PARAÎTRE1, verbe intrans.
Étymol. et Hist. I. A. 1. Fin
xes. fut. 3
epers. du sing. «se faire voir soudainement, se montrer (en parlant du Christ ressuscité)» (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 362: Quar el zo dis que resurdra Et al terz di vius
pareistra), ex. isolé; 1583-90
se paroistre «(d'une personne) se faire voir, se présenter» (
Brantôme,
Grands capitaines estrangers ds
OEuvres, éd. L. Lalanne, t. 1, p.148); 1636 intrans. (
Corneille,
Cid, V, 1:
Paraissez, Navarrais, Maures et Castillans...);
a) 1583-90 «briller, se distinguer» (
Brantôme,
op. cit., p.99: Il monstroit bien [...] qu'il vouloit se signaller et
parestre par dessus les autres); 1617 empl. abs. (
D'Aubigné,
Faeneste, I, 2 ds
OEuvres, éd. E. Réaume et Fr. de Caussade, t. 2, p.387: je vous demande pourquoi vous vous donnez tant de peines. Faeneste. Pour
parestre);
b) 1667
faire paroistre «tirer de l'obscurité, mettre en renom» (
Boileau,
Satires, IX ds
OEuvres, éd. F. Escal, p.53);
2. 1632 «intervenir dans une affaire» (
Rotrou,
Hercule mourant, IV, 1 ds
OEuvres, éd. 1820, t. 2, p.51: Mais tu portes le coup et tu ne
parois pas);
3. 1666 «se présenter devant un tribunal» [
cf. comparaître] (
Molière,
Misanthrope, II, 6).
B. 1. Ca 1165 «être, devenir visible, pointer, surgir» (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 20142: beslivant ala li cous, Por quant del test
pareist li os; 25993: Trei mile veiles de color I
pareissent sor maz dreciees); fin
xiiies. (
Id.,
ibid., 955, var. ms. K: Quant vint contre le tens novel [...] Que la flors
pareist blanche e bele); av. 1630
faire paroystre (
D'Aubigné,
La Création, II, éd. citée, t. 3, p.339: Avent que le soleil
fist ses rayons
paroystre);
2. ca 1165 «(d'un sentiment, d'une qualité, d'un défaut) être perceptible, se manifester» (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 8258, 25160); 1656
faire paraître «montrer» (
Segrais,
Nouv. franç., 5
eNouv., p.13-14 ds
Livet Molière: en luy
faisant paraître une vertu trop sévère).
C. 1. Ca 1165 suivi d'un attribut du suj. (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 19396: Tant com li siegles tient e dure,
Pareistra mais sa sepoulture Riche desci qu'al finement); 1666 (
Molière,
op. cit., II, 4: La géante
paroît une déesse aux yeux);
2. suivi d'un inf. av. 1622
paroistre de + inf. «sembler» (Fr.
de Sales,
Lettres, 229 −XII, 301 −ds
Hug.); 1685
paraître + inf. (
Bossuet,
Oraison funèbre de Anne de Gonzague ds
OEuvres, éd. B. Velat et Y. Champailler, p.149);
3. 1672 suivi d'un adj. numéral indiquant l'âge d'une personne (avec ell. du verbe
avoir) (
Lettre de Mmede La Fayette à Mmede Sévigné, 30 déc. ds
Lettres de Mmede Sévigné, éd. M. Monmerqué, 310, t. 3, p.180: Elle
paraît soixante ans).
II. Empl. comme verbe unipersonnel
A. 1. Ca 1165
i pareisse! «que la chose se voie, qu'il y en ait des marques!» (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 13505: S'onc m'amastes, or
i pareisse!);
ca 1590
il y paroist (
Montaigne,
Essais, I, XX, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p.90); 1690
il y paroist bien; sans qu'il y paroisse (
Fur.);
2. a) fin
xiiies.
bien i pareist que + ind. «il est bien visible que» (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 12135, var. ms. K; 12931, var. ms. K: molt lor
pareist bien [...] que...);
b) 1636
il paroit que + subj. «il semble que, il est visible que» (
Monet, p.634b); 1670
il paroist que + ind. «
id.» (
Racine,
Bérénice, Préf.); 1680, 26 juin
il me paroît que «j'ai la conviction que» (
Sévigné,
Lettres, éd. É. Gérard-Gailly, p.758);
c) 1718
il paraît suivi d'un adj. attribut +
de suivi de l'inf. (
Massillon,
Carême,
Doutes sur la relig. ds
Littré: Il
paraît glorieux de ne rien croire). Du lat. vulg.
parescere, très rarement relevé (
ves.,
Anonym. med., éd. Piechotta ds
Löfstedt, p.58;
viiies. Angleterre ds
Blaise Lat. chrét.), verbe inchoatif formé sur
parere «apparaître, se montrer», au mode impers.
paret «il est patent, il est manifeste». L'a. fr.
paroistre ne semble pratiquement pas att. entre Benoît de Ste-Maure (où l'on relève
paroir à côté de
paroistre) et la 2
emoitié du
.vies.; il est possible que le mot ait été repris à cette époque à la lang. d'oc par l'intermédiaire du Poitou et se soit répandu dans le domaine d'oïl (
FEW t. 7, 647a): a. prov.
pareisser 1145-80 (
Bernard de Ventadour,
Chansons, éd. C. Appel, 24, 2, p.140);
xiies. (
Peire Rogier, éd. C. Appel, I, 1, p.38); fin
xiies. (
Giraut de Borneilh, éd. A. Kolsen, 27, 11 et gloss.). De
parere est issu l'a. fr.
paroir (
ca 1100 «apparaître [en parlant de l'aube]»
Roland, éd. J. Bédier, 2845; 1119 «paraître [+ inf.]»
Philippe de Thaon,
Comput, éd. E. Mall, 2528;
ca 1140
parut «il apparut, on vit clairement [+ interr. indir.]»
Gaimar,
Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 2248), encore relevé au
xvies. (
Cotgr.;
Hug.), évincé à cette époque par
paraître.