SIEN, SIENNE, pron. et adj. poss.
Étymol. et Hist. Poss. tonique de la singularité, fonctionnant comme un adj. qualificatif
I. n'est accompagné d'aucun déterm. [empl. rare]
1. 842 cas régime fém. sing.
suo [v.
E. Koschwitz, Commentar zu den ältesten frz. Sprachdenkmälern, Heilbronn, 1886, p. 8, 42] (
Serments de Strasbourg ds
Henry Chrestomathie I, 20, p. 2: Si Lodhuuigs sagrament [...] conservat, et Karlus [...] de
suo part non lo's tanit); 881
id. souue dial. Nord-Est [
Pope, § 1321 XIVa] (
Ste Eulalie,
ibid., II, 29, p. 3: Par
souue clementia); fin
xes.
id. (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 25: Per
sua grand humilitad; 267: Dunc lor gurpit [Jesus]
soe chamisae);
2. 1176
maugré suen « contre son gré » loc. autonome dans l'énoncé; cas régime masc. sing. (
Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 457).
II. Déterminé par un art. (déf., indéf.), un dém.
A. il précède le subst.
1. masc. sing.
a) cas régime
α) 881 art. déf.
suon [
E. Koschwitz, op. cit., p. 60] (
Ste Eulalie, II, 15, p. 3: Ell' ent aduret lo
suon element);
β) ca 1050 art. indéf. (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 15: d'un
son filz voil parler); 1209 (
Henri de Valenciennes, Contin. Conquête de Constantinople, 509 ds T.-L.: sor un
sien cheval);
γ) ca 1050 art. dém. (
St Alexis, 280: Cel
son servant ad a sei apelet);
b) cas suj.
α) 2
emoit.
xes. art. déf. (
St Léger, éd. J. Linskill, 10: dels aanz Que li
suos corps susting si granz [v. éd., p. 89]);
β) ca 1050 indéf. (
St Alexis, 272: Ne reconut [Alexis] nuls
sons apartenanz);
ca 1100 agn.
un soens cumpainz (
Roland, éd. J. Bédier, 941);
ca 1200
uns siens chevaz (
Dialoge Gregoire lo pape, 11, 24 ds T.-L.);
2. masc. plur.
a) cas régime
α) 2
emoit.
xes. art. déf. (
St Léger, 170: Deus exaudis lis
sos pensaez [
sos infl. mérid.? v. éd. p. 90]);
β) ca 1050 art. dém. (
St Alexis, 123: D'icez
sons sers);
b) cas suj.
α) fin
xes. art. indéf.
tuit soi fidel (
Passion, 274);
β) id. art. déf.
li soi fidel (
ibid., 429);
3. fém. sing.
a) cas régime
α) id. art. déf. (
ibid., 204: La
soa mort mult demandant);
ca 1050 (
St Alexis, 432: A grant duel met la
sue carn medisme);
β) ca 1170 indéf.
une soe cousine (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5290);
b) cas suj. fin
xes. art. déf.
la sua morz, la soa madre (
Passion, 11; 353); fin
xiies.
la soie amors (
Floire et Blancheflor, éd. J. L. Leclanche, 2254);
4. fém. plur. cas régime
ca 1260 numéral [postposition du poss.]
deus brebiz sïennes (
Récits Ménestrel de Reims, 405 ds T.-L.);
xiiies. art. déf.
les söes mains (
Sermon pointevin, 80,
ibid.).
