| ÉCHIQUIER, subst. masc. A.− 1. JEUX. Plateau divisé en 64 carrés (noirs et blancs en général) et sur lequel on joue aux échecs. Jouer, pousser des pions/pièces sur l'échiquier. Une vieille table à jouer en marqueterie, dont le dessus faisait échiquier (Balzac, E. Grandet,1834, p. 28).Cf. aussi échec1ex. 4 : 1. On peut dessiner des figures variées pour ainsi dire à l'infini, en plaçant ad libitum différentes pièces d'un jeu d'échecs sur les cases d'un échiquier. Toutes ces figures sont nécessairement subordonnées au canevas rectangulaire de l'échiquier, et tous leurs angles coïncident avec les intersections des lignes qui passent par les centres des cases.
Élie de Beaumont, Rapport sur les progrès de la stratigraphie,1869, p. 517. − P. compar. Avare vieux homme (...) O roi tardif et tel que le roi de l'échiquier qu'enferme la tour, et que surveillent les pions, et qu'insulte le fou diagonal! (Claudel, Tête d'Or,1901, p. 241). 2. [P. anal. de forme (et parfois de couleur)] a) Loc. En échiquier. En une disposition rappelant l'aspect d'un échiquier. Combinaison, plan en échiquier. Riche pavé de marbre, en échiquier (Michelet, Journal,1838, p. 288).Si les deux axes sont perpendiculaires (...) la ville offrira spontanément un dessin en échiquier régulier (P. Lavedan, Urban.,1926, p. 38). − ART MILIT. [À propos de troupes] Disposition en carrés intercalés sur plusieurs rangs. Marengo, la bataille en plaine, avec ses grandes lignes savamment développées, son impeccable retraite en échiquier, par bataillons (Zola, Débâcle,1892, p. 58). b) Spécialement − BLAS. ,,Écu divisé en plusieurs carrés, les uns de métal et les autres de couleur`` (Littré). − COMPTAB., vx. Tableau (généralement carré ou rectangulaire) formé de cases comprenant chacune un nombre selon une certaine loi de répartition. Les comptables faisaient leurs calculs à l'aide d'échiquiers spéciaux (Druon, Roi de fer,1955, p. 138). − PÊCHE. Grand filet carré soutenu par deux demi-cerceaux entrecroisés et fixé au bout d'une perche. (Quasi-)synon. carrelet2*.Pierre, debout à l'avant, plongeait dans la rivière le large filet, tendu sur deux bâtons en croix, qu'on appelle un échiquier (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 4). 3. Au fig. [À propos d'une activité humaine] Domaine où s'exerce une compétition, une lutte d'intérêts, où s'entrecroisent des manœuvres habiles. a) Domaine idéologique : 2. Ces penseurs disent en somme que la philosophie dans tout le cours de son histoire a consisté à avancer et à retirer des pièces mobiles sur un échiquier des idées. Que de combinaisons possibles, que de belles parties proposées aux sages s'ils appliquent seulement les règles compliquées de ce jeu d'adresse que les historiens inventent!
Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 31. b) Domaine de la vie pol., de l'écon., etc.Échiquier électoral, mondial, politique : 3. − Tu n'as pas de position politique; mais ton cas peut servir de prétexte à des manœuvres politiques. On va tâcher de faire de toi un pion que l'on poussera sur d'obscurs échiquiers que tu ne connais même pas.
Duhamel, Le Combat contre les ombres,1939, p. 224. B.− P. méton. Juridiction anglaise, qui règle les affaires des finances. Chancelier de l'Échiquier : 4. ... Couve de Murville, commissaire aux finances, réglait avec le Chancelier de l'échiquier la fin de l'accord financier passé en mars 1941 entre la France libre et l'Angleterre.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 135. Prononc. et Orth. : [eʃikje]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 a eschaquiers « dont la surface est divisée en carreaux, comme celle d'un échiquier » (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 742); b) 1704 mar. (Trév. : des vaisseaux [...] en échiquier); 2. spéc. ds le domaine agn. a) 1170 eschekier « trésor royal » (Quatre livres des rois, éd. E. R. Curtius, p. 118 [1 Rois 4, 6]); b) 1280 « cour de justice, en Normandie » (Cart. de l'égl. de Chartr., BN 1. 10094, fo90 rods Gdf. Compl.) cour maintenue sous le nom d'Échiquier de Normandie lors de la réunion de la Normandie au domaine par Philippe-Auguste, devenue Parlement de Rouen sous François Ier; 3. ca 1176 jeu eschaquier (Chr. de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 2335); 4. 1806-07 fig. « champ de bataille, terrain d'affrontement » (J. de Maistre, Corresp., t. 2, p. 317). Dér. de échec*; suff. -ier*. Au sens 2, cf. au Moy. Âge, l'utilisation, par les banquiers, de tapis quadrillés pour faire leurs comptes (mil. du xiiies., Du Prestre et d'Alison ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 17 : Lors rue sor un eschequier. XV. livres d'esterlins blans). Il est difficile de déterminer si l'emploi de 2 a son origine en Normandie, où le lat. médiév. scaccarium est relevé en 1140 (Baldinger ds Britannica, Festschrift für H. M. Flasdieck, Heidelberg, 1960, p. 18, note 16; le mot étant dans cette hyp. passé de Normandie en Angleterre) ou en Angleterre (lat. médiév. scaccarium, 1118 ds Nierm.; cf. angl. Exchequer ca 1190 ds MED). Fréq. abs. littér. : 126. Bbg. La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 407. − Rog. 1965, p. 202. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 164, 191. |