| ÉCLIPSER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. ASTRON. Provoquer l'éclipse de (un astre). La lune éclipse parfois le soleil et la terre éclipse parfois la lune (Rob.1955). − Au part. passé. Qui subit une éclipse. Astre complètement, entièrement, momentanément éclipsé : 1. Je t'aime ainsi! Pourtant, si tu veux aujourd'hui,
Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre,
Te pavaner aux lieux que la folie encombre,
C'est bien!...
Baudelaire, Les Fleurs du Mal,1857-61, p. 61. 2. P. anal. Obscurcir momentanément la lumière de (un astre). Une nuée passait, elle éclipsait le soleil (Proust, Prisonn.,1922, p. 11).Sous le vitrail, en bas, le soleil arrive si moche qu'on l'éclipse avec une bougie (Céline, Mort à crédit,1936, p. 80). 3. Au fig. Faire disparaître, reléguer au second plan, obscurcir l'éclat, le renom ([de] quelqu'un, [de] quelque chose). Se laisser éclipser par. Synon. surpasser.L'instinct n'est pas supprimé, mais il est éclipsé (Bergson, Deux sources,1932, p. 125).Toutefois cet incident est éclipsé aujourd'hui par la petite phrase contenue dans le discours prononcé hier par M. Churchill devant le Congrès (Le Monde,19 janv. 1952, p. 1, col. 2): 2. Elle [Caroline] ne pouvait point ne pas se sentir extraordinairement belle, tous les yeux le lui disaient; elle éclipsait la mariée elle-même avec ses dix-sept ans...
Sand, Le Marquis de Villemer,1861, p. 160. B.− Emploi pronom. 1. [En parlant d'un astre] Subir une éclipse. Le soleil s'éclipsa, commença à s'éclipser à telle heure (Ac. 1835-1932). La lune s'éclipse par l'interposition de la terre (Ac.1835, 1878). 2. Au fig. a) [Suj. nom de chose] Disparaître brusquement. Synon. s'évanouir.Sa réputation [de Marivaux], qui ne s'est jamais entièrement éclipsée au théâtre, a eu de vifs retours et des réveils qui ont dû consoler son ombre (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 9, 1851-62, p. 379). − S'éclipser devant qqc. (Lui) laisser la première place. Son merveilleux et sa grandeur vont encore s'éclipser devant le merveilleux du christianisme (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 513). b) Fam. [Suj. nom d'être animé] Disparaître furtivement. S'éclipser un instant, un quart d'heure; s'éclipser discrètement, sans bruit, (fam.) en douce, à l'anglaise; s'éclipser précipitamment, subitement, au plus vite. Mésange la regarda s'éclipser derrière la porte (Queneau, Pierrot,1942, p. 163).Il se coiffe, jette hâtivement sur une épaule son manteau flottant, et s'éclipse hors de la boutique (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1362): 3. Quant à Glatigny, il s'est, depuis le commencement d'août, tellement éclipsé de Paris que ses plus intimes ignorent sa résidence actuelle.
Verlaine, Correspondance,t. 3, 1867, p. 141. Prononc. et Orth. : [eklipse], (j')éclipse [eklips]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1250 Les nües de lassus alerent eclipsant (Doon de Mayence, 162 ds T.-L.); 1269-78 au fig. « disparaître » c'est l'amor qui vient de Fortune qui s'esclipse comme la lune (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 4754); 1743 Des murs de Constantin la splendeur eclipsée (Voltaire, Fanat., II, 5 ds Littré). Dér. de éclipse*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 463. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 875, b) 887; xxes. : a) 402, b) 497. |