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ÉLOQUENCE, subst. fém.
A.− Manière de s'exprimer de façon à émouvoir, à persuader par le discours. Parler avec éloquence; don, effet d'éloquence; éloquence facile, agréable. Quasi-Synon. verve, abondance.Mais après que l'éloquence gouvernementale se sera noyée dans des flots de bouillie, demandez à l'orateur auguste une petite preuve de sa sincérité (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 161).Alors, M. Churchill, colorant son éloquence des tons les plus pittoresques, se mit à me peindre le tableau suivant... (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 97):
1. Au prône, sans monter en chaire, assis sur une chaise, au milieu du chœur, il [le prêtre] ânonna, se perdit, renonça à se retrouver : l'éloquence était son côté faible... Zola, La Terre,1887, p. 57.
SYNT. Éloquence frénétique, emphatique, pompeuse; éloquence judiciaire, militaire, politique, religieuse; éloquence du barreau, de la tribune; envolée, trait d'éloquence.
Au plur., rare. Manière de parler éloquente. Partout les mêmes embarras gauches. Partout les mêmes éloquences (Péguy, Argent,1913, p. 1110).
P. anal. [En parlant du « discours » musical] L'ouverture (...) résume avec la plus foudroyante éloquence symphonique l'esprit, le style, la philosophie et l'action [de l'œuvre, Tannhäuser, de Wagner] (Bruneau, Mus. hier et demain,1906, p. 69).Nous saurons (...) qu'ils [les compositeurs du passé] parlent le langage du cœur aussi énergiquement et avec autant de richesse que les maîtres plus modernes dont l'éloquence nous bouleverse (Pirro, Esthét. J.-S. Bach.,1907, p. 7).
Spéc., littér. Genre littéraire correspondant aux textes destinés à être dits en public (discours, sermon, etc.). L'éloquence de la chaire. Les arts solitaires ont été formés par les arts de société, comme on peut nommer l'éloquence et le théâtre (Alain, Propos,1921, p. 316).
RHÉT. Art de s'exprimer avec une élégance persuasive :
2. Le vieux prêtre parlait en des formes de phrases déjà anciennes, qui eussent trahi chez d'autres une légère affectation d'archaïsme, mais représentaient en réalité la manière dont quelque directeur qu'il avait aimé devait encore professer l'éloquence, dans les séminaires lyonnais de sa jeunesse. Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 325.
B.− P. ext. Qualité de ce qui peut persuader le cœur ou l'esprit. L'éloquence du cœur, de l'âme, des sentiments. L'éloquence des passions nous trompe presque toujours (Alain, Propos,1921p. 152):
3. Votre femme, cette jeune fille à qui les premiers plaisirs de la vie et de l'amour tenaient lieu de grâce et d'esprit, si coquette, si animée, si vive, dont les moindres mouvements avaient une délicieuse éloquence, a dépouillé lentement, un à un, ses artifices naturels. Balzac, Petites misères de la vie conjugale,1846, p. 11.
Rare. [En parlant d'une œuvre d'art plastique] :
4. Toutes les qualités de composition, d'éloquence, pourrait-on dire, et de pondération chères à notre génie s'y retrouvent [dans l'art de Puvis de Chavannes]. A. Michel, Sur la peint. fr. au XIXes.,1928, p. 234.
C.− Caractère de ce qui est expressif, révélateur. Mimique, geste, regard plein d'éloquence. Synon. expression.Il (...) lui défendait de porter du rose (...) « L'éloquence du rose est scandaleuse », disait-il (L. de Vilmorin, Belles am.,1954, p. 78).Quelle éloquence, parfois, dans un silence de plusieurs années! (Green, Journal,1955-58, p. 53).
P. anal. Qui convainc (dans un raisonnement). Le tableau que je viens de faire du problème de notre armement en 1915 est d'une terrible éloquence et plein d'enseignements (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 49).Ces chiffres, on l'accordera peut-être, ne sont pas sans éloquence et fonderaient opportunément une démarche immédiate (Perroux, Écon. du XXes.,1964, p. 364).
Prononc. et Orth. : [elɔkɑ ̃:s]. Enq. : /elokɑ ̃s/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1130-40 (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 43); 2. mil. xviies, p. ext. « expressivité », ([Pascal], Discours sur les passions de l'amour, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p. 288). Empr. au lat. class.eloquentia « facilité d'expression, art de la parole ». Fréq. abs. littér. : 1 808. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 548, b) 2 214; xxes. : a) 2 049, b) 2 242.