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ABSOLU, UE, adj. et subst.
I.− Empl. adj.
A.− [Dans le domaine de la pensée relig. ou profane, de l'art, de l'expr. litt., etc.] Dont l'existence ou la réalisation ou la valeur est indépendante de toute condition de temps, d'espace, de connaissance, etc. Anton. relatif :
1. ... toutes nos connaissances ne sont toujours que celles de nos manières d'être et des lois qui les régissent, qu'elles sont toujours relatives à nos moyens de sentir, qu'elles ne sauraient jamais être absolues et indépendantes de ces moyens, et que tous ceux qui se proposent de pénétrer la nature intime, l'essence même, des êtres, abstraction faite de ce qu'ils nous paraissent, veulent une chose tout-à-fait impossible et absolument étrangère à notre existence et à notre nature, puisque nous ne pouvons pas même savoir, si les êtres ont une seule qualité autre que celles qui nous apparaissent. A.-L.-C. Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie, Logique, 1805, p. 195.
2. Le 26, j'ai eu un de ces bons moments où je sentais tout ce qu'il y a de misérable dans nos intérêts relatifs et la nécessité, le besoin qu'a toute âme un peu élevée de se rattacher à quelque chose d'absolu qui ne change pas; mais nous ne pouvons nous défaire de ce fonds de passivité qui nous fixe dans le relatif, et fait que nous passons d'une modification à une autre. Maine de Biran, Journal,1818, p. 114.
3. La vérité n'appartient à personne; elle est universelle, absolue; les hommes ont besoin de la chercher, de la professer en commun. F. Guizot, Hist. générale de la civilisation en Europe,1828, p. 8.
4. La religion, à une époque quelconque, n'est donc pas la vérité absolue, mais seulement la vérité relative, la vérité telle que les hommes à cette époque pouvaient la concevoir. Elle ne peut jamais être le mensonge, mais elle n'est pas toute la vérité. P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 491.
5. Oui, Monsieur, j'ai longtemps cherché l'art absolu! O délire! O folie! Regardez ce front ridé par la couronne de fer du malheur! Trente ans! Et l'arcane que j'ai sollicité de tant de veilles opiniâtres, à qui j'ai immolé jeunesse, amour, plaisir, fortune, l'arcane gît, inerte et insensible, comme le vil caillou, dans la cendre de mes illusions! Le néant ne vivifie point le néant ». A. Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 59.
6. Si la vérité n'est pas un vain nom, elle n'est dans l'univers qu'à l'état d'expression, et dans notre esprit qu'à l'état d'apparition; elle est dans l'univers comme l'artiste dans son œuvre, elle est dans notre esprit comme le soleil dans nos yeux. Mais par delà l'univers et notre esprit, elle subsiste en elle-même, elle est une essence réelle, infinie, éternelle, absolue, existant par soi, ayant conscience et intelligence de soi; car, comment la vérité ne s'entendrait-elle pas elle-même, puisqu'elle est la source de tout entendement? Or, dire cela de la vérité, c'est définir Dieu; Dieu est le nom propre de la vérité, comme la vérité est le nom abstrait de Dieu. H.-D. Lacordaire, Conférences de Notre-Dame,1848, p. 26.
7. Où donc est l'être? Où est ce qui est? Ah! Je le pressens déjà, et même je le sais. L'être est l'unité absolue, éternelle, infinie, la pluralité sans division, l'océan sans rivages, le centre sans circonférence, la plénitude qui se contient elle-même, la forme sans figure; le tout enfin, hors de quoi tout ce qui est n'est plus qu'un fait et un don. Mais en disant cela, messieurs, qui ai-je nommé? J'ai nommé celui qui a dit de lui-même : ego sum, qui sum, − je suis celui qui suis. J'ai nommé celui qui a dit encore : ego sum veritas, − je suis la vérité. J'ai nommé Dieu. Voilà l'être, et voilà la vérité. Dieu seul est la vérité, parce que seul il est l'être... H.-D. Lacordaire, Conférences de Notre-Dame,1848p. 130.
8. L'esprit humain est organisé pour percevoir, dans l'espace et dans la durée, des rapports qui existent effectivement hors de lui et indépendamment de lui. Il pénètre ainsi dans la réalité, mais dans une realité relative, phénoménale, dont la connaissance suffit aux besoins et au rôle de l'homme dans le monde. Lorsqu'il est tenté de l'outrepasser et d'ériger cette réalité relative en réalité absolue, il cède sans doute à un penchant de sa nature, mais ce penchant le trompe, et la raison l'en avertit, en lui montrant des abîmes sans fond et des contradictions sans issue. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 227.
9. ... « Penses-tu quelquefois à la mort? dit Gérard. − Quand je suis heureux; jamais quand je souffre. − S'il n'y avait que le dernier moment, dit Gérard, qu'importe! Mais c'est la fin qui est triste et déplaisante; penser que tous les gens qui vous regrettent vous auront oublié dès le lendemain! S'en aller en se voyant fumer comme la mèche d'une chandelle, petit à petit, et avec plus de douleur que la chandelle! − Est-ce l'inconnu qui te fait peur? dit Thomas. − Oh! L'inconnu, je ne m'en inquiète guère... je crois à un néant absolu. Nous servons à fumer des terres : voilà ce qu'il y a de plus clair pour moi. Champfleury, Les Aventures de Mademoiselle Mariette,p. 1853, p. 240.
10. Il n'est pas dans la nature du droit d'être absolu et immuable; il se modifie et se transforme, comme toute œuvre humaine. Chaque société a son droit, qui se forme et se développe avec elle, qui change comme elle, et qui enfin suit toujours le mouvement de ses institutions, de ses mœurs et de ses croyances. N.-D. Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864p. 399.
11. De la naïveté gothique, il [Raphaël] parvient, en quelques années, à ce faîte de l'art, à cette perfection absolue après laquelle il n'y a plus que décadence. T. Gautier, Guide de l'amateur au musée du Louvre,1872, p. 30.
12. C'est l'à-peu-près remplacé par l'exactitude, la courbe irrégulière par le cintre absolu, l'angle douteux par la diagonale parfaite... E. Leclerc, Nouveau manuel complet de typographie historique,1897, p. 352.
13. La science, chaque jour, traque le hasard, le grignote, et nous prouve que ce n'était que le nom de notre myopie. Les lois identiques qu'on découvre dans la gravitation des mondes et dans le mouvement des atomes suffiraient à me faire croire à Dieu. Le hasard au sens d'une marge de liberté cosmique, et gratuite, entre des éléments stables, n'existe pas. Ou bien il faut tenir l'univers pour l'expression de l'incohérence absolue, sans fissure, l'incohérence roulant sur elle-même, sans raison, ni but, plus aveugle, plus absurde que la fatalité antique, l'incohérence pour l'incohérence, en tout et toutes choses, des astres, de la terre, de l'herbe, de l'âme... ou bien il faut croire! M. Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 173.
B.− [En parlant de la manière d'exercer l'autorité pol., mor., intellectuelle, etc.] Qui n'admet aucune limitation dans son exercice ou ses manifestations.
