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ÉCRASER, verbe trans.
A.− Aplatir, broyer (une chose, un être vivant) en exerçant une forte pression, sous l'effet d'un choc violent. Écraser (qqc.) sous ses doigts, au mortier, à la meule. Il écrasa du pied la bougie, furieusement (Bernanos, Imposture,1927, p. 519).On dirait que, là-haut, on écrase une portée de chatons à coups de talon (Giono, Colline,1929, p. 29).Elle épluchait les légumes, écrasait des fruits (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 52):
1. Le grand gaillard s'effondra d'une masse, écrasa la bête sous son poids. Il eut, debout, le geste familier aux chasseurs de grillages, une traction appuyée dont craquèrent les frêles vertèbres : le lapin tomba au fond du sac. Genevoix, Raboliot,1925, p. 252.
Spécialement
Écraser le raisin. Fouler aux pieds les grappes de raisin pour en extraire le jus. Josille écrasait les grappes, et Mariette, par paniers, les jetait sous ses pieds (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 63).
Rem. Écraser est souvent employé quand on tue des animaux qui inspirent le dégoût. Écraser une araignée, un serpent. P. compar. Avec dégoût, je regarde cet abominable visage de mourant aux cartilages d'une transparence jaunâtre. J'ai envie de l'écraser comme un sale cancrelat (Aymé, Vaurien, 1931, p. 211).
Écraser (qqn ou un animal). Renverser et blesser ou tuer par une automobile. Se faire écraser :
2. C'est ce moment que le chauffeur choisit pour écraser un basset. Quelle peine, au moment où l'on tuerait volontiers des hommes, de voir soudain couler le sang d'un chien. Giraudoux, Bella,1926, p. 153.
Locutions
Écraser une cigarette. Presser le bout incandescent afin de l'éteindre. Elle jeta sa cigarette et, comme font les Landais, l'écrasa avec soin (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 276).
Écraser une larme. Essuyer une larme du doigt ou de la main, généralement pour tenter de dissimuler sa peine. P. métaph. Faire semblant d'avoir de la peine. Je n'aime pas les images d'Épinal de la guerre. Le rude guerrier y écrase une larme, et dissimule son émotion sous des boutades bourrues (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 276).
Écraser l'accélérateur; écraser le champignon (fam.). Enfoncer la pédale de l'accélérateur à fond. Et Pierre rit, écrasant l'accélérateur de tout son pied (Morand, Homme pressé,1941, p. 28).
P. anal. Charger, appuyer.
Écraser sous une charge, un poids (une personne, un animal). Plier en portant un fardeau. Le chemin montait et Patissot soufflait, écrasé sous le sac (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 290).
Écraser le corps, la bouche (de qqn). Embrasser, tenir embrassé. Soudain elle sentit deux lèvres ardentes lui écraser la bouche (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 114).
Écraser (une partie du corps). Appuyer contre une surface dure. Écraser son front contre la vitre, son dos contre le mur :
3. J'écrase mon nez contre un carreau de la fenêtre qui donne sur la grande cour extérieure, et j'aperçois les plantons qui causent sur un banc. Gyp, Souvenirs d'une petite fille,1927, p. 55.
Rem. On rencontre ds la docum. plusieurs composés dont le premier élément, formé sur le rad. de écraser, sert à former des subst. désignant dans la lang. fam. ou arg. une pers. ou un inanimé concr. a) [Pers.] α) Écrase-chrétiens. Des mange-vert, des écrase-chrétiens, pour dire tous les surnoms que les hommes apprivoisés leur donnent. Mais pour leur mettre leur véritable nom : des Bergers (Giono, Eau vive, 1943, p. 40). β) Écrase-museaux. Boun Diou! criai-je en le reconnaissant [le divin blond], écrase-museaux et casse-gueules! − Sans doute que c'est lui! tu t'en avises seulement? (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 322). b) [Obj.] α) Écrase-cigarettes. Cendrier (...) avec écrase-cigarettes (Catal. jouets [Trois-Quartiers], 1936). β) Écrase-merde. Chaussure de ville sans clous et à semelle plane (cf. Esnault, [Commentaire (IGLF 1948) de l'ouvrage de Bruant, Dict. fr.-arg. (1901)]).
Écraser la figure, écraser son poing sur la figure (de qqn). (Le) frapper au visage. Pendant la promenade, il [Léopold] avait pris à partie l'un des gardiens, le menaçant de lui écraser la gueule (Aymé, Uranus,1948, p. 150).
B.− Au fig.
