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ÂPRE, adj.
A.− [En parlant d'une chose qui affecte les sens] Dont les inégalités produisent une impression peu agréable.
1. [Vue ou toucher] Des rochers âpres; un climat, un vent âpre :
1. La présence continuelle de ces tableaux de destruction; la lutte contre les animaux féroces, qui viennent sans cesse disputer à l'homme l'empire de ces lieux désolés; enfin les intempéries d'un ciel âpre et rigoureux, et des saisons qui ne se succèdent que pour amener de nouveaux désastres : tout, en un mot, n'y concourt-il point à nourrir, dans le cœur, des sentiments malheureux et des projets sanguinaires? Cabanis, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 2, 1808, p. 123.
[En parlant de l'aspect d'un paysage] :
2. La moisson terminée, les tiges des avoines et des blés revêtaient le sol d'une toison hérissée. Ce fut, cette fois, la Lorraine ingrate, celle dont la nudité revêt aux yeux habitués un âpre accent de misère et de sauvage poésie, celle qui ne lasse pas avec ses landes pierreuses, ses maigres friches, ses peupliers grêles rangés en lignes parallèles, ondulant à l'horizon. Les villages ressemblaient à cette terre, étant nus et pauvres comme elle. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 246.
ANAT. HUM. Ligne âpre. Saillie rugueuse qui marque longitudinalement la face postérieure du fémur :
3. Le bord postérieur [du fémur] seul est très accusé, il est saillant, rugueux et forme la ligne âpre qui se divise à ses deux extrémités; la lèvre externe donne insertion au vaste externe, la lèvre interne au vaste interne et l'interstice à plusieurs muscles, dont le grand adducteur de la cuisse. Rud.1962.
Rem. Cf. encore T. Gautier (Albertus, 1833, p. 131) : ,,langue âpre et dure`` (en parlant d'un matou) et Michelet (L'Insecte, 1857, p. 296) : ,,dent âpre, aiguë`` (en parlant d'abeilles).
BOT. [En parlant d'une plante, des parties d'une plante] Dont la surface irrégulière est désagréable au toucher :
4. L'odeur délicieuse était surtout au point où la pêche a tenu à l'arbre, au point générateur. Cette pêche n'est pourtant qu'une enveloppe du noyau producteur, si fortement, si rudement accidenté, étonnamment âpre, fort, dur. Michelet, Journal,1859, p. 484.
2. [En parlant de ce qui affecte les autres sens : goût, odorat, ouïe] Qui produit une impression de rudesse. Un fruit, un parfum, un son âpre :
5. Au-dessous du chemin et au-dessus, les arbres résineux de la montagne semaient leurs aromates dans l'air. Les pins, les thuyas et les térébinthes semblaient brûler un encens âpre et rustique sur le passage de Mary-Ann. Elle aspirait avec un bonheur visible cette largesse odorante de la nature. About, Le Roi des montagnes,1857, p. 59.
6. Il en tire quelques litres D'un vin âpre, aigre, dur, sur À faire grincer les vitres, À déconcerter l'azur; Une piquette hérétique, Un infâme reginglard, ... Ponchon, La Muse au cabaret,Le Vin du pape, 1920, p. 80.
7. Cette voix âpre, hargneuse et disséquante, dont Augustin a palpé le mordant pendant tout le déjeuner, elle se fait entendre adoucie d'amitié. Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 102.
B.− Au fig.
1. CHASSE. [En parlant d'un animal]
Âpre à la curée. [En parlant d'un chien]
Rem. 1. Attesté ds Ac. 1835, 1878, Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Littré, DG, Rob. 2. S'emploie aussi p. anal. à propos d'une pers. (cf. Balzac, Eugénie Grandet, 1834, p. 232).
Âpre à la proie. [En parlant d'un oiseau, particulièrement d'un faucon] :
8. Il [le rossignol] est bon, il est féroce. Je m'explique. Son cœur est tendre pour les faibles et les petits; donnez-lui des orphelins, il s'en charge, les prend à cœur, mâle et vieux, il les nourrit, les soigne attentivement, comme ferait une femelle. D'autre part il est extrêmement âpre à la proie, engloutissant et avide; ... Michelet, L'Insecte,1857, p. 251.
2. [En parlant de pers., de leur caractère, de leur comportement]
a) Qui manifeste un attachement excessif pour les biens matériels ou moraux :
9. ... on disait qu'il avait la tête dure, et que les vérités célestes ne pouvaient percer son crâne épais. Il était âpre et avare, et tout à fait enfoncé dans les intérêts matériels. Il ne pensait qu'à acheter des maisons. A. France, Le Lys rouge,1894, p. 139.
Âpre au gain :
10. De qui l'état tire-t-il le plus clair de ses revenus? N'est-ce pas justement de cette petite bourgeoise, âpre au gain, dure au pauvre comme à elle-même, enragée à l'épargne? Bernanos, Journal d'un Curé de campagne,1936, p. 1083.