1. POL. Pouvoir absolu. Chef, roi, souverain, monarchie, gouvernement, despotisme absolus... D'une manière gén. se dit d'un chef d'État qui dicte les lois, et ne connaît d'autres limites que les siennes propres. Par suite, se dit de son pouvoir :
14. Je sais comme vous, interrompis-je, que les rois, en général, ne se croient grands et puissans qu'autant qu'ils sont absolus, c'est-à-dire despotes. Charlemagne reçut la couronne avec une autorité sans bornes; il eut assez de génie et de grandeur d'âme pour sentir qu'un pouvoir arbitraire est aussi fragile qu'illégitime; il voulut ne régner que par les lois; il falloit les faire, il n'en existoit point : lui seul, dans ses vastes états, étoit capable de composer ce grand ouvrage... Mmede Genlis, Les Chevaliers du cygne,t. 1, 1795, p. 176.
15. Un pouvoir absolu est un polype; s'il se scinde par une concession, il a créé deux pouvoirs; c'est semer la guerre là où était la paix. Un pouvoir ne concède donc que par force; or, on a toujours le droit d'abolir par ruse une concession, quand elle a été arrachée par la violence. H. de Balzac, Physiologie du mariage,éd. pré-originale, 1826, p. 138.
16. ... Jolibois est commissaire-général de la république dans l'Ouest. C'est un franc patriote; je le savais bien, et je l'aimais. Vous m'avez brouillé avec lui, et maintenant si nous retournons en Bretagne, notre liberté, notre vie, sont à sa merci. Ses pouvoirs sont illimités, son autorité absolue. Il dispose en dictateur de l'armée, de la magistrature : il est la loi vivante. J. Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 47.
17. rabagas. − Oh! Bien, mes enfants! C'est bien simple!... Si vous me refusez le pouvoir absolu, comment diable voulez-vous que je fonde la liberté? V. Sardou, Rabagas,1872, IV, 9, p. 193.
18. ... je rêvais du pouvoir absolu, celui qui fait mettre genoux à terre, qui force l'adversaire à capituler, le convertit enfin, et plus l'adversaire est aveugle, cruel, sûr de lui, enseveli dans sa conviction, et plus son aveu proclame la royauté de celui qui a provoqué sa défaite. A. Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1579.
2. P. anal. [En parlant d'une pers. et plus spéc. de son caractère] :
19. Absolu, caractère que les hommes haïssent, et que les femmes semblent chérir dans un amant, parce qu'il fait excuser leurs faiblesses. Sticoti, Dict. des gens du monde,1818.
20. L'esprit des enfants est absolu, parce qu'il est borné. Les questions, n'ayant pour eux qu'une face, sont toutes simples; en sorte que la solution en paraît aussi facile qu'évidente à leur intelligence plus droite qu'éclairée. C'est pour cela que les plus doux d'entre eux disent parfois des choses dures, que les plus humains tiennent des propos cruels. R. Toepffer, Nouvelles genevoises,La Bibliothèque de mon oncle, 1839, p. 69.
21. Émilie devenait plus absolue et plus dure même, dans sa tendresse; Henry de jour en jour se sentait dominé par elle; elle lui commandait et il obéissait, éprouvant du plaisir à se laisser aller aux mains de cette femme, dont l'amour, chaque jour plus fort, l'envahissait comme une conquête. G. Flaubert, La Première éducation sentimentale,1845, p. 145.
22. Il enveloppait dans une sorte de foi aveugle et profonde tout ce qui a une fonction dans l'État, depuis le premier ministre jusqu'au garde champêtre. Il couvrait de mépris, d'aversion et de dégoût tout ce qui avait franchi une fois le seuil légal du mal. Il était absolu et n'admettait pas d'exceptions. V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 213.
23. Ne craignons point de passer pour un esprit grossier, absolu, ignorant des nuances. Il n'y a pas de nuances qui tiennent. Douter et railler ainsi, c'est simplement nier; et ce nihilisme, si élégant qu'il soit, ne saurait être qu'un abîme de mélancolie noire et de désespérance. J. Lemaitre, Les Contemporains,1885, p. 207.
24. Une décision brusque, qu'il avait déjà prise si souvent, envahit Jacques : tuer Roubaud, pour ne pas la tuer, elle. Cette fois, comme les autres, il crut en avoir la volonté absolue, inébranlable. É. Zola, La Bête humaine,1890, p. 249.
25. Assis de travers sur un tabouret, Gaspard regardait les flammes faire les folles devant la plaque encroûtée de suie. Anne-Marie voyait bien qu'il lui en voulait de n'avoir pas parlé plus tôt de cette lettre. Elle le connaissait absolu, piqué pour un rien, sensible aux mouches. Mais elle s'était fait doublement scrupule d'en prendre conseil en un pareil débat. Cela, le comprenait-il? En souffrait-il? H. Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 164.
26. On nous avait réclamé notre vie, notre jeunesse, nos amours, nos espoirs, nos forces, nos années. Quoi encore? La guerre à peine finie, un autre monstre surgissait, avec son dossier d'exigences qui n'étaient plus les mêmes, qui étaient contraires aux précédentes, mais tout aussi impérieuses, absolues, catégoriques et mortelles. L'individu s'est cabré. Il rapportait de la guerre l'horreur des grandes abstractions sanguinaires. Il ne croyait plus à rien, si ce n'est en sa propre existence. La Révolution l'appela à un nouvel acte de foi. Elle lui présenta un nouveau dogme et voulut qu'il abdiquât sans retard devant lui. J.-R. Bloch, Destin du siècle,1931, p. 295.
3. P. ext. [En parlant d'un ton, d'une conviction, d'un sent.] :
27. Le ton dont l'étranger répéta sa demande fut si absolu, si ferme, si glacial que tous les plaisants, déjà groupés autour de lui, se regardèrent comme pour se demander quel était cet homme, dont la voix et le geste commandaient la crainte. G. Sand, Lélia,1833, p. 241.
28. ... les sentiments sont absolus ils sont entiers ou ne sont pas, ils sont infinis, sans bornes... H. de Balzac, Correspondance,1836, p. 35.
29. « − Il est souffrant, reprend De Musset. − Ce ne sera pas une grande perte! » Un mot qu'elle a jeté de façon à laisser voir en elle une sécheresse et une implacabilité, nette et absolue, terrible. E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1863, p. 1222.
30. Comme cette fois-ci, c'étaient deux poètes qui se présentaient en même temps à l'académie, l'un qui s'appelle Autran, l'autre Théophile Gautier, et que l'académie a choisi Autran, ma conviction absolue sans appel, est que l'académie est composée en majorité de crétins ou de véritables malhonnêtes gens : je la laisse choisir. E. et J. de Goncourt, Journal,mai 1868, p. 428.
