CE2, CET, CETTE, CES, adj. dém.
Étymol. et Hist. ADJ. A. Sert à indiquer la proximité (p. oppos. à
cil v.
celui, qui indique l'éloignement)
1. valeur dém.
a) désigne ce dont on parle : la proximité est − soit locale 842
cist cas régime second, masc. sing., forme isolée, renforce un adj. poss. (
Serments de Strasbourg ds
Henry Chrestomathie 1, 4); début
xiiies.
ce vostre (
Aymeri de Narbonne, 243 ds T.-L.), encore au
xviiies. : Voltaire cité par
Littré, v. aussi
Guérin 1892; proximité indiquée par un nom de lieu 2
emoitié
xes.
cest cas régime masc. sing. (
Passion, éd. D'A. S. Avalle, 310);
ca 1130
cest désigne celui qui parle (
Gormont et Isembard, éd. A. Bayot, 654), encore employé dans la lang. class. 1643 (
Corneille,
Polyeucte, 169); − soit d'intérêt 1
remoitié
xes.
cest le lecteur est concerné par les paroles de l'auteur (
Jonas, 31 ds
Altfranzösisches Übungsbuch, éd. W. Foerster et E. Koschwitz, p. 58);
ca 1100
ceste cas sujet fém. sing., en rapport avec l'auteur du récit, réflexion de l'auteur (
Roland, éd. J. Bédier, 3489); 1165-74
ceste cas régime fém. sing. concerne l'œuvre elle-même (
Wace,
Chron. ascendante, éd. H. Andresen, 17); − soit temporelle 842
ist cas régime masc. sing. (
Serments de Strasbourg, loc. cit., 1, 2); 1
remoitié
xes.
cist cas régime masc. plur., forme isolée (
Jonas, 30,
loc. cit., p. 54); d'où les loc.
en cest di 2
emoitié
xes. (
Passion, 299);
un de ces jors cas régime masc. plur. 1
remoitié
xiiies. (
Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, 2, 32); indique une situation, des circonstances présentes 1
remoitié
xes.
ceste (
Jonas, 22,
loc. cit., p. 57);
b) désigne ce dont on a parlé 2
emoitié
xes.
ces (
Passion, 349);
c) annonce ce dont on va parler
ca 1170
cest (
Livre des Rois, éd. E. Curtius, IV, XXII, 15);
2. employé avec
cil peut indiquer l'opposition proximité/éloignement
ca 1040
cesta cas régime fém. sing. (
Alexis, éd. Chr. Storey, 612);
3. employé avec les particules :
a) ci indique la proximité 1165-70
cist ... ci cas suj. masc. sing. (
Chr. de Troyes,
Erec et Enide, éd. M. Roques, 5334), v. aussi
cil-ci, celui-ci;
b) la indique l'éloignement 1260-1311
ce ... la (
Auberon, éd. J. Subrenat, 450);
xives.
cest ... la indique une insistance (
Froiss.,
Chr., XI, 32 ds
Mathews,
Cist and cil, Baltimore, 1907, p. 24), la forme démonstrative résidant dans la particule.
B. Peut être déterminé
1. par une relative 1
remoitié
xes.
cest (
Jonas, 32,
loc. cit., p. 58);
2. par
de + subst. 2
emoitié
xiies.
ces (
Dialogue Gregoire, éd. W. Foerster, p. 56, 22);
3. par un adj. 1249 (
J. Sarrazin,
Lettre à Nicolas Arrode, XIX, éd. L. Foulet, p. 9, ligne 12);
4. quand il est évident, le déterminant peut être omis 1268-69 (
Rutebeuf,
Disputaison du croisé et du décroisé, 123-124, éd. E. Faral et J. Bastin, p. 474).
C. 1. Ca 1100 peut prendre la valeur de l'article défini
cez cas régime masc. et fém. plur. (
Roland, 2632);
2. 1670 peut remplacer l'article pour insister davantage (
Molière,
Bourgeois gentilhomme, II, 4);
3. 1672 sert à marquer l'ironie, le mépris (
Id.,
Femmes savantes, II, 8, 631);
4. 1867 indique la surprise avec le sens « quel » (
Meilhac, Halévy,
supra ex. 32).
