GRAS, GRASSE, adj.
Étymol. et Hist. A. Adj.
1. ca 1170 « bien en chair, fort, gros » (
Chr. de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 1805);
2. a) 1
erquart
xiiies. « riche, fait avec de la graisse »
le crasse cuisine (
Renclus de Molliens,
Miserere, éd. A. G. Van Hamel, CXLI, 9);
b) 2
emoitié
xiiies.
gras fromages (
Chr. de Troyes,
Erec, var. ms. H., éd. W. Foerster, 3128);
3. a) xiiies. « de consistance semblable à la graisse, riche, fertile » (
Chron. en prose, Récits d'un ménestrel de Reims ds
Bartsch Chrestomathie, 73, 5 : de voir que la terre est si
crasse)
cf. aussi dès le début
xiiies. au fig. (
Renclus de Molliens,
Charité, 70, 8 ds T.-L. : Prestre n'as pas l'ame assez
crasse);
b) 1478-80
en faire ses choux gras (G.
Coquillart,
Plaidoyer, éd. M. J. Freeman, vers 214);
c) 1478-80
grasses matinees (
Id.,
Enquête, ibid., vers 804);
4. [
xiiies. « qui a beaucoup de graisse, de basse qualité, grossier »
grasses viandes (G.
de Pont-Ste-Maxence,
St Thomas, var. ms. B, éd. E. Walberg, 3617)]; 1401 « grossier, licencieux » (
Lit. remiss. ann. 1401 ex Reg. 156 Chartoph. reg. ch. 447 ds
Du Cange,
s.v. grassus), d'apr. Tabarin, le sens de « licencieux, libre » se rattacherait au sens 5, certains écarts de lang. étant permis
les jours gras (
cf. G.
Raibaud ds
Fr. mod. t. 6, p. 360 et
cause grasse « cause plaidée le mardi gras parce qu'elle porte sur des sujets licencieux »
Est. 1549 et
Ac. 1694);
5. xves.
dimanche gras (
Stat. de l'abb. de Déols, Mél. d'arch. et d'hist. de l'Ecole de Rome, p. 23 ds
Gdf.
Compl.); av. 1538
jours gras (P.
Gringore,
Œuvres complètes, éd. A. de Montaiglon et Ch. d'Héricault, I, 206);
6. av. 1540
parler gras (R.
de Collerye,
Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault, 76);
7. 2
emoitié
xvies. « sali, taché de graisse » (
Amyot,
Nicias, 1 ds
Littré);
8. a) 1676 (d'une pièce de charpente ou d'une pierre de construction) « trop épais » (
Félibien, p. 611);
b) 1775 « épais, d'encrage large » (
infra subst. 3).
B. Subst.
1. ca 1265 « partie grasse, graisse » (
Brunet Latin,
Trésor, 222 ds T.-L.);
2. 1666 « partie charnue »
le gras de la jambe (
Furetière,
Roman bourgeois, éd. Colombey, 78);
3. 1775 « épaisseur d'encrage » (d'un caractère) (
Ms. Anisson, 22188, 188 v
o,
Mémoire sur la fonte des caractères ds
IGLF : Dans les [filets] gras qu'on a employés jusqu'à ce jour, la régularité manque, ils n'ont pas tous le même
gras). Du lat.
crassus signifiant à l'orig. « épais », mais employé comme terme expressif pour signifier « gros »; le terme a évincé
pinguis. La sonorisation de l'initiale, attestée dès le b. lat., est peut-être due elle-même à l'infl. de
grassus.