| ÉGLISE, subst. fém. I.− [L'Église en tant que communauté de fidèles] A.− [Avec une majuscule; au sing.] Communauté des chrétiens formant un corps social hiérarchiquement organisé, instituée par Jésus-Christ et ayant foi en lui. Histoire, liberté, tradition de l'Église; sacrements, premiers siècles de l'Église. Nul n'a plus fait que Tertullien pour défendre l'unité de la véritable Église, et pourtant il est sorti de l'Église (Gilson, Esprit philos, médiév.,1931, p. 130).Le conflit qui déchirera plus tard l'Église et la divisera en protestants et catholiques (Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 204): 1. On voit donc, dès l'instant où il commence à remplir publiquement sa divine mission, Jésus-Christ annoncer qu'il fondera une Église, une véritable société, et bientôt après effectuer sa promesse en communiquant à ses apôtres, et principalement au premier d'entre eux, le pouvoir qu'il avoit reçu de son Père : ...
Lamennais, De la Religion,1826, p. 55. 2. Dans l'Église du Christ ce pouvoir est une participation à la royauté spirituelle du Christ. Pierre ne le possède que parce que le Christ le lui a transmis comme à son ministre ici-bas, avec les clefs du royaume des cieux. « Qu'est-ce que l'Église? disait Bossuet. L'Église c'est Jésus-Christ, mais Jésus-Christ répandu et communiqué. »
Maritain, Primauté du spirituel,1927, p. 24. − [Souvent accompagné d'un adj. ou d'un compl. prép. soulignant un aspect (historique, géographique, spirituel, etc.) de cette communauté] Église primitive; d'Occident, d'Orient. La législation napoléonienne et l'Église concordataire (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 135).On discutait comme les pères de l'Église grecque (Montherl., Bestiaires,1926, p. 437): 3. Il faut, une bonne fois, vous habituer à mon langage et enfoncer en vous cette idée simple que je n'appartiens à rien ni à personne, sinon à Dieu et à son Église. J'entends l'Église invisible. La visible, j'en conviens, est devenue abominable...
Bloy, Journal,1899, p. 373. 4. Ma fille, ma fille il y a beaucoup d'églises, dans l'Église. Mais il n'y en a qu'une. Il n'y a qu'une Église. Il y a plusieurs églises. Il y a la militante, où nous sommes. Il y a la souffrante, où nous éviterons d'être; s'il plaît à Dieu. Il y a la triomphante, où nous devons demander d'être. S'il plaît à Dieu. Mais il n'y a pas une Église infernale. Il n'y a pas une Église d'enfer.
Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne-d'Arc,1910, p. 66. − P. méton. Ensemble des chrétiens d'une région ou d'une ville. Frumentius, qui fonda l'Église d'Éthiopie (Chateaubr., Martyrs,t. 1, 1810, p. 232).L'Église de Lyon, illustrée par le supplice de Pothin et de Blandine (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 19). − Par personnification, B.-A. Sculpture des cathédrales gothiques représentant symboliquement l'Église ou Loi nouvelle. Anton. Synagogue.Les statues de l'Église et de la Synagogue se voyaient encore des deux côtés de la porte principale [de la cathédrale de Paris] à la fin du dernier siècle (Viollet1875). B.− En partic. 1. [Le plus souvent au sing.; absol. ou accompagné d'un adj. caractérisant ou d'un compl. prép. p. ex. de Rome] Ensemble des chrétiens catholiques. Église latine, romaine; le Pape est le chef visible de l'Église; notre mère la sainte Église (Ac. 1798-1932). L'Église n'a été si dure pour les hérétiques que parce qu'elle estimait qu'il n'est pas de pire ennemi qu'un enfant égaré (Camus, Sisyphe,1942, p. 153).V. aussi catholique ex. 1 : 5. ... supposer qu'il y ait dans l'Église un pouvoir au-dessus du Pape, (...) c'est renverser, autant qu'il est possible à l'homme, la constitution divine de l'Église, et l'Église elle-même. Qu'est-ce en effet que l'Église? La société dépositaire de la vraie religion, c'est-à-dire de la vraie foi et du véritable culte. L'Église doit donc offrir les mêmes caractères que la vraie religion; elle doit être, comme elle, une, universelle, perpétuelle et sainte.
