| ÉLECTION, subst. fém. A.− [Le choix se fait par voie de suffrages] 1. Vx (xviiies.). Juridiction subalterne dont les membres étaient choisis par les justiciables et qui avait pour principale fonction de juger en première instance les différends entre les marchands et les fermiers généraux ou autres traitants au sujet des droits du roi. Il fut assigné à l'élection, condamné par l'élection (Ac.1798-1878). ♦ Pays d'élection (p. oppos. à pays d'états). ,,Provinces dont toute l'administration était soumise à l'intendant, et où il y avait des généralités et des élections établies`` (Ac. 1798-1878). − P. méton. Territoire relevant de la compétence de cette juridiction. Cette élection était composée de tant de paroisses (Ac.1798-1878). 2. Usuel a) [Dans un cont. non-pol.]
α) Procédure par laquelle les membres d'un collège, d'une assemblée (dits électeurs) accordent (ou refusent) leurs suffrages à quelqu'un qu'ils chargent de les représenter ou qu'ils appellent à siéger parmi eux ou encore à qui ils décernent un titre. Élection publique, élections universitaires; élection à l'unanimité des suffrages; candidat à une élection; perdre une élection, procéder à l'élection de qqn. Assister à la représentation du mystère et à l'élection du pape des fous (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 13).Il y a trois colonnes pour une guerre (...) une pour une élection à l'Académie (Queneau, Pierrot,1942, p. 185): 1. Un été, sur une plage de France, il y avait eu une fête enfantine avec élection parmi les petites filles d'une reine de beauté et de ses demoiselles d'honneur. (...) à la fête suivante, je fus élue comme une des demoiselles d'honneur, ...
Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 288. ♦ Élection de maréchal. Élection acquise d'avance en raison de la personnalité du candidat. Douze voix pour une première fois, c'est très bien, vous savez... (...) la prochaine fois vous aurez une élection de maréchal (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 116).
β) Fait d'avoir été élu, d'être sorti vainqueur d'une compétition électorale. M. Casimir Bonjour ne sera jamais si étonné le jour où on lui apprendra son élection à l'Institut (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 79).À moins que ce ne soit sa récente élection [à l'Académie] qui l'ait rajeuni (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 92). b) Domaine pol.
α) Au sing. − Procédure par laquelle des électeurs portent leurs suffrages sur les candidats qu'ils chargent de les représenter dans des assemblées administratives de ressort et de compétence variables. Élection cantonale, directe; élection à la proportionnelle; droit d'élection, régularité d'une/de l'élection; annuler une élection. Pour l'effet à produire sur mes électeurs du Nord, à la prochaine élection (Lamart., Corresp.,1836, p. 242).Le droit de consulter le pays, soit par référendum, soit par élection d'assemblées (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 240): 2. « L'Assemblée élaborera des projets en vue de permettre l'élection au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les états-membres... »
Ginestet, Ass. parlementaire européenne,1959, p. 77. SYNT. Élection municipale, présidentielle, sénatoriale; élection indirecte, complémentaire, partielle; élection au scrutin uninominal, au scrutin de liste; élection des députés, du sénat; jour, lieu d'une/de l'élection, résultat d'une élection, validité d'une/de l'élection; comité, système d'élection; atmosphère, soir d'élection; enlever une élection; contester, invalider/valider, proclamer une élection. − Fait d'être élu pour avoir emporté la majorité des suffrages. Également honoré des suffrages des deux arrondissements, la reconnaissance pour mon élection antérieure me fait un devoir d'opter pour Bergues (Lamart., Corresp.,1834, p. 81).Plusieurs généraux auront occupé la Maison Blanche avant le général Eisenhower, mais tous s'étaient activement mêlés à la vie politique de leur pays pendant les années qui précédèrent leur élection (Combat,19-20 janv. 1952, p. 1, col. 4). Rem. La docum. atteste l'emploi du mot, avec majuscule, chez Balzac, comme symbole des luttes et des rivalités politiques où joue l'influence de puissants agents électoraux. L'arrondissement de Sancerre, choqué de se voir soumis à sept ou huit grands propriétaires, les hauts barons de l'Élection, essaya de secouer le joug électoral de la Doctrine, qui en a fait son bourg-pourri (Balzac, Muse départ., 1844, p. 55).
β) Au plur. [Néol. xixes.] À l'échelon national, ensemble des procédures par lesquelles les électeurs renouvellent en totalité ou partiellement les conseils et les assemblées. Élections générales, libres; commissaire aux élections, approche des élections, échec aux élections; se porter candidat, se faire battre aux élections. Tout cela finirait par un coup d'État dans un sens ou dans un autre, (...) ou alors, l'inconnu, les élections, la Révolution! (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 5, Confessions, 1895, p. 32).Cela décida Haudouin à se présenter aux élections municipales (Aymé, Jument,1933, p. 10): 3. En rentrant à Sérianne, il trouva la ville sens dessus dessous. On était en plein dans les élections. On s'était battu dans des réunions, dans le faubourg, entre socialistes et membres de pro patria.
Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 112. B.− [Le choix est fondé sur une préférence personnelle] 1. [Avec ou sans déterminant] a) [Choix à caractère relig.] Choix opéré par Dieu (ou par le Christ dans la religion chrétienne) d'un peuple ou de certains êtres humains investis d'une mission et animés, en conséquence, de la grâce et de l'esprit divins. Élection d'Israël. L'élection d'en haut qui fait les vocations à part est bonne pour l'homme, mais cruelle pour la femme (Renan, Drames philos.,Prêtre Nemi, 1885, II, 7, p. 563).Quel peuple n'eût joui d'être votre peuple; élu, de quelle élection (Péguy, Myst. charité,1910, p. 48). ♦ Signe d'élection. Marque, visible ou invisible, qui est censée manifester le choix que Dieu a fait d'un être humain pour l'aider dans son œuvre. Porter un signe d'élection. La richesse a été tenue comme signe d'élection divine (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 587). ♦ P. anal., souvent p. iron. Elle [la duchesse de Guermantes] en était arrivée à cette conception des femmes à « salons » (...) dont la grande supériorité, le signe d'élection selon elle, étaient d'avoir chez elle « tous les hommes » (Proust, Temps retr.,1922, p. 1026). b) [Choix sans caractère relig.] Langue soutenue. Libre choix opéré par un être humain en vertu d'une préférence dictée par la raison ou par le sentiment. Élection amoureuse. Elle-même [Nathalie], depuis si longtemps naturalisée membre de la famille, n'était Nathalie que (...) par élection du cœur, par « amitié de bouche » (H. Bazin, Qui j'ose aimer,1956, p. 51): 4. Outre l'affection irrésistible, il y a l'affection par élection, et je ne puis m'empêcher de penser que nous sommes unis par ces deux chaînes si douces à porter, et qui rendraient la vie impossible si on ne les sentait pas.
Balzac, Lettres à l'Étrangère,t. 2, 1850, p. 103. c) Spécialement − DR. Élection de domicile. Fait d'assigner un lieu où la signification des actes de procédure puisse se faire. Lorsqu'un acte contiendra, de la part des parties ou de l'une d'elles, élection de domicile pour l'exécution de ce même acte dans un autre lieu que celui du domicile réel (Code civil,1804, art. 111, p. 23). ♦ P. ext. Choix d'un domicile opéré par libre préférence. Personnes qui ont fait élection de domicile sur le Pont-des-Arts (Jouy, Hermite,t. 5, 1814, p. 136). − PHYSIOL. Choix qu'opèrent des êtres vivants (humains ou non-humains) en vertu d'une affinité, d'une tendance instinctives. Elle [l'absorption des matières dissoutes] manifeste une sorte de choix, d'élection dont sont capables les végétaux (Plantefol, Bot. et biol. végét.,t. 1, 1931, p. 323). − MÉD. Temps, lieu d'élection (p. oppos. à temps, lieu de nécessité). Époque d'une intervention, point où elle s'applique, laissés à la libre détermination du médecin (cf. Littré-Robin 1858). 2. Loc. adj. D'élection. Quasi-synon. de élu (cf. ce mot B). a) [Choix à caractère relig.] Élu par Dieu pour être le dépositaire de sa grâce et de ses bienfaits. Peuple d'élection. Qu'ainsi toujours le ciel vous sauve des embûches, Vases d'élection! (Hugo, Cromw.,1827, p. 378). − P. ext. [Avec une couleur relig.] Élu, marqué d'un signe qui indique une supériorité quelconque. Me persuadant de ma supériorité intellectuelle (...) je me scandalisais de ce que mes maîtres ne semblaient pas distinguer en moi un vase d'élection (Mauriac, Écrits intimes,Commencement d'une vie, 1932, p. 34). b) [Choix sans caractère relig.] Élu, exclusivement préféré. Il est beau de voir Descartes voyageur cherchant sa patrie d'élection (Alain, Propos,1927, p. 730).Henri Focillon est de ceux qui ont le mieux distingué l'importance de ces thèmes d'élection et de prédilection (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 250): 5. Un musicien a écrit l'Invitation à la valse; quel est celui qui composera l'Invitation au voyage, qu'on puisse offrir à la femme aimée, à la sœur d'élection?
Baudelaire, Petits poèmes en prose,1867, p. 88. c) Spéc., vocab. sc. ♦ Lieu d'élection ou point d'élection. Tout lieu auquel un animal, un végétal, un phénomène pathologique est lié par une affinité naturelle. On peut montrer que la nuque est un point d'élection choisi par l'araignée (Coupin, Animaux de nos pays,1909, p. 385).Cette éruption (...) peut débuter à la fois par tous les points du corps (...) sans lieu d'élection (Teissierds Nouv. Traité Méd.,fasc. 2, 1928, p. 220). ♦ Médicament d'élection. Médicament ayant la propriété d'être spécifiquement efficace dans un cas donné. La quinine n'en demeure pas moins le médicament d'élection du paludisme (Vincent, Rieux,ds Nouv. Traité Méd.,fasc. 5, 1,, 1924, p. 195). Prononc. et Orth. : [elεksjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1135 eslection « à son choix » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 1821); 2. 1155 electium « choix de quelqu'un pour une fonction (par voie de suffrage) » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 5493); 3. 1469 eslection « subdivision administrative sous l'Ancien Régime » (Monstres gener. des nobles, Arch. Eure ds Gdf.). Empr. au lat.electio, -onis class. « choix »; 3 issu de l'a. fr. eslection « pouvoir conféré par élection » (B. de Ste-Maure, Troie, 27678 ds T.-L.). Fréq. abs. littér. : 1 942. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 473, b) 2 976; xxes. : a) 2 346, b) 2 288. Bbg. Quem. 2es. t. 1 1970. |