31. Pour Christophe, son amour prenait la forme de cette soif de tendresse, impérieuse, absolue, qui le brûlait depuis l'enfance, qu'il réclamait des autres, qu'il eût voulu leur imposer, de gré ou de force. Par moments, se mêlaient à ce désir despotique d'un sacrifice entier de soi et des autres, − surtout des autres, peut-être, − des bouffées de désir brutal et obscur, qui lui donnaient le vertige et qu'il ne comprenait pas. R. Rolland, Jean-Christophe,Le Matin, 1904, p. 197.
32. ... avant même la prison provisoire, il avait su que May n'était pas arrêtée. Katow était couché sur le côté, tout près de lui, séparé par toute l'étendue de la souffrance : bouche entr'ouverte, lèvres gonflées sous son nez jovial, les yeux presque fermés, mais relié à lui par l'amitié absolue, sans réticences et sans examen, que donne seule la mort : vie condamnée échouée contre la sienne dans l'ombre pleine de menaces et de blessures, parmi tous ces frères dans l'ordre mendiant de la révolution : chacun de ces hommes avait rageusement saisi au passage la seule grandeur qui pût être la sienne. A. Malraux, La Condition humaine,1933, p. 403.
33. ... il y avait, entre eux, l'enivrante complicité de leur amour; de cet amour qu'ils voulaient absolu, mystérieux, sans précédent, unique, − unique surtout; et tel que personne, hormis eux n'en pouvait pénétrer le caractère exceptionnel! R. Martin du gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 656.
4. Qqf. péj. [En parlant d'une conduite, d'une attitude mentale, d'une situation hum., etc.] Total jusqu'au paroxysme :
34. Il a reçu hier votre lettre, celle où, sans lui parler directement de votre femme, vous la lui peignez à chaque page gaie et tranquille. J'ignore l'effet que ces nouvelles ont produit sur lui, il ne m'en a rien dit, j'observe seulement que son regard est plus sombre, et son silence plus absolu : il concentre toutes ses sensations en lui-même rien ne perce, rien ne l'atteint, rien ne le touche. MmeCottin, Claire d'Albe,préf., 1799, p. 203.
35. C'est le fond de ce glacier surtout qui est effrayant. Il semble que ce soit là les bornes du monde. Il donne l'idée de ces effroyables glaciers du pôle au delà desquels il n'y a plus rien. Jamais les idées de stérilité, d'isolement absolu, de terreur, ne m'ont frappé avec autant de puissance que dans ce lieu. Tout y est immobile, tout y est mort; c'est le tombeau de la nature. Ch.-J. de Chênedollé, Extraits du journal,1820, p. 104.
36. Ton idée était tendre de vouloir nous unir dans un livre; elle m'a ému; mais je ne veux rien publier. C'est un parti pris, un serment que je me suis fait à une époque solennelle de ma vie. Je travaille avec un désintéressement absolu et sans arrière-pensée, sans préoccupation ultérieure. Je ne suis pas le rossignol, mais la fauvette au cri aigre qui se cache au fond des bois pour n'être entendue que d'elle-même. Si un jour je parais, ce sera armé de toutes pièces; mais je n'en aurai jamais l'aplomb. G. Flaubert, Correspondance,1846, p. 233.
37. ... la solitude morale était profonde, absolue, elle eût été mortelle à une âme tendre et à une jeunesse encore dans sa fleur, si elle ne se fût remplie d'un rêve qui avait pris l'importance d'une passion, non pas dans ma vie, puisque j'avais sacrifié ma vie au devoir, mais dans ma pensée. Un être absent avec lequel je m'entretenais sans cesse, à qui je rapportais toutes mes réflexions, toutes mes rêveries, toutes mes humbles vertus, tout mon platonique enthousiasme... G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 52.
38. − Parbleu! Kervolen est à une lieue de Saint-Malo. Tu sais bien que, désormais, Baccarat a en moi une confiance absolue, sans bornes. P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 3, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 423.
39. Depuis trois jours, il n'a pas paru un rayon de soleil. Le ciel est gris, sans nuages, immobile. La pluie tombe sans discontinuer. Un silence absolu. Pas une seule visite. G. Flaubert, Correspondance,1875, p. 245.
40. − Ce qui me stupéfie peut-être plus encore, fit Durtal, c'est lorsque je songe à la qualité d'obéissance qu'on doit exiger d'elles. Comment une créature douée de volonté peut-elle s'anéantir à un tel point? − Oh! dit l'abbé, l'obéissance est la même dans tous les grands ordres; elle est absolue, sans réticences; la formule en a été excellement résumée par Saint Augustin. Écoutez cette phrase que je me rappelle avoir lue dans un commentaire de sa règle : « on doit entrer dans les sentiments d'une bête de charge et se laisser conduire comme un cheval et un mulet qui n'ont point d'entendement ou plutôt, afin que l'obéissance soit encore plus parfaite, parce que ces animaux regimbent sous l'éperon, il faut être, entre les mains du supérieur, comme une bûche et un tronc d'arbre qui n'a ni vie, ni mouvement, ni action, ni volonté, ni jugement. » Est-ce clair? − C'est surtout effarant. J.K. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 187.
41. − Je me fais mal comprendre, riposte le futur chanoine, enragé de conciliation. Sans doute, un esprit comme le vôtre se fait... de la vie future... une autre image... probablement... que le commun de nos fidèles... mais je ne puis croire que... votre haute intelligence... accepte sans révolte... l'idée d'une déchéance absolue, irrémédiable, d'une dissipation dans le néant. Les derniers mots s'étranglent dans sa gorge, tandis qu'il implore des yeux, avec une émouvante confusion, l'indulgence, la pitié du grand homme. G. Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 290.
42. La vie psychique, c'est encore la vie − je veux dire une manœuvre sournoise, ignoble, contre la pureté, la majesté de la mort. On a beau rêver le froid, le blanc... Tenez! Mieux encore : la nuit sidérale, impolluée, le noir absolu, lisse, vide, stérile... Hélas! Les espaces interstellaires sont eux-mêmes fécondés, la lumière froide transporte le germe d'un ciel à l'autre, le berce au rythme absurde de cinq cents milliards de vibrations par seconde sans le tuer. Ni le froid, ni le chaud n'auront raison de l'abjecte sécrétion de la vie, un dieu ne réussirait pas à cautériser d'un coup, à la fois, tous les points de suppuration... Le prix inestimable que j'attache... G. Bernanos, La Joie,1929, p. 642.
43. − Je vous demande bien entendu le secret à l'égard de tout le monde. Un secret total. Absolu. Pour personne au monde vous ne savez rien. J. Malègue, Augustin ou le Maître est là,t. 2, 1933, p. 250.
44. Feuillebois oubliait toute modération. Sa main libre s'abattit sur l'épaule de Samuel qui fléchit. Et il cria : − Hein? Victorieuse? Pourquoi elle sera victorieuse? Hé, bon dieu, parce que... parce que c'est la France! C'était absurde peut-être, ça n'avait aucun sens, ce cri puéril, cette exclamation de fanatisme. Et cela dénotait pourtant une telle force irrésistible de conviction, une telle foi absolue et aveugle, un tel amour, un tel idéal de toute une vie chez ce vieil instituteur, que les Fontcroix ne trouvèrent plus rien à dire. M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 207.