Lamennais, De la Religion,1826, p. 61. 6. Marie de Lados fait réciter à Raymond son Credo. Toujours aux mêmes endroits, il trébuche.
− Recommence!
− Je crois au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique, à la communion des Saints, à la rémission des péchés, à la vie éternelle...
Mauriac, Génitrix,1923, p. 383. a) [Dans des syntagmes mettant en valeur un aspect (doctrinal, institutionnel, liturgique, social, temporel, etc.) de la communauté catholique] Biens, canons, gouvernement, lois, magistère de l'Église; Église des pauvres; États de l'Église (vieilli). Gide ignore visiblement tout de la doctrine sociale de l'Église (Mauriac, Journal 1,1934, p. 80).L'attitude et l'enseignement pratique de l'Église en face de la souffrance humaine (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 90).V. commandement ex. 4 : 7. Car il est évident que, la garde des écritures ayant été confiée à l'Église, l'Église est seule capable d'interpréter les livres qu'elle seule conserve.
France, L'Orme du mail,1897, p. 24. b) Loc. vieillie. En face de l'Église ,,Avec toutes les cérémonies et toutes les solennités de l'Église. Se marier en face de l'Église`` (Ac. 1798-1932). c) P. méton., au sing. ou au plur. − Ensemble des catholiques d'une région, d'un diocèse, d'un rite. Selon l'usage de l'Église de Paris (Ac.1798-1932) : 8. Encore une fois, Église de France, voilà le sort qui t'est réservé, si tu demeures ce que tu es, ce qu'on a fait de toi. Tu descendras au-dessous, mille fois au-dessous de l'Église grecque, aux jours de son ignominie, dans les derniers temps de l'Empire; ...
Lamennais, L'Avenir,1831, p. 220. ♦ HIST. Église constitutionnelle*, gallicane*. − [Parfois avec une minuscule] Ensemble des ecclésiastiques et religieux catholiques; état ecclésiastique. La professe, (...) s'agenouilla devant le prince de l'église (Sand, Lélia,1839, p. 453).Ma mère devint toute ruisselante de joie et d'orgueil à l'idée que son fils serait d'église (France, Rôtisserie,1893, p. 34).V. aussi commendataire. 2. Au sing ou au plur. [Accompagné d'un adj. ou d'un compl. prép. indiquant la confession ou l'obédience particulière] Communauté de chrétiens non catholiques. Église anglicane, évangélique, orthodoxe, nationale, protestante, réformée. Rapprocher l'Église d'Angleterre des formes du catholicisme (Maurois, Disraëli,1927, p. 152).Une petite communauté de marchands des Syrtes rattachés (...) aux Églises nestoriennes d'Orient (Gracq, Syrtes,1951, p. 188): 9. Pendant la Révolution française, il se forma, par suite du schisme peu important qu'y produisit le concordat, une congrégation de catholiques purs qui ne reconnurent pas les évêques institués par le pouvoir révolutionnaire et par les transactions du pape. Ce troupeau de fidèles forma ce que l'on nomme la petite Église, ...
Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 216. 3. Au plur. a) Confessions chrétiennes dans leur ensemble. Séparation des Églises et de l'État. Du 18 au 25 janvier la Semaine de l'unité chrétienne doit être un appel universel à l'union des Églises (Le Monde,19 janv. 1952, p. 9, col. 1, 2, 3): 10. Et je me désolais et m'indignais tout à la fois de ce qu'en avaient fait les Églises, de cet enseignement divin, qu'au travers d'elles je ne reconnaissais plus que si peu.
Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 607. b) [Parfois avec une minuscule] Confessions chrétiennes non catholiques. Conseil œcuménique des Églises. Toutes les églises ne sont rien sans l'Église c'est-à-dire sans l'Église universelle ou catholique (J. de Maistre, Du Pape,1819, p. 369).Quelle est aujourd'hui, à l'égard de ce dogme, [la résurrection de la chair] la position des diverses églises séparées? (Mauriac, Journal 1,1934, p. 28). Rem. Un certain nombre d'adj. (p. ex. évangélique, orthodoxe, confessante ou protestante) peuvent, en rigueur de termes, être considérés comme caractérisant l'Église de Rome, tandis qu'à l'inverse l'Église anglicane est parfois qualifiée de « catholique » (cf. Foi 1968). En fait, dans le lang. cour. le cont. lève gén. toute ambiguïté. C.− Au fig., péj., au sing ou au plur. [Avec une minuscule, plus rarement une majuscule] Groupe, ensemble (souvent fermé) de personnes ayant les mêmes aspirations, les mêmes idées, la même doctrine. Synon. clan, coterie.La Sorbonne est une église. À la recherche d'une religion civile (Barrès, Cahiers,1911, p. 25).Ces petites églises où les esprits s'échauffent, ces enceintes où le ton monte (Valéry, Variétés IV,1938, p. 18).Van Gogh, établissant le dogme d'une Église dont Picasso est incontestablement le Pape (Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 9): 11. ... tous les fidèles du groupe étaient devenus à tour de rôle amoureux de Mmede Burne, et, après la crise, demeuraient encore attendris et émus à des degrés différents. Ils avaient formé peu à peu une sorte de petite église. Elle en était la madone.
Maupassant, Notre cœur,1890, p. 309. 12. ... le surréalisme avec son aspect ambigu de chapelle littéraire, de collège spirituel, d'église et de société secrète n'est qu'un des produits de l'après-guerre.
Sartre, Situation II,1948, p. 226. II.− P. méton. [L'église en tant qu'édifice; avec une minuscule] Édifice où les fidèles de la religion catholique ou orthodoxe se réunissent pour l'exercice du culte public. Nous allions à l'église paroissiale du village entendre la grand-messe et les vêpres (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 220).Vieilles églises à mince flèche de granit (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 84).Une petite église avec les oignons dorés de ses coupoles et les croix qui accrochaient le soleil (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 274): 13. Tous les édifices publics du culte, toutes les églises publiques appartiennent à l'état et aux communes. Aujourd'hui, l'état est propriétaire des églises métropolitaines; les communes, des églises paroissiales.
Barrès, Mes cahiers,t. 10, 1913-14, p. 43. 14. Je crois même que M. Barrès se rend compte parfois de sa position un peu délicate entre le point de vue chrétien du fidèle pour qui l'église est la maison de Dieu, et le point de vue humain de l'incroyant pour qui l'église n'a pas de valeur et d'intérêt qu'en tant qu'œuvre d'art.
Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 47. − [Suivi d'un adj. caractérisant le style architectural de l'édifice] Église byzantine, gothique. Les églises jésuites du XVIIIesiècle ont toutes l'air de maisons à éléphants (Goncourt, Journal,1855, p. 222).À Prague dans l'éclat de rire doré d'une de ces belles églises rococo (Claudel, Messe là-bas,1919, p. 491): 15. ... une église baroque qui ne ménage aucune surprise à l'homme parce qu'elle est tout entière tournée vers Dieu; (...). Cela dit, combien je préfère aux plus belles églises baroques une petite église romane comme Saint-Julien-Le-Pauvre de Paris, ou Saint-Clément, à Rome!
