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ÉCLUSE, subst. fém.
A.− HYDROL. Ouvrage destiné à retenir les eaux d'une rivière, d'un canal, d'un étang etc. pour en élever, en abaisser ou en régulariser à volonté le niveau grâce en particulier aux portes, vannes ou barrières qu'il comporte. On aperçoit plus loin... la triste forteresse de Peschiera, noire et basse, bâtie comme une écluse de moulin aux lieux où le Mincio sort du lac [de Garde] (Stendhal, Napoléon, t. 2, 1842, p. 189):
1. Pour effectuer la vidange ou le remplissage d'une écluse, on se sert, soit de ventelles placées dans les portes, soit d'aqueducs faisant communiquer le sas avec le bief amont ou avec le bief aval, soit enfin simultanément de ces deux systèmes, les organes employés peuvent être ouverts ou fermés à volonté. Bourde, Les Trav. publ.,1929, p. 350.
P. anal. Combiner un système d'irrigation à l'aide de petites écluses à pelles (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1050).
SYNT. Portes d'écluse; ruisseau entrecoupé d'écluses; cale à écluse; écluse à pelles; écluse et déversoir; construire, agrandir, élargir une écluse; lever les vannes d'une écluse.
Spécialement
FORTIF. Écluse (provisionnelle). Écluse permettant d'inonder un fossé de forteresse (d'apr. Lar. 19e-Lar. 20e) :
2. Il [Vinci] établit des engins de guerre formidables, qu'il protège par les bastions, les canonnières, les saillants, les fossés garnis d'écluses pour déformer subitement l'aspect d'un siège. Valéry, Variété I,1924, p. 252.
NAV. Les bateaux accèdent dans ces bassins [à flot] au moyen d'écluses simples ou à sas et de bassins de mi-marée (E.-T. Quinette de Rochemont, Cours de travaux mar.,1900, p. 149).Les Allemands bombardaient constamment les convois et les écluses (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 15).À voir les bassins, les écluses, les quais, qui n'étaient plus que débris et entonnoirs (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 255).
SYNT. Écluse simple. Écluse qui soutient les eaux à un seul niveau. Écluse double. Écluse qui soutient les eaux à deux niveaux différents. Écluse à sas. Deux écluses séparées par un sas. Écluse de chasse. Bassin d'un port que l'on ouvre à marée basse pour faire évacuer brusquement le sable ou la vase qui obstruent le port ou le chenal. Écluse de fuite. Écluse destinée à vider le trop plein donné par une écluse de chasse (d'apr. Jossier 1881). Passer par une écluse, d'écluse en écluse.
P. métaph. Passer par toutes les écluses des humeurs et du cœur (Giraudoux, Lucrèce,1944, p. 151).
P. méton.
Sas de l'écluse. Une écluse profonde; écluse en carène; entrée de l'écluse; remplissage, vidange d'une écluse; courant, ruissellement d'une écluse; écluse à tambour.
Porte de l'écluse. Battant d'écluse; ouvrir, fermer une écluse; écluse lâchée, ouverte; grincement d'une écluse; écluse de bois, écluse carrée (munie d'un seul vantail); écluse en éperon. L'écluse commence à pivoter lentement sur la fin de la nuit (Céline, Voyage,1932, p. 621).On arrivait en effet à l'époque où, chaque année, les Égyptiens ouvrent les écluses à l'inondation du Nil (Grousset, Croisades,1939, p. 301):
3. Sur les voies à gros trafic, pour intensifier le débit, il faudrait électrifier les écluses, les doubler souvent et généraliser l'électrification de la traction. La Navigation intérieure en France,1952, p. 69.
P. métaph. Le matin, dès cinq heures, réveillé par la haute rumeur d'écluse lâchée que faisait le 7ecorps en traversant la ville, il [Delaherche] s'était vêtu en hâte (Zola, Débâcle,1892, p. 182).Exaltation du voyage dans les espaces, qui chez Jean-Paul ou chez Hugo ouvre les écluses à un immense fleuve de mots (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 385).Un coup de tonnerre retentit. Les écluses du ciel s'ouvrirent et tout s'assombrit d'un cran (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 260).
Au fig., loc. arg. Lâcher les écluses. Uriner (Larchey, Excentr., 1865, p. 117); pleurer (Rigaud, Dict. jargon paris., 1878, p. 126).
B.− [P. anal. de fonction]
1. PÊCHE. ,,Parc demi-circulaire, fermé du côté de la mer par un mur en pierres sèches, dans lequel on ménage une ouverture grillée pour la sortie des eaux à la mer descendante, on y parque des huîtres et autres coquillages; il y reste aussi du poisson`` (Will. 1831).
2. TECHNOLOGIE
a) Compartiment permettant aux ouvriers travaillant au moyen de caissons sous air comprimé, d'entrer ou de sortir sans diminuer sensiblement la pression à l'intérieur des caissons (d'apr. Lar. Lang. fr.). Synon. sas, écluse à air.
b) FOND. ,,Plaque de fer obstruant ou ouvrant, à la volonté de l'ouvrier, le canal par lequel s'écoule le métal en fusion pour aller jusqu'aux moules`` (Nouv. Lar. ill.).
C.− Au fig. Ce qui, fonctionnant à la manière d'une écluse, modère ou régularise (le cours de) quelque chose. Le goût est l'écluse savante qui distribue les causes salutaires, la fertilité, la vie (Sand, Impress. et souv.,1873, p. 240).Quelques minutes plus tard, le Café de Flore, autre écluse du carrefour, l'œil déjà miteux, se recroqueville à son tour (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 159).
Ouvrir les écluses de. Là dessus, il repartit [le Directeur], il mit son cœur à nu, ouvrit l'écluse au flot amer de ses rancunes (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 1ertabl., 2, p. 34).Ouvrant les écluses du rêve (Jouve, Scène capit.,1935, 2epart., p. 192):
4. Dans le grotesque et le bouffon il [Th. Gautier] est très-puissant. C'est bien la gaieté solitaire d'un rêveur qui de temps à autre ouvre l'écluse à une effusion de jovialité comprimée... Baudelaire, L'Art romantique,1867, p. 472.
5. Un des maîtres se leva et félicita ses collègues des écluses de bonheur qu'ils ouvraient aux déshérités en leur enseignant les principes de la raison, de la sagesse... L. Daudet, Les Morticoles,1894, p. 127.
Prononc. et Orth. : [ekly:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [xies. escluse (Raschi Blondh., p. 50)]; ca 1200 escluse (Raimbert de Paris, Ogier le Danois, 8129 ds T.-L.). Du b. lat. exclusa aqua « eau séparée, isolée (par un barrage) » employé p. ell. du déterminé et p. méton. (exclusa, part. passé fém. du lat. class. excludere « exclure, séparer, isoler, fermer le passage à quelque chose »). Fréq. abs. littér. : 306. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 239, b) 484; xxes. : a) 537, b) 514. Bbg. Archit. 1972, p. 176. − Gottsch. Redens. 1930, p. 408. − Rommel 1954, p. 159, 177.