| ÉGARD, subst. masc. A.− [Dans des syntagmes figés] ,,Action de prendre quelque chose en considération, d'y faire attention, d'en tenir compte`` (Ac.). 1. Loc. verbale. Avoir égard à. Prendre en considération; tenir compte de. Vous devez d'abord avoir égard à vos forces et à votre santé (Lamennais, Lettres Cottu,1819, p. 47): 1. Elle [l'abeille] est si consciencieuse que, pour ne pas perdre un jour de travail dans nos courts étés, elle n'a pas assez égard aux brusques retours d'hiver, aux aigres caprices de bise, qui nous viennent parfois dans les plus beaux jours.
Michelet, L'Insecte,1857, p. 323. 2. Loc. adv. a) À cet égard. À ce sujet. Voyant qu'il ne pouvait faire un pas sans être gracieusement accompagné du chef, il sut bientôt à quoi s'en tenir à cet égard (Verne, Enf. cap. Grant,t. 3, 1868, p. 158).La poterie n'est pas moins significative à cet égard que la métallurgie primitive (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 201). b) À plus d'un égard; à beaucoup d'égards; à tous, certains, quelques, maints égards; à bien des égards. Synon. point de vue.Le mariage vaut mieux à tous égards que le célibat (Amiel, Journal,1866, p. 65).Cela (...) rejoint à bien des égards mon éthique (Du Bos, Journal,1926, p. 90). 3. Loc. prép. a) À l'égard de − Pour ce qui concerne; envers (v. aversion ex. 10). Avec la plus grande indifférence à l'égard des décrets, il assura (...) l'existence de la propagande (Malraux, Conquér.,1928, p. 52). ♦ À son propre égard. Envers sa propre personne : 2. Il ne comptait plus vivre qu'en simple pénitent; mais, loin de là, M. Singlin le voulut instituer confesseur de tous les autres, lui rendant ainsi la pareille de M. de Saint-Cyran à son propre égard et se revanchant en quelque sorte sur lui...
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 238. − ,,Par comparaison, en proportion de. La terre est petite à l'égard du soleil`` (Ac.). b) Par égard pour. Par respect pour; par considération pour. Depuis que l'aînée est mariée, elle va rarement à confesse, par égard pour son mari (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 180).Elle le suppliait, elle aussi, de faire sa paix avec Dieu, au moins par égard pour la famille (Zola, DrPascal,1893, p. 98). c) Sans égard à, pour. Sans tenir compte de; sans prendre en considération. Sans égard pour les convenances, Carlotta le fit entrer dans la chambre (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 448). d) Eu égard à. En tenant compte de. Ce résultat, si beau en 1823, eu égard à l'état de la papeterie, avait coûté dix mille francs (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 747).Sa présence en cette chambre, tard, était bien insolite, eu égard à leurs relations ordinaires (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 421). e) En égard à (rare). Même sens : 3. Elles [ces dispositions] incitaient nos alliés à refuser de relever une partie de notre 10earmée au sud-ouest d'Arras, comme il semblait logique de le leur demander en égard à nos effectifs respectifs.
Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 171. B.− Le plus souvent au plur. Considérations que l'on témoigne à quelqu'un; marque d'estime, de respect. Marque d'égards; manque(r) d'égard(s); mériter des égards; traiter qqn avec égard(s); se montrer plein d'égard(s). « Ça fait plaisir, Jules, qu'il y ait encore des jeunes gens qui aient des égards pour la vieillesse. » (Barrès, Cahiers,t. 4, 1904-06, p. 265).Je suis sûr qu'il te témoignait moins d'égards qu'à ses chiens (Aymé, Cléramb.,1950, p. 13): 4. Corrompu jusqu'aux moelles, mauvais comme une teigne, hargneux comme un cocher, il n'avait aucun égard pour les femmes, et il occupait ses soirées à poursuivre toutes celles qui cheminaient...
Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 50. Prononc. et Orth. : [ega:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 « avis, opinion » al mien esgart (Gaimar, Hist. des angl., éd. Bell. 4946); 2. a) ca 1165 « considération, examen » Bien i avreit mestier esguarz (B. de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, t. III, 17928); b) 1549 eu égard à « en considération de » (Est.); av. 1606 à cet égard « sur ce point » (Desportes ds Brunot t. 3, 24); 1740 à tous égards « à tous les points de vue » (Vauvenargues, Max, CXI ds Littré); 3. 1422 sing. « considération particulière dont on entoure quelqu'un, sollicitude » (A. Chartier, Quadril. invect., éd. E. Droz, p. 63, 6). Déverbal de l'a. fr. esguarder (ca 1050, « reporter » Alexis, éd. Ch. Storey, 56), dér. de garder*; préf. e(s)-*. Fréq. abs. littér. : 7 023. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 13 709, b) 5 771; xxes. : a) 4 947, b) 12 103. Bbg. Gohin 1903, p. 335. |