Rem. Âpre peut s'employer dans cette accept. en loc. libre, constr. soit avec la prép. à (cf. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 74 : âpre au butin; Sully Prudhomme, La Justice, 1878, p. 250 : âpre au labour), soit avec la prép. en (Michelet, Le Peuple, 1846, p. 66 : âpre en affaire); Flaubert (Correspondance, 1846, p. 303) parle des femmes (...) âpres [= « avides »] de l'homme qu'elles aiment.
b) Qui manque d'aménité ou de modération notamment dans ses rapports avec autrui. Un caractère, un cœur âpre; un homme âpre à la vengeance :
11. Ces mécomptes, après avoir usé la présidente de Marville, qui ne s'abusait pas d'ailleurs sur la valeur de son mari, la rendaient terrible. Son caractère, déjà cassant, s'était aigri. Plus vieillie que vieille, elle se faisait âpre et sèche comme une brosse pour obtenir, par la crainte, tout ce que le monde se sentait disposé à lui refuser. Mordante à l'excès, elle avait peu d'amies. Balzac, Le Cousin Pons,1847, p. 33.
Rem. Âpre peut s'employer dans cette accept. en loc. libre constr. avec la prép. à (cf. hommes (...) âpres à la vengeance [Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, Le Chapelet, 1886, p. 65]).
c) [En parlant d'un sentiment, d'une impression] Qui exerce une forte emprise sur l'esprit. Une joie âpre, un âpre désespoir :
12. Certes, ce monde est vieux, presque autant que l'enfer. Bien des siècles sont morts depuis que l'homme pleure Et qu'un âpre désir nous consume et nous leurre, Plus ardent que le feu sans fin et plus amer. Le mal est de trop vivre, et la mort est meilleure, ... Leconte de Lisle., Poèmes barbares,Le Vœu suprême, 1878, p. 228.
13. Outre cet attrait de l'inconnu et du mystère, il exerce sur moi ce charme âpre, puissant, dominateur, de la force. Et ce charme − oui ce charme − agit de plus en plus sur mes nerfs, conquiert ma chair passive et soumise. (...). C'est en moi un désir plus violent, plus sombre, plus terrible même que le désir qui, pourtant, m'emporta jusqu'au meurtre, ... Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 272.
d) [En parlant d'une manière d'agir, de penser, de s'exprimer] Un combat, un livre, un ton âpre :
14. ... reprenant, à mon tour, le livre écrit un an auparavant, je le trouvai âpre, dogmatique, sectaire et dur. Ma pensée, dans son premier état, était comme un fardeau branchu, qui s'accrochait de tous les côtés. Mes idées, trop entières pour la conversation, étaient encore bien moins faites pour une rédaction suivie. Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. III.
Rem. L'emploi subst. « ce qui est âpre » est rare. Cf. Claudel, Art poét., 1907, p. 166 : ,,les mains (...) chargées d'apprécier le mou et le résistant, l'âpre et le poli.`` − « Personnes âpres ». Cf. Montherlant, Malatesta, 1946, III, 5, p. 497 : ,,je suis fatigué (...) des âpres.``
PARAD. 1. (Quasi-) synon. abrupt, acariâtre, acerbe, acéré, acide, âcre, agressif, anguleux, aride, austère, autoritaire, brûlant, brut, brutal, caustique, corrosif, cruel, cupide, fruste, grossier, heurté, impérieux, incisif, incommode, inexorable, intolérant, intransigeant, pénible, raboteux, raide, rapace, râpeux, rauque, rêche, revêche, tranchant, vindicatif. 2. Anton. aplani, caressant, courtois, débonnaire, délicieux, élégant, généreux, insipide, mielleux, moelleux, plaisant, raffiné, suave, uni, velouté.
PRONONC. ET ORTH. : [ɑ:pʀ ̥]. Fér. 1768 rappelle : ,,on écrivait autrefois aspre``.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1130-50 fig. aspre « (d'une chose) pénible » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, Paris, 1961, 329 : Si vienent doi message, Qui li aportent unes noveles aspres); 1155 « violent » (Wace, Brut, 7784 ds Keller, Etude sur le voc. de Wace, p. 272 : Es vus bataille de rechief, Aspre mellee e estur grief); b) 1130-50 « (d'une pers.) violent, ardent » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, Paris 1961, 401); 1453 « qui se porte avec trop d'ardeur à qqc., avide, cupide » (Monstrelet, Chron. II, 205 ds Gdf. Compl. : Aspres au pillage); 2. a) 1164 « qui présente des aspérités, rude au toucher » (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. W. Foerster, Amsterdam 1965, 6668-72 : mantiaus [...] Listez d'orfrois roides et aspres); b) 1200-1210 « qui cause une sensation désagréable » (J. Renart, G. de Dole, éd. Servois, 2326 ds T.-L. : vin [...] aspre; 1751 gramm. esprit âpre « esprit rude » (Encyclop.)). Empr. au lat. asper « rugueux, dur », au sens 2 a (Ennius, Trag. 309 ds TLL s.v., 808, 7); au sens 2 b « âpre au goût (d'un vin) » (Caton, Agr., 109, ibid., 810, 5); au sens 1 a « dur, pénible » (Plaute, Capt. 497, ibid., 811, 1); d'une bataille (Salluste, Iug., 48, 1, ibid., 811, 66); au sens 1 b « dur, violent » (Lucilius, 1009, ibid., 813, 16).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 454. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 629, b) 3 548; xxes. : a) 2 664, b) 1 289.
BBG. − Baulig 1956. − Forest. 1946. − Gottsch. Redens. 1930, p. 284. − Gramm. t. 1 1789. − Littré-Robin 1865. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 135, 199. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824.