B. En l'absence d'un subst. non répété, l'adj. poss. est référé à l'art. déf., il est appelé « pron. poss. »
1. fém. sing.
a) ca 1050 cas régime (
St Alexis, 372: Li apostolie tent sa main a la cartre; Sainz Alexis la
sue li alascet);
b) ca 1223 cas suj., en fonction d'attribut (
Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. Fr. Koenig, 1
Mir. 10, 1188: Bien croi [...] Que ta volentez est la
soie, Et que la
seue est la tiue);
2. masc.
a) ca 1140 sing. cas régime (
Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 436: si unt veüd les liz; Casquun[s] des duze per(e)s i ad ja le
son pris);
ca 1208
le suen (
Geoffroi de Villehardouin, Constantinople, éd. E. Faral, § 112);
b) 1176-81 plur.
id. (
Chrétien de Troyes, Chevalier de la Charrette, éd. M. Roques, 4673: Quant il la tient antre ses braz Et ele lui antre les
suens); 1306
les siens (
Joinville, Vie de St Louis, éd. N. L. Corbett, § 134, p. 110).
C. Précédé de l'art. déf., fait fonction d'adj. subst.
1. masc. plur. désigne des personnes (d'un groupe, d'une famille...)
a) fin
xes. cas régime (
Passion, 19: Avant dels
sos dos enveid);
ca 1200
les siens (
Poème moral, éd. A. Bayot, 2823);
b) ca 1170 cas suj. (
Rois, I, XVII, 2, éd. E. R. Curtius, p. 32: Saül e li
suen s'asemblerent);
2. masc. sing. désigne le bien, l'avoir
a) 1130-40 cas régime
le sien (
Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis [ms. A], 55);
ca 1150
le suen (
Id., St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 713);
b) 1288 cas suj.
li siens (
Jacquemart Gielee, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, 2020).
III. En fonction d'attribut
1. fém. sing.
a) ca 1100 cas suj.
sue agn. (
Roland, 917: si est la citet
sue); 1160-74 (
Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 6825: La force ert
soe);
ca 1180
siue [ms. de base pic.] (
Fierabras, éd. G. Servois, p. 2); 1180-90
seue (
Alexandre de Paris, Alexandre, I, 2782 ds
Elliott Monographs, 37, p. 62);
ca 1210
siwe pic. (
Robert de Clari, Constantinople, XCIX, p. 97, 16 ds T.-L.); 1
erquart
xiiies.
sieue pic. (
Renclus de Molliens, Carité, éd. A. G. Van Hamel, CXXII, 5);
ca 1260
sienne (
Récits Ménestrel de Reims, 130 ds T.-L.);
b) 1176-81 cas régime (
Chrétien de Troyes, Chevalier de la Charrette, 1676: Et por
soe ja la tenoit);
2. masc. sing.
a) ca 1165 cas suj. (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, éd. L. Constans, 5342: se li mondes fust toz
sien [var. déb.
xiiies.
siens]); 1176
suens (
Chrétien de Troyes, Cligès, 1389);
b) ca 1200 cas régime (
Châtelain de Couci, Chans., éd. A. Lerond, II, 48: de ce qu'ele m'adaigne E tieigne a
suen);
3. masc. plur.
a) ca 1208 cas suj. (
Geoffroi de Villehardouin, op. cit., § 476: cil de Marmora qui
suen estoient);
b) cas régime 1283 (
Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 630; fère
siens les fruis de vilenages).
Suen, soue sont issus des parad. toniques lat.: cas régime masc. sing.
súŭm,
soum >
sǫum (différenciation d'aperture entre les deux voy.) >
suǫm (diphtongaison; amuïssement de
u) >
suen (différenciation des deux segments vélaires de la diphtongue) entraînant par réfection anal. le cas suj.
suens, le plur. cas suj.
suen, cas régime
suens; cas suj. fém. sing.
sŭa,
sọa >
sọue̥, sœ
̣e̥ (diphtongaison; affaiblissement de -a) >
seue̥, entraînant le cas régime seue, le plur.
seues. L'a. pic.
si(e)ue est anal. de
mi(e)ue, réfection d'un masc. *
mieu, issu du lat.
męu (
Pope, § 858;
Gossen, § 69), v.
mien. Les formes
soie, fém. sing.,
sien, cas régime masc. sing., sont respectivement anal. de
moie (
méa >
mẹie̥ > mọie̥) et de mien*; en sont tirés
soies plur. et
siens, cas suj. sing. et cas régime pluriel.