| ÉGRATIGNER, verbe trans. A.− Blesser légèrement en déchirant superficiellement (la peau). Égratigner le visage. − [Le compl. désigne une partie du corps] Les haies élaguées laissaient passer le voyageur sans l'égratigner de leurs griffes (Gautier, Fracasse,1863, p. 490).Il (...) lui égratigna rudement l'épaule avec son épée (Rolland, J.-Chr.,Nouv. journée, 1912, p. 1543).Un autre enfant se fût débattu, eût pleuré, crié, égratigné avec les ongles le visage de cette canaille de matelot (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 30). ♦ Absol. Égratigner jusqu'au sang : 1. On eut toutes les peines du monde à la fouiller, car elle se débattait, mordait, égratignait, en poussant des hurlements, comme si on l'avait massacrée.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 1007. − Emploi pronom. ♦ réfl. Elle s'était égratignée à des épines, et sur la fine peau une goutte de sang perlait (Ramuz, A. Pache,1911, p. 215). ♦ réciproque. Les deux petites, se prenant aux cheveux, s'égratignèrent et se mordirent (Loti, Mariage,1882, p. 86). B.− P. anal. 1. Déchirer superficiellement (quelque chose), abîmer, détériorer superficiellement (en provoquant des rayures, des traces, etc.). De magnifiques ronces égratignent au passage la caisse de la voiture (Hugo, Rhin,1842, p. 382).Emma se penchait pour le voir [le ténor], égratignant avec ses ongles le velours de sa loge (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 67).N'égratignez pas mon disque (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 19).Je soulignai si fort que j'égratignai le vélin, y inscrivant tout le déchirement de la solitude (Abellio, Pacifiques,1946, p. 159). 2. TECHNOL. a) Travailler une étoffe avec la pointe d'un fer pour lui donner une certaine forme. Égratigner la soie. Égratigner du satin (Ac.). b) Labourer superficiellement. Dans les champs, des morceaux de bois, longs, durs, pointus, destinés à égratigner la terre, et nommés charrues (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1830-35, p. 229). C.− Au fig. 1. [Le compl. désigne une pers.] Blesser légèrement par des propos piquants ou ironiques. Égratigner qqn; égratigner les gens. Je ne dis jamais à l'intrus ma pensée mais ce que je suppose lui plaire ou l'égratigner (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1891, p. 125). − Absol. Elle médisait et égratignait (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 85). − Loc. proverviale. S'il ne peut mordre, il égratigne. ,,Se dit de celui qui cherche de manière ou d'autre à satisfaire sa méchanceté ou sa malice`` (Ac.). 2. [Le compl. désigne une chose] Porter légèrement atteinte à. Après avoir (...) égratigné la morale, il prêtera sa forte épaule pour la soutenir (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 237): 2. ... il ne découvre ses trahisons et ses méchancetés qu'à moitié, juste de quoi égratigner ce cœur de femme, sans le blesser mortellement.
Bourget, Un Drame dans le monde,1921, p. 105. Rem. On rencontre ds la docum. le part. prés. adj. égratignant, ante. Qui égratigne. a) [Correspond à égratigner A] L'électricité de l'air et la tourmente de ces branches égratignantes me donnaient comme la sensation d'un monde inconnu (Goncourt, Journal, 1871, p. 834). b) [Correspond à égratigner C] Ces agaceries, en apparence égratignantes, avaient l'air de donner beaucoup de malaise à une tierce personne (Amiel, Journal, 1866, p. 100). Prononc. et Orth. : [egʀatiɳe], (j')égratigne [egʀatiɳ]. Ds Ac. 1694-1932. Ac. 1694, sous l'anc. forme esgratigner, renvoie à la forme moderne. Étymol. et Hist. 1556 manteau esgratigné « au bord effilé » (Argenterie de la Reine, fol. 2 ds Gay); 1588 fig. (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, II, XXVII, p. 781). Altération de esgratigner (1155, Wace, Brut, 9472 ds Keller), dér. de gratiner, de même sens (1175-80, Renart, éd. Martin, XV, 453; cf. 1530 gratigner Palsgr.. p. 338), lui-même dér. de gratter*. Fréq. abs. littér. : 93 (égratignant : 19). DÉR. 1. Égratignement, subst. masc.Action d'égratigner. Ses doigts se promenaient, se crispaient, avec des égratignements de griffres (Zola, Dr Pascal,1893,p. 24),− 1reattest. 1532 esgratinemens (Michel d'Amboise, Fable de Biblis, 66 vods Hug.); du rad. de égratigner, suff. -(e)ment1*. − Fréq. abs. littér. : 2. 2. Égratigneur, euse, adj.Qui égratigne. Chat égratigneur. Il promène et repromène ses doigts égratigneurs sur son front (Goncourt, Journal,1870, p. 559).Emploi subst., fig. (cf. égratigner C).Égratigné par les journaux, il s'ingénie à faire savoir à l'égratigneur qu'il ne lui en veut nullement (L. Daudet, Entre-deux guerres,1915, p. 80).− [egʀatiɳ
œ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. 1558 esgratigneurs (Légende des flamens, 20 vods R. Hist. litt. fr., t. 2, p. 496); du rad. de égratigner, suff. -eur2*, -euse*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Henschel (B.). Qq. dat. nouv. du xviiies. Fr. mod. 1969, t. 37, pp. 113-131. − Pauli 1921, p. 57 (s.v. égratignement). |