45. − Le Ritz. « On ne saurait mieux dire », murmurait Proust, qui eut toujours pour cet établissement une tendresse mêlée de curiosité. Il aimait, lui si expansif et la plus noble règle des hôtels : la discrétion. Discrétion absolue, obturée au ciment armé, et du type « rien à faire ». Il avait été profondément intéressé aussi, un soir, par le métier d'hôtelier, qu'il trouvait un des plus humains de tous et le mieux fait pour recueillir, palpitant, sincère et précis, le secret des êtres. On ne dit la vérité, paraît-il, qu'au médecin et à l'avocat. La sagesse des nations aurait pu ajouter : et à l'hôtelier. L.-P. Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 209.
C.− Emplois techn.
1. Ne dépendant que de repères intrinsèques :
MATH. Valeur absolue. Se dit d'une quantité considérée indépendamment de son signe algébrique.
P. ext. En soi :
46. ... l'âme de Mozart, infiniment sensible à la valeur passionnelle et confidentielle des sons, l'est davantage encore à leur valeur intrinsèque, absolue. H. Ghéon, Promenades avec Mozart,1932, p. 324.
Syntagmes : Calcul différentiel absolu (Lar. encyclop.), nombre premier absolu (Lar. 3).
MÉCAN. Mouvement absolu d'un point, rapporté à des repères. Anton. mouvement relatif, rapporté à des repères mobiles :
47. Qu'est-ce que le mouvement absolu, sinon un mouvement supposé indépendant de toute déformation? R. Ruyer, Esquisse d'une philosophie de la structure,1930, p. 59.
MÉTROL. Appareil absolu. ,,Instrument de mesure dont les constantes peuvent être déterminées par des mesures ne portant que sur les grandeurs fondamentales : électromètre absolu.`` (Lar. encyclop.). Système d'unités absolues (Uv.-Chapman1956, s.v. système).
2. Dont la mesure dépend d'un seuil ou de normes connues :
ASTRON. Équation absolue. ,,Est la somme de deux équations, de l'excentrique, et de l'optique.`` (Trév. 1771).
GÉOMORPHOLOGIE. Altitude absolue :
48. Les formes du relief se caractérisent par leur altitude absolue et plus encore par leur altitude relative. L'altitude absolue se mesure au-dessus (ou au-dessous) d'un zéro qui est ordinairement le niveau de la mer. De ce point de vue, on distingue bas-pays et haut-pays avec un degré intermédiaire. L'altitude relative s'exprime par la différence d'altitude entre points hauts et points bas voisins. Baulig1956.
HYGROMÉTRIE. Humidité absolue. Nombre de grammes de vapeur d'eau par mètre cube d'air. (Attesté ds Rob.).
OPT. Indice absolu :
49. On appelle indice absolu d'une substance pour une radiation donnée son indice par rapport au vide. Il est égal au rapport de la vitesse C de la lumière dans le vide à la vitesse V de propagation de la radiation donnée dans le milieu considéré. Quillet1965.
PHYS. Dilatation absolue d'un liquide. ,,C'est la dilatation réelle d'un liquide, par opposition à sa dilatation apparente qui dépend du vase qui le contient. Le coefficient de dilatation absolue est égal à la somme du coefficient de dilatation apparente du liquide et du coefficient de dilatation cubique de son enveloppe.`` (Uv.-Chapman 1956, s.v. dilatation).
Échelle thermodynamique absolue de température. ,,Échelle Kelvin. Échelle de température indépendante des propriétés physiques de telle ou telle substance; est définie en fonction des échanges de chaleur dans un cycle de Carnot idéal.`` (Uv.-Chapman 1956, s.v. échelle).
Température absolue. ,,Température mesurée d'après l'échelle thermodynamique absolue ou échelle Kelvin.`` (Uv.-Chapman 1956, s.v. température).
Zéro absolu. ,,Le zéro de l'échelle thermodynamique absolue : la température la plus basse qu'il soit théoriquement possible d'atteindre.`` (Uv.-Chapman 1956, s.v. zéro).
Spéc., POL. Majorité absolue. ,,Réunit la moitié plus un des suffrages exprimés ou, dans certains cas, la moitié plus un des membres composant une assemblée, un corps électoral.`` (Attesté ds Rob.).Une var. La pluralité absolue :
50. Ceux qui auront réuni la pluralité absolue, c'est-à-dire un nombre supérieur à la moitié de la totalité des électeurs, seront élus. Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 335.
3. Dont le pouvoir ou l'efficacité sont sans limites :
ARM. Arme absolue. ,,Arme contre laquelle aucune défense n'est possible.`` (Lar. encyclop. Suppl.).
DR. Nullité absolue d'un acte. ,,Selon que la règle dont la violation motive la nullité a pour but de protéger l'intérêt général ou un intérêt privé, la nullité est absolue ou relative.`` [Ripert, Boulanger, t. 1, no632, t. 2, no704 (Nouveau répertoire de droit, Paris, Dalloz, t. 3, 1964, s.v. nullité, art. 3, 14)].
ROUTIÈRE, FERROVIAIRE. Bloc absolu. ,,Système de signalisation par bloc manuel ou automatique, dans lequel le sémaphore fermé ne doit être franchi en aucun cas.`` (Lar. encyclop.).
Signal d'arrêt absolu :
51. ...les signaux d'arrêt absolu commandent l'arrêt immédiat et ne doivent pas être franchis. Bricka, Cours de chemin de fer,t. 2, 1894, p. 138.
Signal de prescription absolue. Obligation formelle pour les usagers de se conformer à tel ou tel signal.
4. [En parlant des produits d'un traitement épurateur] Pur, sans mélange :
CHIM. Alcool absolu, huile absolue. ,,Terme adopté pour exprimer qu'un corps est considéré comme pur ou dégagé de toute association avec un autre corps, le plus souvent l'eau.`` (Privat-Foc. 1870).
PARFUMERIE. Essences absolues. ,,Essences fournies par traitement des essences concrètes florales par l'alcool éthylique.`` (Lar. encyclop.).
TEXT. Poids absolu. ,,Dans le conditionnement des produits textiles, poids des matières totalement anhydres, qui sert de base au calcul du poids conditionné, obtenu après réincorporation d'un pourcentage forfaitaire d'humidité, égal au taux de reprise de la matière considérée.`` (Lar. encyclop.).
Spéc., subst., COMM. Laine dégraissée à l'absolu. ,,On dit d'une laine ayant subi le dégraissage et le séchage qu'elle est à l'absolu.`` (Lar. 20e).
5. Emploi partic., THÉOL. La rémission absolue des péchés. ,,Se dit de la rémission des péchés par le prêtre catholique, au lieu que les protestants veulent que cette rémission soit simplement ministérielle et déclaratoire.`` (Besch. 1845).