1. Écraser qqn de.Faire succomber (quelqu'un) sous une charge excessive. Écraser de fatigue, de travail; écraser de dettes, d'impôts; écraser de chaleur, de fièvre. J'ai vu que d'innombrables chefs de peuples, écrasés de responsabilités, se réfugient dans l'imaginaire (Barrès, Cahiers, t. 12, 1919-20, p. 234).Sa nation [du clerc] lui met un sac sur le dos si elle est insultée, l'écrase d'impôts même si elle est victorieuse (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 196).Pas un bruit ne venait des différents bâtiments de la fazenda. Le soleil écrasait tout (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 355):
4. ... je me sens en vacances; et mon devoir, − oui, mon devoir − est de préserver cette sensation, de ne pas l'écraser sous le poids des labeurs nombreux qui m'accompagnent jusqu'ici... Du Bos, Journal,1924, p. 143.
2. Abattre, anéantir (une force ennemie). Écraser une armée, un pays, une révolution. Jamais le père n'a heurté de résistance qu'il n'ait écrasée. Il feint le calme (Martin du G., Thib.,Sorell., 1928, p. 1190).Après Sedan et la chute de Paris, il n'était que d'en finir, traiter et, le cas échéant, écraser la Commune, comme, dans les mêmes circonstances, Thiers l'avait fait jadis (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 60):
5. ... l'obsession communiste le mènera [Borodine] à unir contre lui un Kuomintang de droite singulièrement plus fort que celui de Tcheng-Daï et à faire écraser par celui-ci les milices ouvrières. Malraux, Les Conquérants,1928, p. 148.
Locutions
Écraser dans l'œuf. Anéantir (un complot, une révolte, au stade des préparatifs). Ils disent qu'en 1668 la France pouvait s'étendre d'un coup jusqu'à Anvers, c'est-à-dire écraser dans l'œuf la future Belgique (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 241).
Écraser dans le sang. Elle n'a pas d'autre issue que les révoltes serviles, écrasées dans le sang, ou le hideux espoir du suicide atomique (Camus, Homme rév.,1951, p. 271).
3. [Avec ou sans compl. de cause] Accabler, dominer. Écraser d'ennui, de honte; écraser par la grandeur, la puissance.
a) [D'un point de vue moral] Je ne savais que dire, ne voulant pas paraître étonné, et écrasé par tant de mensonges (Proust, Prisonn.,1922, p. 335):
6. Le jour où il [Balthazar] eut achevé la série de ses travaux, le sentiment de son impuissance l'écrasa : la certitude d'avoir infructueusement dissipé des sommes considérables le désespéra. Balzac, La Recherche de l'absolu,1834, p. 203.
b) [D'un point de vue intellectuel, spirituel] L'idée, au moins, que Sade se fait de Dieu est donc celle d'une divinité criminelle qui écrase l'homme et le nie (Camus, Homme rév.,1951p. 55).Un esprit timoré et rassis, toujours prêt à écraser sous le poids des « réalités solides » toute tentative audacieuse, toute velléité d'évasion (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 60):
7. Le nombre et la répétition ont pour effet de nous faire sentir la loi et la machine, et presque leur ridicule; et tantôt écrasent l'esprit, tantôt lui font inventer pour sa défense ce qu'il lui faut pour se croire unique et maître de soi. Valéry, Variété II,1929p. 29.
c) Submerger. Écrase-moi de détails; je suis comme un aveugle tant que tu ne m'en donnes pas (Stendhal, Corresp., t. 1, 1800-42, p. 226).
4. Éclipser, rabaisser.
a) [Le suj. et le compl. désignent une pers.] Ils [les Rogron] sont puants, dit Julliard. Il semble qu'il n'y ait qu'une maison dans Provins. Ils veulent nous écraser tous (Balzac, Pierrette,1840, p. 35).Mademoiselle de Halbois, qu'elle [Erneste] écrasa de son luxe et de ses diamants en la traitant comme sa meilleure amie, en sécha de douleur (Sand, MlleMerquem,1868, p. 304).Il avait le dernier mot, et quand il s'attaquait à des absents, il les écrasait (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 108):
8. Elle se souvenait de mes mots d'enfant et me les ressortait pour m'éblouir. Elle voulait m'écraser avec ça. Elle me rappelait que je me voyais déjà pape, académicien, empereur! Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 148.
b) [D'un point de vue esthétique; le suj. et le compl. désignent un obj. représenté ou représentable] Faire paraître plus petit ou plus massif. Une armoire de poirier noir, énorme, opprime cette chambre basse aux murs blancs, écrase entre elle et le lit une chaise de paille (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 110).Les rares femmes que l'on rencontre portent toutes la mantille noire, mais sans peigne, ce qui leur écrase la tête et les raccourcit (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 70):
9. En pleine verdure (cette épaisse verdure anglaise entassée par les siècles, respectée par les hommes), courent les hauts autobus rouges ou les bas autocars verts, dont les masses écrasent les vieilles fermes élisabéthaines et les vieilles auberges aux enseignes naïves, ... Morand, Londres,1933, p. 137.
