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ÉPOUVANTER, verbe trans.
A.− Emploi trans. [Le compl. désigne un animé ou, p. méton., un de ses attributs]
1. Inspirer de l'épouvante, de l'horreur, de la terreur. Épouvanter une personne peureuse, un enfant; regarder qqc. avec un air, un recul épouvanté; être épouvanté par des menaces. (Quasi-)synon. terrifier, terroriser; anton. rassurer.Ces audacieux mortels parvinrent à regagner le rivage, épouvantant de leurs récits quiconque seroit tenté d'imiter leur exemple (Chateaubr., Natchez,1826, p. 484).Les habitués de la chasse aux halbrans les tirent parfois à la nage alors, qu'épouvantés, ils fuient (Vidron, Chasse,1945, p. 79):
1. ... on parlait encore de la Malabestio, monstre (...) qui à certaines nuits courait la ville, épouvantait les passants attardés et crédules, et annonçait des catastrophes. (...) L'imagination populaire, avec le dragon comme personnage central, a brodé d'horrifiques légendes que la vieille France écoutait avec un mélange de terreur, d'édification et de ravissement. Dévigne, Légend. de Fr.,1942, p. 18.
SYNT. Animaux, êtres, femmes, populations, soldats épouvanté(e)s; cauchemars, catastrophes qui épouvantent; être épouvanté à la pensée, à l'idée d'un mal.
[Avec l'idée de vive réprobation morale] Inspirer de la répulsion, une profonde horreur. (Quasi-)synon. horrifier.Du seul point de vue humain, sa dureté m'épouvante (Green, Journal,1948, p. 224):
2. ... il ajoutait à cela en ce moment un air de commisération qu'il accentuait tant qu'il pouvait. Agnès, épouvantée par la commisération, accepta aussitôt, malgré sa répugnance à être seule avec lui. Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 195.
2. P. ext. et p. hyperb. [En parlant d'un comportement, d'une action, d'un état de fait]
a) Inspirer de vives appréhensions, impressionner fortement. Difficultés, idées, pensées, perspectives, révélations, sujets qui épouvantent; l'avenir épouvante. (Quasi-) synon. angoisser, effrayer (cf. ce mot A 2 a), inquiéter.Il se trouva à Roubaix sans ressource. Cela ne l'épouvanta pas (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 151).Tout ce bruit, tous ces articles, toutes ces saletés de journaux, ça l'épouvante un peu, le père Chartrain (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 244).Je suis épouvanté de cette hausse des prix (Dub.):
3. ... est-ce que les questions de suffrage universel, de souveraineté réelle du peuple, n'effraient personne en France? Et que faire là, sinon montrer par vives raisons la puérilité et le vide de ces frayeurs? Mais quoi! Ce qui effraye le plus dans les partis, ce n'est pas ce qu'ils disent, c'est ce qu'ils négligent ou refusent de dire. L'inconnu! Voilà ce qui épouvante surtout les âmes faibles. L. Blanc, Organ. du travail,1845, p. XVII.
Emploi abs. Il a déjà l'arme, le silex éclaté, il lui faut l'ornement qui séduit ou épouvante (Faure, Hist. art,1909, p. 25).
b) Surprendre fortement, inspirer un grand saisissement. Synon. choquer; (quasi-)synon. effarer, sidérer, stupéfier.Et le Parisien coucherait dans cette chambre à coucher, entre ces deux chaises épouvantant le goût (Goncourt, Journal,1895, p. 894).Il convient donc de renoncer à cet entassement d'œuvres disparates qui afflige et épouvante les plus intrépides explorateurs de musées (Réau, Archives, bibl., musées,1909, p. 6):
4. Oui, plus je vois ce que c'est que le mariage, plus je suis épouvanté de la chance que j'ai eue. Je ressemble à ces ignorants du danger qui l'ont traversé sans s'en apercevoir... A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 11.
B.− Emploi pronom. à valeur passive ou subjective
1. Éprouver de l'épouvante. (Quasi-)synon. s'affoler.Cet homme ne s'épouvante pas aisément. Il s'épouvante pour peu de choses, de peu de choses (Ac.1878, 1932).On finissait par s'épouvanter (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 433).MmeLigneul s'épouvanta pour son mari (Drieu la Roch., Rêv. bourg.,1939p. 206):
5. François, plus jeune que lui d'un an, s'épouvantait. Alain, qui avait déjà beaucoup souffert en prison et coudoyé la crapule, s'effrayait moins et réconfortait son cousin. Van der Meersch, Invas. 14,1935p. 228.
S'épouvanter à + inf.Fannie s'épouvantait à songer à l'être qu'elle mettrait au monde en une telle détresse et qui, affamé dès avant de naître, n'aurait même pas un bout de toile pour se couvrir (Van der Meersch, Invas. 14,1935p. 266).
2. P. hyperb. Éprouver de l'inquiétude, de vives alarmes, de l'appréhension. S'épouvanter d'une difficulté. (Quasi-)synon. s'alarmer, s'effrayer (cf. ce mot B), s'inquiéter.Les riches s'épouvanteront de leur audace, et les misérables accuseront leur timidité (France, Opinions Coignard,1893, p. 139).Je m'épouvante un peu des suites possibles de ce nouveau voyage, plus encore que du voyage lui-même (Gide, Journal,1928, p. 881):
6. Il s'épouvantait un peu de découvrir en lui toute une casuistique inconnue, qui était peut-être la préfiguration des raisons qu'il se donnerait un jour de trahir ceux avec qui il était alors de tout son cœur, de toute la force de ses origines et de ses révoltes. Aragon, Beaux quart.,1936, p. 123.
Rem. On rencontre ds la docum. épouvantant, ante, part. prés. en emploi adj. Un gouvernement dont un membre a osé écrire qu'Homère était à mettre au rancart et que le « Misanthrope » de Molière manquait de gaieté, apparaît au bourgeois plus épouvantant, plus subversif, plus anti-social, que si ce même gouvernement décrétait le même jour l'abolition de l'hérédité et le remplacement du mariage par l' « union libre » (Goncourt, Journal, 1871, p. 754). Il est question de MmeGalliffet (...) qui a une carie de la mâchoire et tout le bas du visage si épouvantant (Id., ibid., 1890, p. 1226). La docum. atteste en outre un emploi subst. neutre également dû à cet auteur. Il y a en elle [la clownerie anglaise] de l'épouvantant pour le spectateur, de l'épouvantant fabriqué de petites observations cruelles (E. de Goncourt, Zemganno, 1879, p. 124).
Prononc. et Orth. : [epuvɑ ̃te], (j')épouvante [epuvɑ ̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1100 « frapper d'épouvante » ici pronom. mult ... s'espoant (Roland, éd. J. Bédier, 1433); 1remoitié xiies. espowenterunt [formidabunt] (Psautier Oxford, 103, 8 ds T.-L. s.v. espoënter). D'un lat. vulg. *expaventare, formé sur le part. prés. expavens, entis du lat. expavere « craindre, redouter » (ex-intensif et pavere « craindre, être troublé »), cf. ital. spaventare, anc. esp. aspaventar. Fréq. abs. littér. : 1 040. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 399, b) 2 055; xxes. : a) 1 950, b) 948.