PRON. A. Valeur démonstrative
1. indique la proximité spatiale, temporelle ou d'intérêt
a) ce dont on parle
ca 1040
cestui cas régime masc. sing. « celui-ci » (
Alexis, 504), v. aussi
Hug., répertorié par les dict., jusqu'à
Lar. 20e, qui indiquent que son emploi est limité au style marotique;
ca 1160
cest pron. dém. neutre (
Eneas, éd. J. Salverda de Grave, 6721);
b) ce dont on a parlé
ca 1100
cist cas sujet masc. plur. (
Roland, 1100);
c) ce dont on va parler début
xiies.
cez (
Lois G. le Conquérant, éd. J. E. Matzke, ligne 1);
d) employé avec
cil peut indiquer une opposition proximité/éloignement
ca 1170
cil ... cist (
Livre des rois, II, XVIII, 26-27);
2. valeur indéfinie 1160-74
cist ... cist (
Wace,
Rou, éd. H. Andresen, 801);
3. employé avec les particules
a) ca 1220
cestui-ci (
Huon de Bordeaux ds
Bartsch Chrestomathie 37, 342);
b) xves.
cestuy la cas sujet masc. sing. (
Chansons du XVes., éd. G. Paris, XCIX, 24), ces particules, le plus souvent employées avec
cestui et
ceste (
Mathews,
op. cit., pp. 22-25) forment des pron. composés répertoriés par les dict. jusqu'à
Lar. 19e, mais qui ne sont plus utilisés que dans le style burlesque (
Trév. Suppl. 1752).
B. Emploi anaphorique
1. ca 1100
chest + rel. (
Alberic de Pisançon,
Alexandre ds
Bartsch Chrestomathie, 7, 24);
2. ca 1130
cist de (
Gormont et Isembard, éd. A. Bayot, 78). Au système du lat. class. comprenant trois démonstratifs
hic (désignant l'objet présent ou celui qui concerne le locuteur),
iste (l'objet intéressant l'allocuteur),
ille (l'objet éloigné) auquel s'ajoutaient
is pron. anaphorique ou de renvoi,
idem pron. d'identité,
ipse pron. adversatif, se trouve substitué vers le
vies. un système simplifié
(iste, ipse, ille), dû à la disparition de
is (en raison de sa brièveté) que remplace
hic auquel se substitue à son tour
iste (
Juvénal, 4, 67 :
iste dies « ce jour [aujourd'hui] »), seul le neutre
hoc subsistant, v.
ce, pron. neutre;
ipse qui perd sa valeur de pron. adversatif sert alors de dém. anaphorique en concurrence avec
iste et
ille (
Vään., p. 128). L'a. fr., peut-être sous l'infl. du frq. (
Wartb. Évol., p. 66), ne retient de ce système que deux dém. marquant l'opposition entre rapprochement (à la fois du locuteur et de l'allocuteur) :
cest (<
ecc(e) istum) et éloignement (ce qui concerne la personne non présente, la 3
epers.) :
cel (<
ecc(e) illum, v.
celui). À côté de
cist (cas suj. sing. masc.
cist <
eccísti; cas régime sing. masc. et neutre
cest <
eccístum; cas suj. et cas régime fém.
ceste <
eccísta; cas régime second masc.
cestui < *
eccistúi; cas régime second fém.
cesti < *
eccistę́i), on relève la forme
ist (non appuyée sur
écce) et la forme
icist qui semble provenir de l'adv.
i <
hic p. ext. anal. à partir de l'adv.
ici <
híc ecce hīc (
G. Moignet,
Gramm. de l'a. fr., Paris, Klincksieck, 1973, p. 43). Les formes fléchies de
cist sont susceptibles d'être employées comme adj. et pron.; leur spécialisation à l'emploi adj. semble postérieure au
xvies. L'évolution qui mène au système moderne de l'adj. dém. (sing. masc.
ce/cet, fém.
cette; plur.
ces) est complexe. D'apr.
A. Dees,
Étude sur l'évolution des dém. en a. et m. fr., Groningue, 1971, le point de départ est la rencontre des deux adj.
ces, issu de
cez (cas régime masc. sing. de
cist) et
ces issu de
cels (cas régime masc. plur. de
cil) qui introduit un nouveau type d'adj. dém. ne reposant pas sur la distinction proximité/éloignement, et qui s'étend p. anal. au fém. (d'où le système des adj. dém. : − masc. sing. cas suj.
cist/cil, cas régime
cest/cel; plur. cas suj.
cist/cil, cas régime
ces, − fém. sing. cas suj., cas régime
ceste/cele; plur. cas suj. cas régime
ces). L'apparition fin
xiies.-début
xiiies. en position préconsonantique d'une forme analogique
ce entraîne dans la 1
remoitié du
xives. la disparition des adj.
cest et
cel dans cette même position. À la suite de la substitution des formes du cas régime à celles du cas suj. à partir du dernier quart du
xiiies.,
cist et
cil disparaissent. Enfin, entre le milieu du
xives. et la fin du
xves., étant donné la fréquence des formes indifférenciées
ces et
ce, le fr. renonce à la distinction entre adj. exprimant la proximité et adj. exprimant l'éloignement et abandonne de ce fait les adj.
cel et
cele, aboutissant au système mod. À partir de cette date, l'emploi des adv.
-ci et
-là devient plus courant pour exprimer les notions de proximité et d'éloignement que ne pouvaient plus par eux-mêmes exprimer les adj. Pour l'évolution de
cist pron. et l'aboutissement au système mod. des pron. dém. v.
celui.