SIFFLER, verbe
Étymol. et Hist. A. [D'un animal] pousser un cri
1. 1130-40
sifler intrans. (
Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 313 [ms. A]: Corocha soi et si
sifla [le dragon]);
ca 1290 (
Gautier de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owen, 253: cerpent
cifle); 1538 part. prés. adj.
sifflants (
Est., s.v. sibilus: sibila ora [
angium])
2. 1539 [entendre]
siffler l'escoufle (Cl.
Marot,
Œuvres lyriques, LXXXIX,
Eglogue III, 218, éd. C. A. Mayer, p. 351).
B. 1. a) ca 1170
sifler « [d'une personne] produire un son aigu en refoulant l'air par la bouche » (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 1990; éd. W. Foerster, 2043: var.
sible, ms. B, déb.
xiiies.); 1680 «
id. à l'aide d'un sifflet » (
Rich.);
b) 1690 en parlant de tuyaux d'orgues (
Fur.);
c) 1878 en parlant d'un bateau, pour avertir (
Flaub., Corresp., p. 125); 1890 p. ext. (
Zola, Bête hum., p. 153: le mécanicien
sifflait éperdument);
2. 1387-91
siffler pour les chienz (
Gaston Phébus, Chasse, éd. G. Tilander, 75, 9, p. 278); fin
xives. [ms.] trans.
cyfler ung levrier (
Froissart, Chron., III, § 21, éd. L. Mirot, t. 12, p. 84, 22, var. ms. Besançon 865);
3. 1547 trans.
siffler une chanson (
N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, VIII, éd. J. M. Guichard, p. 181:
sublant ou
sifflant, lequel que l'on voudra, ou tous les deux, une chanson); 1643 en parlant d'un oiseau (
Saint-
Amant, Rome ridicule ds
Œuvres, éd. J. Lagny, t. 3, p. 77, 994: En marbre, en airain on les grave [Pétrarque et Du Bellay] [...] Et jusqu'au Merle d'un Fripier, Il les
sifle alors, et s'en brave);
4. 1549
siffler contre aucun; siffler [quelqu'un] « huer quelqu'un à coups de sifflet » (
Est.); 1552
estre huyé et sifflé et chassé du theatre (
Est., s.v. sibilus); 1738 [pièce de théâtre]
sifflée (
Piron, Métromanie, V, 2 ds
Littré);
5. 1658
siffler [un oiseau] « lui apprendre à siffler des airs » ici, fig.
siffler [quelqu'un] « l'instruire de ce qu'il doit faire » (
Guez de Balzac, Aristippe ou De la Cour, 2
ediscours ds
Œuvres, éd. 1665, t. 2, p. 142); 1688
siffler des serins au flageolet (
La Bruyère, Caractères,
De la Mode, 2 ds
Œuvres, éd. J. Benda, p. 390).
C. Se moquer, plaisanter fin
xiies.
chifler intrans. (
Lai du cor, 268 ds T.-L.);
ca 1200 trans.
cifler [aucun] (
St Jean Bouche d'Or, 562,
ibid.).
D. P. anal.
1. 1306 « produire un bruit aigu [vent, flèche fendant l'air] » (
Guillaume Guiart, Royaux lignages, éd. N. de Wailly et L. Delisle, 19250: Quarriaus
siflent);
2. a) 1552 part. prés. adj.
voix aiguë et sifflante (
Pontus de Tyard, Disc. philos., 25b d'apr.
H. Vaganay ds
Rom. Forsch. t. 32, p. 163);
b) 1702
id. consones siflantes (
Fur., s.v. siflant); 1835
id. subst. fém.
sifflante (
Ac.);
c) 1718 (
Ac.: sa poitrine
siffle).
E. 1. 1640
siffler la rostie; siffler la linotte; siffler pour les bourgeois « boire beaucoup » (
Oudin Curiositez); 1718 « boire » (
Le Roux);
2. 1837 p. anal. « dilapider » (
Balzac, loc. cit.).
Siffler est issu du lat. vulg.
sifilare, doublet osco-ombrien du class.
sibilare « siffler », intrans.; « siffler [quelqu'un] ». D'apr. Nonius (
ives.),
sibilare aurait été en usage dans les classes cultivées, tandis que les classes pop., subissant l'empreinte des patois ruraux, auraient utilisé
sifilare;
cf. aussi le dér.
sifilum (class.
sibilum)
CGL IV, p. 395, 3; v. M.
Niedermann, Précis phon. hist. lat.4, § 48;
Váán., § 169. De
sibilare, le type
sibler, relevé notamment dans les dom. fr.-prov. (
ca 1160 [copiste de l'est de la France] en parlant d'un serpent
Eneas éd. J. J. Salverda de Grave, 2594; déb.
xiiies. [dial. bourg.?]
Chrétien de Troyes, Erec, var., supra B 1;
xiiies. fr.-prov.
Isopet de Lyon, X, 29 ds
Rec. des Isopets, éd. J. Bastin, t. 2, p. 103) et occit. (1130-48
siular « siffler [un oiseau] »
Marcabru, Poés., XIX, 65, éd. J. M. L. Dejeanne, p. 92; 1225-28
ciblar « émettre un sifflement »
Jaufre, éd. Cl. Brunel, 2778). Les 2 types
sifler (dominant dans le domaine d'oïl) et
sibler connaissent des var. d'orig. onomat. [ts-; tš-; š-]. Ils connaissent aussi, à côté des formes en
si-, des formes parallèles en
su- corresp. respectivement à un lat. vulg.
*sufilare (
cf. la gl.
suiflum: sifilum, CGL V, p. 484, 53) et
*subilare. Le type
sufler (fin
xiiies. trans. « railler, se moquer de »
Liv. des Machab., éd. Goerlich, 37) est relevé notamment en wallon et dans les dial. norm. de l'ouest. Le type
subler est relevé en agn. dès
ca 1170 (
Rois, éd. E. R. Curtius, III, IX, 8, p. 133), s'étendant progressivement dans la plus grande partie des domaines d'oïl et d'oc; pour la répartition précise de ces types, v.
FEW t. 11, pp. 564b-570b. Le sens « boire » s'explique soit p. anal. entre le sifflement qu'on attaque par une inspiration rapide, et l'absorption rapide d'un liquide d'un seul trait, soit parce que l'aspiration très rapide d'un liquide par un buveur peut produire une espèce de sifflement.