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GOTHIQUE, adj. et subst.
A. − Relatif aux Goths.
1. [En parlant d'une pers.] Qui est membre de la peuplade des Goths, qui en descend. Cette cotte de mailles dorée de ce chevalier gothique [le Cid] à visage de jeune Viking (Brasillach, Corneille,1938, p. 435).
[En parlant d'une collectivité] Enivré de ces succès, Valens s'apprête à triompher des peuples gothiques (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 2, 1831, p. 171).
2. (Ce) qui est propre aux Goths, à leurs descendants. La dernière fois que je le vis [un Danois], il eut le tact gothique d'exhaler un grand dédain pour la France (Bloy, Journal,1900, p. 399).
Spécialement
a) Subst. masc. sing. Langue des Goths. Grammaire comparée des différents dialectes germaniques, comprenant le gothique, l'islandais (J.-J. Ampère, Corresp.,1827, p. 438).Le gotique (...) est antérieur de plusieurs siècles aux autres dialectes germaniques (Saussure, Ling. gén.,1916, p. 297).
b) Relatif à cette langue. Préciser la part de l'influence gothique dans la déformation de la langue latine (Gide, Immor.,1902, p. 407).
Alphabet gothique. Alphabet créé par l'évêque Ulphilas au ivesiècle, à partir des alphabets grec, romain et runique, pour transcrire la langue des Goths (cf. Ac. 1878, 1932).
B. − [P. réf. à cette peuplade, à l'époque ancienne, barbare, confuse où elle vivait]
1. B.-A.
a) Style gothique. Style des derniers siècles du Moyen Âge (xiies.-xvies. environ) en Europe, dont les caractéristiques varièrent selon les périodes et les arts, connu surtout par ses réalisations architecturales élancées, ouvragées et celles qui leur sont annexes (sculptures, vitraux) mais s'illustrant aussi dans certains arts mineurs (enluminure, orfèvrerie, tapisserie, mobilier en particulier) :
1. ... l'an 1000, où la peur de la fin du monde fit jaillir l'architecture religieuse médiévale : style roman, puis styles gothique et flamboyant. Lambertie, Industr. pierre et marbre,1962, p. 62.
Emploi subst. masc. sing. Gothique primitif, tardif; gothique flamboyant, fleuri, rayonnant. En 1536 (...), l'église de Brou, la dernière et la plus mignonne fleur du gothique achevait d'éclore (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 17).
Rem. Du xviies. au début du xixes., ce terme s'applique à toute la période artistique allant de l'Antiquité à la Renaissance, avec souvent une nuance de mépris. Le gothique ancien désigne alors l'art roman (cf. A. Rey, v. infra bbg.).
b) Relatif à ce style, réalisé dans ce style. Architecture, art, cathédrale gothique. Les pics de glace brillent comme des rosaces gothiques (Quinet, All. et Ital.,1836, p. 140) :
2. Regardez l'orbite amaigri et profond de la croisée gothique, de cet œil ogival, quand il fait effort pour s'ouvrir, au xiiesiècle. Cet œil de la croisée gothique est le signe par lequel se classe la nouvelle architecture. Michelet, Hist. de France, Paris, Marpon et Flammarion, t. 3, 1879 [1833], p. 216.
SYNT. Chapelle, château, cloître, flèche gothique; maisons, monuments, ornements, salles, statues, tours, voûtes gothiques.
c) [En parlant d'un artiste] Qui réalise des œuvres dans ce style. Le sculpteur gothique renonce aux stylisations radicales de ses prédécesseurs romans (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 135).
Emploi subst. Réalisme (...) qui atteint à la grandeur des gothiques (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 83).
d) [Avec une valeur caractérisante]
(Ce) qui est réalisé dans un style ressemblant au gothique; qui a certaines caractéristiques (légèreté, caractère ouvragé, élancé...) de ce style. Rodenbach : « (...) Longs doigts gothiques de MlleMoreno. » (Renard, Journal,1894, p. 227).Le château [de Chambord] conserve un caractère bien gothique, qui est d'accumuler toute sa décoration sur ses combles (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 151) :
3. Elle leva les bras au ciel, courut vers la porte, (...) entraîna dans les mailles de son fichu le dossier pointu et gothique d'une chaise second Empire... Colette, Mais. Cl.,1922, p. 42.