D.− GRAMMAIRE
1. P. oppos. à dépendant
a) Forme absolue. Forme phon. non altérée du mot, pris hors de son cont. :
52. Une forme absolue est la forme détachée du contexte, exempte des altérations qu'elle peut subir du fait du sandhi. Mar. Lex.1951.
53. Forme absolue, forme d'un mot prise indépendamment des modifications phonétiques qu'elle peut subir dans la phrase... Lar. encyclop.1964.
Ablatif absolu. GRAMM. LAT. Ablatif ,,employé d'une manière autonome et sans préposition, comme une proposition raccourcie...`` (Ern-Th. 1959, § 126).
GRAMM. FR. Peu usité, p. anal. avec la gramm. lat. Désigne le groupe part. en constr. abs. (cf. inf. construction absolue) :
54. A l'égard du françois, nous n'avons point d'ablatif absolu, puisque nous n'avons point de cas : mais nous avons des façons de parler absolues, c'est-à-dire, des phrases où les mots, sans avoir aucun rapport grammatical avec les autres mots de la proposition dans laquelle ils se trouvent, y forment un sens détaché qui est un [sic] incise équivalent à une proposition incidente ou liée à une autre, et ces mots énoncent quelque circonstance ou de temps ou de manière, etc. la valeur des termes et leur position nous font entendre ce sens détaché. C.-C. du Marsais, Gramm.1789, s.v. ablatif.
55. L'« ablativus absolutus », c'est-à-dire la « construction absolue », du type : Réflexions faites, je ne le ferai pas où le mot faites est le prédicat de réflexions, avec verbe copule implicite (...). [Dans cette phrase] la construction absolue est un complément adverbial circonstanciel, mais « sujet de phrase ». De Boer1954, §§ 36-37.
Construction absolue. Se dit d'un participe* (ou de l'ensemble d'un groupe part.) ayant un suj. propre n'entrant dans aucun des syntagmes de la phrase dont il fait partie : eux repus, tout s'endort.
Participe* absolu. Forme part. du verbe entrant dans le syntagme en constr. abs. :
56. Le participe absolu est le verbe d'une proposition distincte, dite proposition participe, et a un sujet qui lui est propre (...) : sa leçon récitée, l'élève s'assit. G. Cayrou, P. Laurent, M.-J. Lods, Le Français d'aujourd'hui, grammaire du bon usage,Paris, Colin, 1949, p. 447.
57. Le sujet de la proposition principale ne peut être le même que celui du participe absolu. On ne dirait pas : la ville prise, elle fut incendiée par les soldats; on dirait, avec une proposition participe ordinaire : Une fois prise, la ville fut incendiée par les soldats. Grev.1964, § 803.
Proposition absolue. Vx. Prop. indép. :
58. Lorsqu'une proposition est telle, que, l'esprit n'a besoin que des mots qui y sont énoncés pour en entendre le sens, nous disons que c'est là une proposition absolue ou complette... Du Mars.1797, p. 48.
59. Lorsque la proposition principale forme une phrase à elle seule, on l'appelle quelquefois proposition absolue... Noel-Chapsal1899, p. 451.
Proposition participe absolue : cf. sup. ablatif absolu, construction absolue :
60. Le participe (présent ou passé) peut s'employer en construction absolue avec un sujet propre : il sert alors à former une proposition participe absolue, qui équivaut à une proposition circonstancielle et qui reste grammaticalement indépendante de la proposition principale... Grev.1964, § 803.
b) P. ext. Emploi absolu. Se dit d'un élément de syntagme qui n'a pas l'expansion attendue et qui habituellement est en rel. de dépendance avec lui.
Verbe trans. sans compl. d'obj. : il cherche.
61. Verbe employé au sens absolu, c'est-à-dire employé sans complément d'objet : Tais-toi et mange. Mange est ici employé au sens absolu parce qu'il n'est lié à aucun complément d'objet : ... Dagn.1965, p. 8.
Compl. circ. réduit à la prép. qui fonctionne dans ce cas comme adv. : lutter contre.
Verbe absolu :
62. Verbe absolu; qui peut être employé sans complément;... Besch.1845.
2. P. oppos. à relatif
a) Mode absolu. Mode indicatif, p. oppos. aux modes subjonctif, conditionnel et impératif (expr. anal. de temps absolu) :
63. ... mode absolu, qui exprime un fait sans condition, sans dépendance;... Besch.1845.
b) Superlatif absolu. Superlatif marquant le haut degré d'un mot qualificatif sans réf. à un autre terme qualifiable par le mot. Le superlatif absolu (p. oppos. au superlatif relatif) se construit sans compl. introd. par de :
64. Le superlatif est absolu quand il indique la qualité à un très haut degré, sans comparaison... Gramm. Ac.1932, p. 86.
c) Temps absolu. Selon la terminologie traditionnelle, temps verbal qui signifie que le procès est situé par rapport au prés. du locuteur. On classe gén. dans cette catégorie le présent, le passé simple, le futur simple, qqf. aussi le passé composé lorsqu'il est un substitut du passé simple :
65. ...temps absolu, qui exprime l'époque du fait, sans rapport avec un événement antérieur ou postérieur;... Besch.1845.
66. ... le présent, le futur et le prétérit sont des temps absolus, qui peuvent s'employer dans la proposition simple, parce qu'ils sont capables d'exprimer une idée temporelle absolument complète; l'imparfait et le conditionnel sont, au contraire, des temps relatifs, qui ne se présentent en général que dans la proposition composée, parce que leur propriété essentielle est de se rapporter à une autre idée de temps. Tous les temps composés, sauf le parfait, sont des temps relatifs. Ayer1900, § 196.
67. Les événements rapportés dans le discours sont datés tantôt par rapport au moment de la parole, tantôt par rapport au moment d'un autre événement (daté lui-même presque toujours par rapport au moment de la parole); on peut donc, en faussant le sens du mot absolu, parler de dates absolues et de dates relatives; mais il n'y a pas dans le verbe français de tiroirs adaptés spécialement les uns à la chronologie absolue, les autres à la chronologie relative... H. Yvon, Aspect du verbe et présentation du procès, Fr. mod.,t. 19, 1951, p. 276.
Plus rarement, on appelle temps absolu, un temps verbal qui peut s'employer dans une proposition simple parce qu'il exprime ,,une idée absolument complète du temps``; en revanche, les ,,temps relatifs`` ne s'emploieraient gén. que dans la phrase complexe (cf. sup. ex. 66).
d) Spéc. Comparatif absolu. Sans référence à un repère externe :
68. [Comparatif absolu] indépendant de toute comparaison précise (...) assez grand;... Mar.Lex.1951, s.v. comparaison.
II.− Empl. subst. L'absolu. Considéré comme un idéal de perfection ou comme hors d'atteinte pour l'homme :
69. ... si l'idée infini, de parfait, d'unité, d'absolu conduit directement à Dieu, et si cette idée est donnée par la raison et non par l'expérience, elle ne nous est pas donnée indépendamment de toute expérience, puisque la raison ne nous la donnerait jamais sans l'idée simultanée ou antérieure de fini, d'imparfait, de multiple, de contingent, laquelle dérive de l'expérience; seulement cette donnée expérimentale est plutôt interne qu'externe; elle est empruntée à la conscience et non aux sens... V. Cousin, Hist. de la philosophie du 18esiècle,t. 2, 1829, p. 534.