Rem. On rencontre en fr. région. (Centre, Ouest et Canada) le verbe trans. écrapoutir, synon. de écraser et issu en 1575 du croisement de ce dernier terme avec m. fr. et dial. espoutir « broyer ». a) Domaine concr. Assis-toué pas su mon chapeau, tu vas l'écrapoutir (variantes : écrapoutiller, écrapoutiner) (Vie Lang., no68, nov. 1957, p. 504). Cette poire est toute écrapoutie (Réz-Tuaillon 1969). P. ext. J'ai reçu un coup de poing qui m'a écrapouti le nez (Dionne 1909). Emploi pronom. [En parlant de pers.] Se blottir, se ratatiner (ibid.; Canada 1930). b) Au fig. Faire succomber. S'est-il fait écrapoutir, ce vilain menteur? (Dionne 1909).
C.− Emploi pronom.
1. S'écraser en tombant contre; s'aplatir, éclater. Un avion s'écrase au sol, une voiture contre un mur; les projectiles s'écrasent contre le blindage d'un char. Au cours d'une de ces missions, il s'écrasa sur le sol, dans les environs de Boulogne, avec l'avion qui le portait (Tharaud, An prochain,1924, p. 273).La neige volait, s'écrasait sur les pèlerines, étoilait les murs (Cocteau, Enfants terr.,1929, p. 14):
10. Avec un bruit de pierre lancée à travers les branches, un marron d'Inde tomba de l'arbre et s'écrasa sur le sol. Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 428.
[Le suj. désigne une partie du corps] Il mit tout le paquet. Son droit s'écrasa sous l'oreille de Bervi (Le Breton, Razzia,1954, p. 108).
2. [Avec un suj. au plur. ou coll.] S'écraser chez qqn, quelque part. S'entasser dans un endroit où il y a foule. Synon. se presser.On s'écrasait devant certaines toiles (Zola, MmeNeigeon,1884, p. 202).Tout ce monde criait, crachait, gesticulait, s'écrasait, emplissait de sa frénésie la vaste salle d'attente (Tharaud, Ombre de la Croix,1917, p. 50).Elle était bien obligée de constater qu'on s'écrasait aux « jours » de la duchesse (Proust, Guermantes 2,1921, p. 457):
11. Au fond de la rue étroite, les spectateurs s'écrasaient. Un barrage se rompait. Montherlant, Les Bestiaires,1926, p. 473.
3. Au fig. [En parlant d'une pers., d'une partie du corps, ou d'un animal] S'affaisser, se tasser, être pressé. Le menton s'écrasait sur la serviette que la sœur lui avait nouée au cou (Martin du G., Thib.,Consult., 1928, p. 1059).Le premier patricien s'écrase sur son siège (Camus, Caligula,1944, p. 87).Soudain il n'y avait plus rien qui méritât un sanglot. Je m'écrasai contre le mur (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 536).
4. Terme d'escr. ,,Il se dit de celui qui après le coup tiré, pousse le genou en avant, laisse tomber le corps et lève le pied gauche`` (Ac. Compl. 1842).
D.− Arg. ou pop.
1. En écraser; écraser de la paille, des punaises. Dormir profondément. Le môme il en écrasait dur... Je l'enferme dans le dortoir à clef (Céline, Mort à crédit,1936, p. 329).
2. Écraser le coup et, absol., écraser, ou pronom., s'écraser. Renoncer à (une prétention, une revendication). Tu vas pas remettre ça, non? Écrase le coup, merde! (Le Breton, Razzia,1954, p. 118).On sait que t'as cent fois raison, mais pour la tranquillité du coin, on te demande d'écraser (Simonin, Pt Simonin ill.,1957, p. 120).
3. Arg. des prostituées. Se débarrasser d'une obligation importune. Quelle belle journée, j'en ai au moins écrasé une dizaine [de clients] (Lacassagne, Arg.« milieu », 1935, p. 75).
Prononc. et Orth. : [ekʀaze], (j') écrase [ekʀa:z]. Enq. : /ekʀaz/ (il) écrase. Ds Ac. 1694 et 1718 sous l'anc. forme escraser. Ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. 1560 « aplatir, déformer par pression » leurs écraser les reins (Ronsard, Les Continuations des Amours, LXIX, éd. Laumonier, t. 7, p. 186); 2. 1659 s'écraser « se tuer en s'écrasant » (Corneille, Œdipe, I, 3); 3. fig. 1690 écraser un adversaire (Fur.); 4. 1908 en écraser « dormir profondément » (d'apr. Esn.). Empr., avec adjonction du préf. é-* au m. angl.to crasen « briser, mettre en morceaux, écraser » (ca 1440 ds MED), angl. to craze « broyer » d'orig. prob. scandinave (ODEE). Fréq. abs. littér. : 2 728. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 820, b) 4 374; xxes. : a) 4 834, b) 3 943. Bbg. Chautard (É). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 66. − Gottsch. Redens. 1930, p. 128. − Quem. 2es. t. 2 1917. − Sain. Lang. par. 1920, p. 536. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 293.