SERVIR, verbe
Étymol. et Hist. A. « S'acquitter d'obligations envers un supérieur »
1. ca 880 relig.
diaule seruir (
Eulalie, 4 ds
Henry Chrestomathie, p. 3); 2
emoit.
xes.
Deu servir (
St Léger, éd. J. Linskill, 24); spéc.
ca 1050 absol.
servir « célébrer le culte » (
Alexis, éd. Chr. Storey, 165), puis surtout 1680
servir la messe (
Rich.);
2. ca 1050
servir « s'acquitter des fonctions de domestique » (
Alexis, 336); 1550
servir « rendre les mêmes services qu'un domestique rend à son maître (par humilité chrétienne) » (
Bible Louvain Marc 10, f. 16, col. b); 1648 formule de politesse
pour vous servir (
Voiture,
Œuvres,
Poés. diverses, éd. M. A. Ubicini, t. 2, p. 423); spéc.
3. à table
ca 1165 absol. « apporter le repas » (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 2021);
ca 1170
servir de pain « le présenter » (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 6872); 1176-81
servir as tables (
Id.,
Chevalier charrette, éd. M. Roques, 41); d'où
ca 1280 fig.
servir qqn d'entremés « lui jouer un tour » (
Adenet le Roi,
Cleomadés, éd. A. Henry, 8592); 1655
servir d'un plat de sa façon «
id. » (
Molière,
Étourdi, II, 8, 785); 1819 pron. passif (
Boiste: être servi − les fruits
se servent au dessert); 1832 pronom. réfl. (
Raymond: À table,
Se servir, prendre d'un mets, mettre quelque chose d'un mets sur son assiette);
4. a) ca 1050 « accomplir ses obligations envers l'autorité civile » (
Alexis, 35:
servir l'emperethur); 1680
servir la patrie (
Rich.);
b) ca 1100
servir « s'acquitter du service féodal envers son suzerain » (
Roland, éd. J. Bédier, 1858);
ca 1100 absol.
servir à (qqn) (
ibid., 3811), constr. encore ds
Ac. 1778; d'où
α) ca 1160 absol.
servir « accomplir ses obligations militaires (envers son suzerain) » (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 469); 1538 « accomplir ses années de service militaire » (
Est.);
β) 1160-74 féod.
servir qqn de fief (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 6070); 1508
servir le fief (Coutume d'Anjou, art. 106 ds
Nouv. Cout. gén., éd. A. Bourdot de Richebourg, t. 4, p. 539b), répertorié dans la lexicogr. comme terme hist.;
5. 1160-74
servir une dame « se mettre à son service » (
Wace,
op. cit., 4508), d'où en terme de galanterie le subst.
servant 1509 (
Lemaire de Belges,
Illustrations de Gaule, I, 25, éd. J. Stecher, t. 1, p. 178), l'adj. 1569 (
Ronsard,
7elivre de Poèmes, éd. P. Laumonier, t. 15, 2, p. 240, 40: serviteur
servant), princ. empl. dans l'expr.
chevalier servant 1879 (
Loti,
Aziyadé, p. 84);
cf. aussi
cavalier servant 1807 (
Staël,
Corinne, I, 210 d'apr. B. W.
Jasinski,
Vocab. ds
Corresp. gén., t. 1, p. 48);
6. 1768
servir « fournir un produit, moyennant finances » (
Volt.,
Lett. d'Alembert, 2 sept. ds
Littré); 1832 pronom.
se servir chez le même marchand « avoir l'habitude d'acheter chez lui » (
Raymond).
B. a) Ca 1050
servir à (Dieu) « lui être soumis » (
Alexis, 495); 1213
vos servez a vos deliz (
Fet des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 42, 17);
b) 1550
servir à « être esclave » (
Bible Louvain, Esdras, 4, 1 f
o183 v
o, col. b), répertorié comme ,,vx`` par
DG.
C. 1. Ca 1100
servir « faire usage de, employer » (
Roland, 2350); déb.
xiiies.
servir de qqc. à qqn « faire usage de quelque chose, l'employer pour lui » (
Reclus de Molliens,
Charité, éd. A. G. van Hamel, IX, 9); 1538 pronom.
se servir de « l'utiliser, l'employer » (
Est.,
s.v. utor);
2. 1155 fig.
servir qqn de qqc. « lui présenter quelque chose » (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 1730); fin
xiies.
servir qqn de qqc. « le fournir de » (
Hue de Rotelande,
Ipomedon, éd. A. J. Holden, 4787); d'où spéc. 1690 fin. (
Fur.: On dit [...] qu'un homme
est bien
servi d'une rente, lorsqu'il en est bien payé); 1835 (
Ac.:
Servir une rente, Payer le revenu, l'intérêt d'une somme constituée en rente); 1835 jurispr. (
ibid.:
Servir une redevance, Acquitter la redevance convenue);
3. « donner quelque chose pour faire fonctionner »
a) 1662
servir l'artillerie « lui donner les moyens de bien fonctionner » (
La Rochefoucauld,
Mém., éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, t. 2, p. 371);
b) 1669 jeu de balle absol.
servir (
Widerhold Fr.-all.); av. 1679
servir la balle « la lancer à celui avec qui l'on joue » (
Retz,
Mém., éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 3, p. 470);
c) 1899
servir des cartes « les distribuer » (
DG); 1935 absol.
servir (
Ac.);
4. 1687 trans.
servir « saillir, couvrir » (
Miege, 2
epart.).
D. 1. Ca 1165
servir à qqn « lui être utile, bon, l'aider » (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 5853);
a) ca 1165
de quei sert « quelle utilité a » (
Id.,
ibid., 14820), supplanté par
A quoy sert? 1553 (
Bible,
Jean Gérard, Marc, 14, a); 1553
que sert? (
ibid., Proverbes de Salomon, 17, c);
b) 1436
de riens ne servent « sont tout à fait inutiles » (
Charles d'Orléans,
Poésies, éd. P. Champion,
Ballade, LXIX, 134, p. 93); 1553
ne servir à rien (
Bible, Jean Gérard, Sapience, 13, c);
2. ca 1500
servir de « être utile, utilisé à titre de » (
Philippe de Commynes,
Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 133); 1613 fig.
servir de couverture « tenir lieu de prétexte » (
J. Voultier,
Grand dict. fr., lat. et gr. d'apr.
FEW t. 11, p. 538a); 1671
servir de jouet « être en butte aux railleries, aux attaques » (
Pomey,
s.v. jouet). Du lat.
servι
̄re (du lat.
servus, v.
serf) « être esclave, vivre dans la servitude », au fig. « être sous la dépendance de », « se mettre au service de, être dévoué à », également att. en lat. chrét. « servir Dieu » dep. déb.
ves. ds
Blaise Lat. chrét., « être esclave (du péché) »
ibid., et en lat. médiév. « accomplir les services vassaliques » dep. 811 ds
Nierm., spéc. les charges militaires 1186,
ibid., « effectuer le culte »
ca 560,
ibid. et « servir aux repas »
ca 1135 ds
Latham.