de cité en philosophie, Hartmann préfère écarter un mot dont l'origine exclusivement religieuse ne peut que prolonger des équivoques et des malentendus en métaphysique.
Théol. cath.t. 1, 1repart., 1920, p. 1274. C.− P. ext. Situation d'incertitude, d'ambiguïté, qui laisse hésitant. Sans équivoque; couper court à certaines équivoques. Synon. confusion, doute.Peut-être n'est-il pas hors de propos de dissiper ici une équivoque récemment née et que l'intérêt croissant que l'on prend aux recherches de philosophie médiévale menace de propager (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 104).En ce qui concerne Vichy, j'estime que l'équivoque nationale et internationale est en train de prendre fin (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 388). Rem. La docum. atteste a) Équivoquement, adv. De façon équivoque. Folantin se contenta de sourire, aussi équivoquement qu'il put (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 170). b) Équivocité, subst. fém., philos. scolastique. Différence qui exclut toute ressemblance entre les êtres. Anton. univocité; anton. partiel analogie. La philosophie de la culture doit, à notre avis, éviter deux erreurs opposées, celle qui soumet toutes choses à l'univocité, celle qui disperse toutes choses dans l'équivocité. Une philosophie de l'équivocité pensera qu'avec le temps les conditions historiques deviennent tellement différentes qu'elles relèvent de principes suprêmes eux-mêmes hétérogènes (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 150). Prononc. et Orth. : [ekivɔk]. Enq. : /ekivok/. Ds Ac. 1694-1932. Cf. équi-. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. ca 1223 rimes equivoques (G. de Coincy, Miracles de Nostre Dame, éd. F. Kœnig, II, Pr. 1, 92, tome III, p. 268); 1375 (N. Oresme, Ethique 7d, 116, éd. A. D. Menut : Equivoque vient de ce que des choses diverses reçoivent par hasard le même nom); 2. 1656 « qui peut s'interpréter en différents sens » (Pascal, Prov. 1 ds Littré : user de mots equivoques sans les expliquer). B. Subst. 1. mil. xiiies. (Huon Le Roi, Li Abecès par ekivoche, éd. A. Långfors, titre); 2. 1648 « caractère de ce qui prête à des interprétations diverses » (Pascal, Lettre à Jaqueline, 26 janv. ds Littré). Empr. au b. lat. tardif aequivocus « à double sens ». Fréq. abs. littér. : 963. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 161, b) 873; xxes. : a) 1 187, b) 1 922. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1972, t. 36, p. 232. − Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. de Philol. fr. et de Litt. 1915-1916, t. 29, p. 63. |