Faux gothique. Style cherchant à imiter, au xixesiècle essentiellement, le style gothique du Moyen Âge, certaines de ses caractéristiques :
4. Le bourg me parut riche et laid. Un morceau de route large et droite, bordé de maisons neuves, une école neuve à damiers de briques, une église neuve, en faux gothique grêle et coupant... Vercel, Cap. Conan,1934, p. 249.
Rem. Cette loc. prend parfois un trait d'union (v. faux1ex. 11).
[En parlant d'une pers.] Qui imite le style gothique, qui l'apprécie. L'archiviste est lui-même décorateur gothique (Michelet, Journal,1835, p. 197).
Emploi subst. Et nous sourions de ce gothique fervent [Théophile Gautier] qui n'a même pas pris la peine d'aller à Chartres visiter la cathédrale (Proust, Past. et mél.,1919, p. 264).
e) P. ext. Qui date de l'époque du style gothique et plus largement du Moyen Âge :
5. ... il [le pape] fut dans le monde gothique le défenseur des franchises populaires, comme il devint dans le monde moderne le restituteur des sciences, des lettres et des arts. Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 494.
Emploi subst. Je saisissais un volume sur sa tablette, quelque vénérable gothique ou un noble poète de la Renaissance (A. France, Bonnard,1881, p. 504).
2. Domaines de l'écriture et de l'imprimerie.
a) Écriture gothique. Écriture dont les caractères sont droits, anguleux, ornés de pointes, de crochets, qui apparaît en Europe au xiiesiècle, peut-être influencée par le style artistique de cette époque, et dont la durée d'utilisation varia selon les pays (en particulier jusqu'en 1941, en Allemagne). De vieux parchemins couverts d'une écriture gothique (Ac.1878).
Qui en a certaines caractéristiques. Il [le billet] était écrit d'une écriture franche, nette, mais un peu gothique, et qui rappelait les types allemands (Verne, Vingt mille lieues, t. 1, 1870, p. 148).
Emploi subst. fém. sing. Quantité insensée d'inscriptions et de noms gravés en ronde (...), en bâtarde (...), en gothique, en anglaise (Du Camp, Nil,1854, p. 136).
b) [En parlant d'une lettre] Qui appartient à cette écriture, qui en a certaines caractéristiques. Caractères, lettres gothiques. J'y avais tracé autrefois mon chiffre artistement enlacé dans un L gothique (Janin, Âne mort,1829, p. 94).
c) [En parlant d'un écrit] Pour lequel l'écriture gothique a été utilisée. C'était une grande page de plain-chant, avec un texte gothique sous les portées de quatre lignes (A. France, Orme,1897, p. 39).
3. Avec une nuance péj. Qui est d'un autre âge, désuet, barbare, conservateur. Idées, préjugés gothiques. Débarrassez-vous de ce vilain bonnet fourré, de cette gothique robe-de-chambre (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 68).Soit que (...) l'Europe crût que les royalistes de France n'étoient qu'un petit troupeau d'hommes gothiques sans force et sans capacité (Chateaubr., Polém.,1818-27, p. 256) :
6. ... il ne pose pas de question [à sa femme] : la jalousie est gothique, un reste de l'âge des Maures, un sentiment rétrograde qu'il rougirait d'éprouver... Morand, Flagell. Séville,1951, p. 92.
REM. 1.
Gothico-, élém.représentant gothique, formateur de composés adj., avec trait d'union; le second élém. est un adj. ou un subst. fr. indiquant un style artistique ou un ensemble géogr.a) [Le composé exprime des relations entre deux styles dans un cont. gén. défavorable]
Gothico-Renaissance. adj.Qui est relatif à deux styles, gothique et Renaissance; qui mélange ces deux styles. En un style gothico-Renaissance édulcoré à souhait (Grandjean, Orfèvr. xixes., 1962, p. 45).
Gothico-roman. adj.Qui mélange styles roman et gothique. Autel gothico-roman (Verlaine, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 56).
b) [Le composé exprime des relations entre un lieu et une époque donnés]
Gothico-messin. adj.Propre à la ville de Metz, au Moyen Âge. On trouve à Leipzig (...) un graduel écrit d'après la tradition gothico-messine (Bénédictins, Paléogr. mus., t. 3, 1889, p. 82).
2.
Gothicisme, subst. masc.Tendance politique conservatrice s'opposant au libéralisme. Les feuilles ultra-libérales en France accusent le Conservateur de gothicisme (Chateaubr., Polém.,1818-27, p. 36).