70. Kant s'était proposé de démontrer l'impossibilité de passer légitimement de la description des lois et des formes de l'entendement à des affirmations sur la manière d'être des choses en elles-mêmes; il avait surtout réussi à prouver catégoriquement que l'absolu nous échappe; et après lui, tous les efforts des métaphysiciens ont eu pour but ce qu'ils appellent le passage du subjectif à l'objectif, et la compréhension de l'absolu. On s'est épuisé en analyses toujours subtiles, souvent obscures, quelquefois profondes, pour tirer le non-moi du moi, pour identifier l'intelligence et la nature, pour créer le monde par la force de la logique et par la vertu des idées. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 594.
71. Êtes-vous Dieu? Qui vous dit que votre jugement humain soit infaillible? Que votre sentiment ne vous abuse pas? Comment pouvons-nous, avec nos sens bornés et notre intelligence finie, arriver à la connaissance absolue du vrai et du bien? Saisirons-nous jamais l'absolu? Il faut, si l'on veut vivre, renoncer à avoir une idée nette de quoi que ce soit. L'humanité est ainsi, il ne s'agit pas de la changer, mais de la connaître. Pensez moins à vous. Abandonnez l'espoir d'une solution. Elle est au sein du père; lui seul la possède et ne la communique pas. G. Flaubert, Correspondance,1857, p. 181.
72. Un homme de génie est un homme absurde, c'est-à-dire qu'il pousse un système à l'absolu, or l'absolu est l'idéal de la science. On est fondé à croire que cet absolu existerait si nous connaissions tout (cause unique, c'est Dieu) mais comme nous sommes loin de tout connaître, nous ne pouvons pas agir en conséquence. En un mot, nous devons raisonner dans l'hypothèse de l'absolu, mais agir dans la réalité qui est autre, mais en faisant toujours comme si l'absolu existait ou devait exister; sans cela, pas de science. C. Bernard, Cahier de notes,1860, p. 61.
73. − Et moi je te dis qu'il n'y a qu'une vérité : l'art. Tu parles de patrie? Eh bien! l'art est l'immortalité d'une patrie... D'abord il n'y a de grands peuples que les peuples artistes... Est-ce que tu crois que les patriotes grecs de l'an 500 avant Jésus-Christ ne valaient pas tes patriotes modernes?... Et puis qu'est-ce que ça me fait! L'art, pour moi, c'est le seul absolu. Tout le reste, la logique, les sciences exactes, les théologies, les manuels de morale, les traités du vrai et du bien, la philosophie qui vous dit : « je vais vous expliquer le phénomène de la pensée », la raison qui commente la providence ... Hypothèses, mon cher! Hypothèses qui mènent les gens à l'institut, et qui ne mènent qu'à des théories, la pensée de l'homme ... L'art ... Tiens! Je t'en prie, Lamperière, ne me dis pas des choses comme cela ... Tu nous mets en colère ... E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 150.
74. Penser, voilà le triomphe vrai de l'âme. Tendre la pensée à la soif des hommes, leur donner à tous en élixir la notion de Dieu, faire fraterniser en eux la conscience et la science, les rendre justes par cette confrontation mystérieuse, telle est la fonction de la philosophie réelle. La morale est un épanouissement de vérités. Contempler mène à agir. L'absolu doit être pratique. Il faut que l'idéal soit respirable, potable et mangeable à l'esprit humain. C'est l'idéal qui a le droit de dire : prenez, ceci est ma chair, ceci est mon sang. La sagesse est une communion sacrée. C'est à cette condition qu'elle cesse d'être un stérile amour de la science pour devenir le mode un et souverain du ralliement humain, et que de philosophie elle est promue religion. V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 620.
75. Le désir d'accorder le romantique et le savant qui se battaient en lui avait conduit Flaubert à une composition spéciale des caractères. L'invincible désir d'étreindre une réalité solide au milieu des ruines dont son âme était jonchée, le conduisit à une théorie particulière du style. Ce nihiliste était un affamé d'absolu. Ne pouvant rencontrer cet absolu, ni hors de lui, dans les choses qu'entraîne un éternel écoulement, ni en lui-même puisqu'il se sentait, comme l'univers, en proie à l'implacable loi du devenir, il plaça cet absolu tout à la fois hors de lui-même et hors des choses, dans l'œuvre d'art, et comme il était écrivain, cette œuvre d'art fut pour lui la phrase écrite. P. Bourget, Essais de psychologie contemporaine,1883, p. 127.
76. ... la raison et l'expérience sont-elles les seules méthodes révélatrices de ce qui est, − elles qui s'arrêtent sur le bord de l'absolu et rangent toutes les causes dans le domaine fermé de l'inconnaissable? Le mysticisme se retrouve ainsi conciliable avec la science. Il est là, comme une tentation éternelle, prêt à recevoir ceux que cette science n'a pas contentés, et quelques-uns s'y jettent éperdûment parmi ceux-mêmes qui ont poussé le plus avant au cœur de l'impuissante et vaine science. P. Bourget, Nouveaux Essais de psychologie contemporaine,1885, p. 76.
77. « Je pense, mon cher filleul, que vous me connaissez assez pour sentir que je vous parle sérieusement. C'est une remarque bizarre que, quand on est, comme moi, installé, domicilié dans l'absolu, − vous m'entendez bien, dans l'absolu, − il devient à peu près impossible d'affirmer ou de nier quoi que ce soit sans avoir l'air ironique. L. Bloy, Journal,1895, p. 188.
78. Les esprits que dévore le besoin de l'absolu, se lassent des tâtonnements, des lenteurs de cette science qui admet les seules vérités prouvées; ils sont repris de l'angoisse du mystère, il leur faut une synthèse totale et immédiate pour dormir en paix. É. Zola, Rome,1896, p. 22.
79. ... il [Hegel] considérait sa philosophie comme l'absolu réalisé. Le mot du mystère universel lui semblait trouvé. Il n'avait que faire de nouveaux réformateurs. M. Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme,t. 2, 1902, p. 247.
80. ... l'essence des choses nous échappe et nous échappera toujours, nous nous mouvons parmi des relations, l'absolu n'est pas de notre ressort, arrêtons-nous devant l'inconnaissable. Mais c'est vraiment, après beaucoup d'orgueil pour l'intelligence humaine, un excès d'humilité. H. Bergson, L'Évolution créatrice,introd., 1907, p. vii.
