| PHRASER, verbe A. − Empl. trans., vx 1. Mettre en phrases; énoncer, exprimer, dire à l'aide de phrases. Le duc était au palais, et Sarkis eut à peine phrasé son projet qu'il s'empressa d'acquiescer: −«J'ai toute confiance en vous, Sarkis» dit-il (Péladan, Vice supr., 1884, p.31): . ... je me suis châtré l'âme à temps d'un bas instinct, celui du plagiat. J'aurais pu faire du Flaubert aussi bien sinon mieux que tous les regrattiers qui le débitent; mais à quoi bon? J'ai préféré phraser des médicaments occultes à des doses rares; ce n'est peut-être pas bien nécessaire, mais c'est moins vil!
Huysmans, Là-bas, t.1, 1891, p.38. − [Pour présenter le discours dir.] «La réalité n'est pas nécessaire à la sensation», phrasa Gadagne (Péladan, Vice supr., 1884, p.184). − Absol., rare. Et là, sans méditer sur rien du tout, sans phraser même intérieurement sur quoi que ce soit, je songeais aux cottes de mailles souples comme des gants, aux baudriers de buffle trempés de sueur, aux visières fermées sous lesquelles brillaient des regards rouges (Flaub., Champs et grèves, 1848, p.176). 2. Articuler. Ce fonctionnaire attendait près de la cheminée le moment de remercier le secrétaire-général, dont la retraite brusque et imprévue le surprit au moment où il allait phraser un compliment (Balzac, Employés, 1837, p.45). − Au part. passé en empl. adj. Le chef (...) poussa lui-même une longue clameur à peine phrasée (Camus, Exil et Roy., 1957, p.1673). B. − Empl. intrans. Faire des phrases en marquant les pauses, l'intonation et en jouant de procédés rhétoriques. L'art de phraser qu'elle possédoit mieux que maint député loquace (Balzac, Annette, t.3, 1824, p.14).Ils sonnent, ils s'interpellent, ils phrasent et votent, ils décrètent et gesticulent! (Mussetds Le Temps, 1831, p.73). C. − Empl. trans., MUS. Délimiter les phrases (du discours musical), lui conférer le phrasé (v. phrase II A). Curieux seulement d'entendre comment une princesse de quinze ans phrasait les mélodies inspirées par l'ivresse (Sand, Lélia, 1833, p.260). − Absol. Ce compositeur phrase bien (Ac.1935).La respiration entre au moins pour la moitié dans l'émission du son, et dans la manière de phraser (Holtzem, Bases art chant, 1865, p.143). Prononc. et Orth.: [fʀ
ɑze], [-a-], (il) phrase [fʀ
ɑ:z], [-a-]. Martinet-Walter 1973 [-ɑ-] (11/17), [-a-] (6/17). Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist.1. Mus. a) 1755 intrans. «bien marquer chaque phrase d'un morceau de musique» (Fréron, Année littér., t.2, lettre 3, p.54); b) 1760 trans. (Noverre, Lettres sur la danse et sur les ballets, lettre 5, p.73); 2. a) 1788 trans. «organiser un discours en périodes harmonieuses» (Fér. qui cite l'Ann. litt.); b) 1824 intrans. péj. (Balzac, loc. cit.); c) 1834 (Boiste: Phraser, faire valoir une phrase dans le débit théâtral, dans le chant). Dér. de phrase*; dés. -er. Au sens 1 l'angl. to phrase est att. dep. av. 1550 ds NED: frase. Fréq. abs. littér.: 13. Bbg. Chautard Vie étrange Argot 1931, p.661. |