Green, Journal,1948, p. 143. − Vulg., en interj. pour marquer l'admiration. (Nom de Dieu/Vingt dieux!) la belle église! (cf. Esnault, Notes compl. Poilu,1956). SYNT. Église abbatiale, cathédrale, collégiale, conventuelle, primatiale, simultanée*; église ancienne, déserte, fermée, neuve, nue, pauvre, sombre, vaste, vide. Banc, chevet, chœur, cloche, clocher, horloge, marches, nef, orgues, parvis, perron, place, proche, portail, porte, seuil, statue, tableau, tour, vitrail, voûte de l'église/ d'église; cérémonies, chant(s), musique, ornements, suisse d'église/ de l'église; à la sortie de l'église; pilier*, rat* d'église; bâtir, consacrer, fonder, fréquenter, réconcilier*, visiter une église; prier à l'église. Rem. 1. Dans quelques syntagmes du type se marier à l'église, la distinction n'est pas toujours faite entre l'Église-communauté et l'église-édifice. On rencontre ds la docum., p. plaisant. pop. se marier derrière l'église. Vivre en concubinage. Si M. Grange, un de ces matins, prenait pour servante quelque fille trop délurée et se remariait derrière l'église? (Pourrat, Gaspard, 1922, p. 179). 2. On rencontre ds la docum. les dér. rares a) Églisette, subst. fém. Petite église. Les moines revêtaient leur coule et l'on entrait, deux par deux, en rang, dans l'églisette (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 257). b) Églisier, adj. et subst. masc.
α) [Correspond à Église I] (Personne) qui est hypocrite. Synon. bigot, cagot. Je le connais, cet églisier, (...) nous allons avoir avec lui l'ardélion des cultes (Id., ibid., p. 249).
β) [Correspond à église II] (Personne) dont l'activité se rapporte à l'église. Il se spécialise dans l'orfèvrerie religieuse, d'où le qualificatif d'« églisier » qui lui est donné (Grandjean, Orfèvr. du XIXes., 1962, p. 82). Qui se rapporte à l'église (cf. Rheims 1969). Prononc. et Orth. : [egli:z]. Enq. : /egliz/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. I. Ca 1050 « édifice consacré au culte de la religion chrétienne » (Saint-Alexis, éd. C. Storey, 257). II. 1. 1135 « assemblée de tous ceux qui ont la foi en J.-C. » (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 155 : Et sainte eglise pense de bien servir); 1174-76 la sainte mere iglise (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2722); 2. 1546 « ensemble de fidèles unis, au sein du christianisme, dans une communion particulière » eclise romaine (Rabelais, Tiers Livre, 22, éd. Marty-Laveaux, II, 109); 1690 eglise gallicane (Fur.); 3. 1549 « l'état ecclésiastique » gens d'eglise (Est.); 1552 synon. de clergé (Rabelais, Quart Livre, ch. 53, éd. Marty-Laveaux, II, 457 : entretenir l'Ecclise); 4. 1862 fig. « ensemble de personnes professant la même doctrine » (Goncourt, Journal, p. 1184). Du lat. vulg. eclěsia (v. TLL s.v., 32, 63 sqq), lat. chrét. ecclēsia (empr. au gr. ε
̓
κ
κ
λ
η
σ
ι
α « assemblée de citoyens » employé dans le Nouveau Testament au sens de « assemblée de Chrétiens », v. Liddell-Scott II, 2) « communauté de fidèles; de tous les fidèles, lieu de réunion des fidèles » (v. aussi Théol. cath.). Fréq. abs. littér. : 15 253. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 25 499, b) 17 313; xxes. : a) 27 233, b) 17 451. Bbg. Aebischer (P.). Basilica, eclesia, ecclesia... R. Ling. rom. 1963, t. 27, pp. 119-164. Les Termes qui désignent les différents édifices du culte. R. Ling. rom. 1965, t. 29, pp. 15-37. − Archit. 1972, p. 139. − Fabre-Luce (A.). Les Mots qui bougent. Paris, 1970, p. 87. − Mohrmann (Ch.). Les Dénominations de l'église en tant qu'édifice en grec et en latin. R. des Sc. relig. 1962, t. 36, pp. 155-174. − Schroeder (W.). Die bedingte Diphtongierung betonter Vokale im südfranzösischen Alpengebiet. Volkstum und Kultur der Romanen 1932, t. 5, p. 162. − Stefenelli (A.). Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache. Wien, 1967, passim. − Wehrlin (É.). Le Nouv. lang. de l'Église. Vie Lang. 1972, p. 223. |