| ÉPONGER, verbe trans. A.− Usuel 1. Étancher (un liquide) avec une éponge, un chiffon ou un papier absorbant. Épongez cette encre avec ce buvard; éponger de l'eau avec une serpillière; éponger du vin renversé sur la table. Une nuée de servantes, brossant, frottant, épongeant, essuyant, a envahi les chambres, et en moins d'une heure la maison a été lavée (Hugo, Rhin,1842, p. 151).Gasparine l'avait aidée, lui donnant les cuvettes, épongeant derrière elle l'eau répandue (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 276).Ferdinand épongea la sueur qui coulait sous son chapeau (Aymé, Jument,1933, p. 60).Puis il ramassa les morceaux de verre, les jeta dans les cendres, épongea la liqueur sur le carrelage (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 304). − Emploi abs. D'un geste précis, il incisa. − « Épongez », dit-il au médecin, penché près de lui (Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p. 873). 2. Essuyer, sécher avec un tissu absorbant. Éponger le carrelage; éponger les jambes d'un cheval. − Oh! ce qu'il a chaud! disait Madame Carola en épongeant le visage blême et suant avec un petit mouchoir parfumé (Gide, Caves,1914, p. 783).Des marqueurs en blouse, (...) épongeaient leurs tableaux noirs, traçaient les chiffres à la craie, les effaçaient immédiatement (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 109): 1. Le café bu, il empoignait le faubert et moi le seau et nous nous mettions à éponger le pont qui n'avait jamais connu pareille fête et nous riions...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 177. − Emploi pronom. ♦ [réfl.] Comte Stolbach von Blumenfeld se fut soigneusement épongé, parfumé, habillé (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 426).En sueur, il s'était épongé avec une de ses chemises (Benda, Fr. byz.,1945, p. 132). ♦ [réfl. indir.] S'éponger le visage, la figure, le cou, le front, les yeux, les tempes, le crâne, les cheveux, les mains, etc. avec un mouchoir ou une serviette. Puis il s'épongea le front avec un mouchoir à carreaux rouges (Saint-Exup., Pt Prince,1943, p. 452): 2. ... tandis qu'il se rase et achève sa toilette. Il s'éponge le visage avec des tampons de coton hydrophile qu'il sort d'un grand fourreau de métal.
Gide, Journal,1917, p. 633. − Spéc., dans le domaine culin.Égoutter sur un linge (des légumes blanchis, pour leur faire perdre leur humidité, ou une friture, pour lui faire perdre l'excédent de graisse). Éponger des épinards, des filets de poisson, des morceaux de poulet, des coquilles, de la crépine (attesté ds Mont. 1967). B.− Au fig. 1. Mod., dans le domaine de l'écon. et des fin.Absorber, faire disparaître, supprimer (un excédent financier). Éponger un stock avant la rénovation du magasin. Synon. résorber.Quant à l'excès des liquidités, épongeons-le par des bons du trésor (De Gaulle, Mém.,1959, p. 119).Elle consistait à « éponger » par voie d'autorité une masse monétaire massivement gonflée (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 523): 3. Quand il y a trop d'argent en circulation (...) l'État met en vente par l'intermédiaire de l'Institut d'émission des titres d'emprunts à court terme; la circulation est alors « épongée » et, (...) les prix cessent de monter ou en tout cas montent moins...
Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1966, p. 481. 2. Littér., vx. Absorber, épuiser, réduire progressivement. Quand ils vous ont assez épongés, qu'ils sont autant fatigués de vous que vous êtes fatigués d'eux, ils passent à un autre (Champfl., Avent. Mlle Mariette,1853, p. 77).Avec un pan de leur suaire pour tablier, épongeant lugubrement leur besogne (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 512): 4. Mademoiselle Creton avait ainsi épongé ses envies de mariage en regardant son frère comme un époux...
Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 64. 3. Argot a) Dépouiller (quelqu'un). Léo s'était fait éponger à Longchamp de toute sa paye et avait dû rentrer à pinces (Le Breton1960 et Argot 1975). b) Procurer de la jouissance. Quand elle épongeait un gonze, Micheline ne le lâchait pas avant qu'il ait les doigts de pied en éventail (Le Breton1960 et Argot 1975). Rem. On rencontre en outre ds la docum. épongement, subst. masc. Action d'éponger, d'essuyer avec un tissu-éponge. Un bonheur intérieur tel qu'il le comparait à l'épongement frais d'un cheval de fiacre, arrivé à une station, après une course par un jour de feu (Goncourt, Journal, 1896, p. 440). La plupart des dict. gén. (sauf Ac.) enregistrent le synon. épongeage, subst. masc. Prononc. et Orth. : [epɔ
̃
ʒe], (j')éponge [epɔ
̃:ʒ]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1755 « passer une éponge sur quelque chose » (Encyclop. t. 5); 1762 « nettoyer avec une éponge » (Ac.). Dér. de éponge1*; dés. -er; en 1582 on rencontre la forme isolée spongier, « nettoyer avec une éponge » (Montaud, Mir. des Français, 131 ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 137). Fréq. abs. littér. : 225. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 58, b) 276; xxes. : a) 430, b) 497. Bbg. Dub. Dér. 1962, p. 56. |