81. L'idée que nous pourrions avoir à créer de toutes pièces, pour un objet nouveau, un nouveau concept, peut-être une nouvelle méthode de penser, nous répugne profondément. L'histoire de la philosophie est là cependant, qui nous montre l'éternel conflit des systèmes, l'impossibilité de faire entrer définitivement le réel dans ces vêtements de confection que sont nos concepts tout faits, la nécessité de travailler sur mesure. Plutôt que d'en venir à cette extrémité, notre raison aime mieux annoncer une fois pour toutes, avec une orgueilleuse modestie, qu'elle ne connaîtra que du relatif et que l'absolu n'est pas de son ressort : cette déclaration préliminaire lui permet d'appliquer sans scrupule sa méthode habituelle de penser et, sous prétexte qu'elle ne touche pas à l'absolu, de trancher absolument sur toutes choses. H. Bergson, L'Évolution créatrice,introd., 1907p. 48.
82. Casse-cou! La mort vient. − Elle vient pour tous les peuples : c'est une affaire de siècles. − Vas-tu faire fi des siècles? La vie tout entière est une affaire de jours. Il faut être de sacrés diables d'abstracteurs, pour se placer dans l'absolu, au lieu d'étreindre l'instant qui passe. − Que veux-tu? La flamme brûle la torche. On ne peut pas être et avoir été, mon pauvre Christophe. R. Rolland, Jean-Christophe,Dans la maison, 1909, p. 1071.
83. Le moment de l'épreuve définitive est arrivé. Cet exploit de l'amour, la réunion en un seul Jésus de Dieu et de l'homme, de l'être et du néant, du fini et de l'infini, de l'éternel et du temps, de l'absolu et du relatif, du créateur et de la créature, de la sainteté et du péché, de la vie et de la mort, on va tirer dessus des deux côtés, on va voir pour de bon si c'est solide, si cela tient ensemble. Car tel est, nous dit Job (VII, 15), ce suspens que mon âme a choisi. P. Claudel, Un Poète regarde la croix,1938, p. 152.
Stylistique − L'étude du mot révèle une très grande disparité d'emplois à l'époque mod. Le développement et la diversification des sc. entraîne la création de nouv. termes techn.; absolu est notamment empl. en assoc. syntagm. dans des domaines comme les sc. hum. et les sc. exactes (gramm., phonét., math., phys., mécan., métrol., opt., astron., géomorphologie, hygrométrie, chim., parfumerie, text., comm., signalisation routière et ferroviaire, milit., pol., dr., caractérol. et surtout philos., théol., liturg., etc. Pour le détail, cf. sém.), Absolu appartient, selon les emplois, à la lang. techn., à la lang. litt., ou, d'une manière gén., à la lang. cultivée. Le mot se rencontre souvent dans les textes litt. en assoc. avec des synon. tels que complet, nécessaire, entier, radical, unique, parfait, idéal, éternel, universel, pur, essentiel, général, ou encore comme synon. de termes négateurs des qualités hum. : illimité, immédiat, immuable, impénétrable, imperturbable, implacable, imprescriptible, inaliénable, incessant, incommensurable, inconditionné, inconnaissable, inconnu, incontestable, indéfinissable, indémontrable, indéniable, indépendant, indestructible, indicible, indiscutable, indivisible, inébranlable, ineffable, inexplicable, inexorable, infaillible, infini, inflexible, inimitable, inaccessible, in-niable, insondable, intemporel, invariable, invincible, inviolable, invisible. L'anton. le plus fréq. est, de loin, relatif; puis viennent dans l'ordre décroissant : fini, imparfait, contingent, limité, changeant, arbitraire, multiple, probable, factice. Absolu est en lui-même un superl., mais il est souvent renforcé par la forme gramm. du superl., soit, dans l'ordre décroissant : la solitude la plus absolue, le plus absolu silence, la retraite la plus absolue, la soumission la plus absolue, le souverain le plus absolu, le sens le plus absolu, etc. Absolu, empl. comme subst., apparaît dans de nombreux syntagmes, parmi lesquels : soif d'absolu; affamé, faim, appétit d'absolu; besoin métaphysique, désir d'absolu; une âme éprise, un esprit amoureux, un amant de l'absolu, la passion de l'absolu; un esprit en quête d'absolu; le cheminement vers l'absolu; la nostalgie de l'absolu. Les dict. de synon. signalent la différence impérieux-absolu, en part. Guizot 1864 : ,,Un homme impérieux commande avec empire, un homme absolu veut être obéi avec exactitude; l'un peut n'exiger que de la déférence, l'autre veut de la soumission``; absolu est empl. ici avec une nuance dépréc. : 84. ... si vous venez à penser au peu de mémoire de Monsieur de Mortsauf, aux peines que vous m'avez vue prendre pour l'obliger à s'occuper de ses affaires, vous comprendez la lourdeur de mon fardeau, l'impossibilité de le déposer un moment. Si je m'absentais, nous serions ruinés. Personne ne l'écouterait; la plupart du temps ses ordres se contredisent; d'ailleurs personne ne l'aime, il est trop grondeur, il fait trop l'absolu; puis comme tous les gens faibles, il écoute trop facilement ses inférieurs pour inspirer autour de lui l'affection qui unit les familles. Si je partais, aucun domestique ne resterait ici huit jours. H. de Balzac, Le Lys dans la vallée, 1836, p. 89. Rem. Cf. absolu adj. B 2.
Prononc. : [ab̭sɔly]. Passy 1914 signale pour la 2esyllabe de ce mot la possibilité d'une prononc. avec [œ], [-sœ-]. Cf. absoudre. Enq. : /apsoly/.