3.
Gothisme, subst. masc.Époque du style gothique; goût parfois excessif pour ce style. (Lar. 19eSuppl. 1878-Lar. 20e, Quillet 1965). Ce mot prend des sens partic. chez certains auteurs. a) Goût pour les mythes populaires et moyenâgeux des Allemands, descendants des Goths. Faux gothisme [dans les œuvres de Wagner] (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 392).b) Attrait pour le style gothique et l'esprit de ses artistes qui préféraient l'art pour l'art à la recherche de la faveur du public. Il lui reste [à Lhote], malgré son gothisme, un peu de carriérisme indestructible (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1908, p. 33).
Prononc. et Orth. : [gɔtik]. Ds Ac. dep. 1718. Parfois gotique, en parlant du peuple ou de la langue (cf. Saussure, loc. cit.); Étymol. et Hist. 1. 1482 gothicque « relatif aux Goths, au Moyen Âge » (Flameng, Passion de S. Didier, 65, Carnaudet ds Delb. Notes mss); spéc. 2. a) appliqué à la période artistique située entre l'Antiquité et la Renaissance 1615 (Etienne Binet, Essay sur les Merveilles de nature ds Fr. mod. t. 14, 1946, p. 284); 1626 (Martellange ds Hope t. 1, p. 288, note 1); b) 1824 restreint à la période de l'art ogival adj. (De Caumont, Essai sur l'architecture religieuse du moyen âge ds Mémoires de la Société des Antiquaires de la Normandie, Caen, 1repart., p. 540); 3. a) appliqué à la langue 1545 adj. gothique (J. Burchet, Spit. fam. LXV, fo44 ds Delb. Notes mss); 1840 subst. masc. (Ac. Compl. 1842); 1901 gotique (Nouv. Lar. ill.); b) appliqué à l'écriture 1585 (Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 309 : lettres longues et gothiques); 1835 subst. fém. (Ac.). Empr. au b. lat.gothicus « relatif aux Goths » (Forc.) [dér. de Gothus, Goth*], employé au xves. pour désigner l'écriture du Moyen Âge : cf. l'adv. gothice « d'une manière gothique » (1435-1444 Lorenzo valla, Elegantiarum Latinae linguae libri sex ds FEW t. 16, p. 105, note 6); 2 prob. par l'intermédiaire de l'ital. gotico, les artistes de la Renaissance, notamment Raphaël dans une lettre célèbre à Léon X en 1519 (v. Bruno Migliorini, Lingua e cultura ds Nuova Biblioteca Italiana, 32, pp. 264-265), ayant enveloppé de mépris cette période artistique (Hope t. 1, p. 288, note 1). La réaction fr. à cette proscription fut le fait de savants normands, inspirés des auteurs anglais qui avaient réagi contre cette tendance dès le début du xviiies., et de Chateaubriand (FEW t. 16, p. 104b et note 8). Fréq. abs. littér. : 1 002. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 521, b) 1 159; xxes. : a) 1 095, b) 829.
DÉR.
Gothiquement, adv.a) En style gothique, dans un style qui imite le gothique. Il a exposé aussi une statuette en bois gothiquement moderne (Huysmans, Art mod.,1883, p. 265).b) En lettres gothiques. L'écriture gothiquement indéchiffrable [d'illustres paperasses] (Gautier, Fracasse,1863, p. 225).[gɔtikmɑ ̃]. 1resattest. 1534 Gotticquement « en lettres gothiques » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, chap. 13, p. 96), à nouveau 1863 gothiquement (Gautier, loc. cit.), 1801 « à la façon gothique » (L.-B. Picard, Théâtre, t. 3, Pte ville, p. 190); de gothique, suff. -ment2*.
BBG. Haslag (J.) Gothic im siebzehnten und achtzehnten Jahrhundert. Köln-Graz, 1963, 203 p. - Holbrook (W.C). The Adjective gothique in the 18th century. Mod. Lang. Notes. 1941, t. 56, pp. 498-503. - Nies (F.). Die Semantische Aufwertung von fr. gothique vor Chateaubriand. Z. Rom. Philol. 1968, t. 84, pp. 67-88. - Quem. DDL t. 6 (s.v. gothicisme); 17. - Rey (A.). Le Lex. : images et modèles. Paris, 1977, p. 238; pp. 246-247. - Voss (J.). Das Mittelalter im historischen Denken Frankreichs. München, 1972, 484 p.