Étymol. − Corresp. rom. : a. prov. absolut; n. prov. assoulu; esp. absoluto; cat. absolut, uta; ital. assoluto. I.− 1. Ca 1100 « parfait » d'où aussi « saint » (La chanson de Roland, éd. Bédier, 2311 : France l'asolue); 2. 1393 « qui s'exerce sans limite » (Le Ménagier de Paris, I, 22, éd. La Soc. des Bibl. franc. ds T.-L. : puissance souveraine et absolue); 3. xives. « qui est indépendant de tout mot exprimé » terme de gramm. (Thurot, Extraits de Divers mss lat., p. 273 : Quant est mis ablatif absolut? Quant il n'i a qui le gouverne). II.− 1. 1165 « qui est sanctifié par l'absolution » (Aleschans, 2484, ap. Jonck. Guill. d'Or. ds Gdf. Compl. s.v. assoudre : N'i ai laissié ne jone ne chenu, Fors sol la guete et un clerc asolu); 2. 1270 jeudi absolu « jeudi de la semaine avant Pâques où est accordée l'absolution quadragésimale » (Phil. de Rémi, Manekine, 5809, Bordier ibid. : S'irons le joedi absolu De nos pechiés estre absolu). I empr. au lat. absolutus (part. passé adjectivé de absolvere) attesté au sens I 1 dep. Cicéron; fréquemment en relation avec ratio, bonum, eloquentia, beneficium, et aussi philosophi, poetae ...; cf. lat. médiév. Capit. reg. Franc. 173, p. 356 ds Mittellat. W. s.v., 53, 10 : libellus perfectae et absolutae ingenuitatis; au sens I 2 dep. Hilaire, De Trinit., 8, 43 ds Blaise 1954; comme terme de gramm. (I 3) (dep. Quintillien, Inst. orat. 9, 13, 19 ds TLL s.v., 179, 22 opposé à comparativus), fréq. chez Priscien (ibid. 179, 1 sq.) cf. 1046-8, Anselme de Basate, Rhetorimachia, 2, 4 ds Mittellat. W. s.v., 53, 72 : absolutum ablativum. II part. passé adjectivé de absoudre*. HIST. − A.− Au xiies., apparition de absolu avec le sens du lat. absolutus « achevé, parfait ». 1. Du xiieau xvies, « accompli, achevé » (1539, B. Aneau, Chant natal ds Hug. : J'ay le desir content, et mon temps absolu, Dist le viel Symeon de poil chanu velu); ce sens ne disparaît que partiellement, car on retrouve par la suite la notion de « achevé » comme composante de certains sens, dans le domaine philos. en partic.; cf. également dans le domaine techn. du comm. l'expr. laine dégraissée et desséchée à l'absolu attestée dep. 1872 (cf. Littré). 2. Du xiieau xvies., gd nombre d'attest. de absolu « parfait » et surtout « saint » (xiiies., Gaufrey, ds T.-L. : La vierge absolue; Rutebeuf, I, 114 ds T.-L. : La terre absolue; xves., Donait françois, 3 ds DG : [Dieu est un] nom ... absolut; xvies., Rabelais, II, 8 ds Hug. : Comme si je n'eusse aultre thesor en ce monde, que de te veoir... absolu et parfaict, tant en vertu, honesteté et preudhommie, comme en tout sçavoir liberal et honeste). Le sens de « saint » se maintient jusqu'au xixes. dans l'expr. jeudi absolu; mais il semble qu'il y ait eu ici, dès le Moy. Âge peut-être, une confusion entre absolu « saint » et le part. passé de absoudre d'où le sens de « (jour) sanctifié par l'absolution »; l'idée de sainteté disparaît même presque totalement aux xviieet xviiies., au profit de celle d'absolution (cf. Trév.). Le sens de « parfait » retrouve une nouvelle vitalité au début du xixes. dans le sens métaphys., où il entre pour une large part, et dans certains sens techn., en partic. en chim. (attest. dep. Ac. Compl. 1842) où absolu est synon. de pur. B.− Absolu « indépendant », d'où « qui s'exerce sans limites, qui n'admet pas de limites », connaît une remarquable vitalité. Fin xives., synon. de éminent, distingué (J. D'Outremeuse, VI, 31 ds Gdf. compl. s.v. asolu : Car chi sont. XXIII. fis de contes absolus, dont je suy. I. des maires, qui suy tes freire); il a dès l'orig. un sens très fort (xves., Louis XI, Nouv. 49 ds Littré : Monseigneur le curé ne fut pas trop joyeux de cette reponse absolue; xvies., Ph. de Marnix, Differ. de la Relig., I, IV, préf. ds Hug. : Elle a plaine et absolute authorité). Les xviieet xviiies. sont très riches en attest. où absolu qualifie tant un pouvoir qu'une obligation, un caractère, etc. L'expr. absolu sur « qui a un pouvoir absolu sur » est alors couramment usitée mais disparaît par la suite (Corneille, Attila, IV, 5 ds Littré : Mais je sais que sur lui vous êtes absolue). − Rem. 1. D'après C.-C.-J. Webb, cité par Lal. 1960, p. 5 ,,dans la langue politique anglaise, l'expression Monarchie absolue a plutôt visé primitivement l'indépendance à l'égard de toute suzeraineté ou autorité extérieure, par exemple à l'égard du Pape; mais ensuite il n'est pas douteux qu'elle s'est appliquée à l'idée d'un gouvernement complètement monarchique``. Cette observation montre l'ambiguïté de certains des sens de absolu. 2. Les emplois techn. de absolu en ce sens (signalisation, droit, arme absolue) sont tous d'orig. récente, à l'exception toutefois de son emploi partic. en théol. attesté dep. Trév. 1752. C.− Absolu « indépendant », d'où « qui n'est pas relatif à ». 1. Terme de ling. (cf. étude gramm.). 2. a) Terme de philos. attesté dep. le xviies. sous la forme d'une opposition absolu/ relatif, très proche de son emploi en ling. (Ac. 1694 : On dit dans le Dogmatique, Absolu, par opposition à Relatif; Trév. 1752 : Absolu, en terme de Philosophie signifie, ce qui ne porte ou ne renferme point l'idée d'une relation, ni de rapport à autre chose; et il est opposé à relatif). En ce sens, absolu est empl. comme subst. dès le xviiies. (Buffon, Animaux carnassiers ds Littré : L'absolu, s'il existe, n'est pas du ressort de nos connaissances; nous ne jugeons et nous ne pouvons juger des choses que par les rapports qu'elles ont entre elles). b) La notion d'inconditionnel, rejoint, par l'intermédiaire de la théol., la notion de perfection dans l'emploi métaphys. de absolu. D'apr. Bouyer 1963 et Lal. t. 1 1932, l'emploi systématique de absolutus pour désigner l'objet dernier de la réflexion philos. semble devoir être attribué à N. de Cues vers 1440. En France, le mot aurait été introduit dans l'usage philos. cour. par V. Cousin en 1817 (V. Cousin, Cours de 1817 ds P. Janet, Victor Cousin et son œuvre, p. 107 : L'absolu, étant avant nous, nous domine primitivement, sans nous apparaître primitivement dans sa forme pure, et nous force de concevoir sous une qualité déterminée un être déterminé qui est le moi : hypothèse naturelle. Mais aussitôt que ce rapport nous a été suggéré par la force de l'absolu dans un concret primitif déterminé dont le moi est un des termes, il se dégage du moi et nous apparaît sous sa forme pure et dans son évidence universelle qui explique et justifie l'hypothèse primitive). Il le tenait peut-être de Maine de Biran qui l'aurait empl. vers 1812 (cf. Id., ibid., p. 71). 3. Absolu « qui n'est pas relatif à » s'est étendu, dep. le xviiies., à de nombreux domaines techn.; au xviiies., alg. et astron. (Trév. 1752 : Nombre absolu. Terme d'Algèbre en matière d'équation [...]. Équation absolue, en termes d'Astronomie, est la somme de deux équations de l'excentrique, et de l'optique). Aux xixeet xxes. apparition des emplois en mécan., thermodynamique, opt., math., métrol.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 6 568. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 8 332, b) 9 184; xxes. : a) 9 965, b) 9 908.
BBG. − Aquist. 1966. − Barr. 1967. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Dagn. 1965. − Delc. t. 1 1926. − Électron. 1963-64. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Goblot 1920. − Gramm. t. 1 1789. − Julia 1964. − Lal. 1968. − Lep. 1948. − Littré-Robin 1865. − Mar. Lex. 1961 [1951]. − Marcel 1938. − Miq. 1967. − Piguet 1960. − Pol. 1868. − Privat-Foc. 1870. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. B. Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 339. − Romeuf t. 1 1956.