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ÂCRE, adj.
A.− Au propre. Qui est irritant aux sens et principalement au goût et à l'odorat.
1. Irritant au goût :
1. ... mais nous n'en restons pas moins dans une ignorance invincible sur la question de savoir pourquoi les composés chimiques, bien caractérisés par cette double propriété, agissent sur l'organe du goût de manière à nous procurer la sensation de saveur acide, plutôt qu'une sensation de saveur amère, âcre ou astringente. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 174.
2. ... comme des gouttes de cire épaisse, les citrons pendent, parfumés; dans l'ombre ils sont blancs et verdâtres; ils sont à portée de la main, de la soif; ils sont doux, âcres; ils rafraîchissent. A. Gide, L'Immoraliste,1902, p. 400.
3. Les grognements rauques de l'homme qu'il étreignait, son souffle que viciait un relent de tabac et d'eau-de-vie, cela se confondait avec la sensation de son mal, d'une tumeur venimeuse qui grossissait dans sa poitrine, lui emplissait la bouche d'une âcre et fielleuse amertume. M. Genevoix, Raboliot,1925, pp. 272-273.
2. Irritant à l'odorat :
4. La poussière de riz blafarde son cou maigre, Et ses cheveux, tordus dans un chignon épais, À l'âcre odeur du roux mélangent l'odeur aigre Des parfums éventés qu'on achète au rabais. H. Murger, Les Nuits d'hiver,Courtisane, 1861, p. 165.
5. La nuit était pleine d'odeurs délicieuses et il respirait un peu malgré lui, comme si la chose n'eût pas été tout à fait permise, le lourd parfum du chèvrefeuille mêlé à une âcre et fine senteur de feuilles mortes. J. Green, Moïra,1950, p. 62.
À l'odorat et à l'ouïe :
6. Plusieurs observations m'ont fait voir que l'état de spasme des intestins en particulier, soit qu'il résulte de quelqu'affection nerveuse chronique, soit qu'il ait été produit par l'application accidentelle de quelque matière âcre, irritante, corrosive, agit spécialement sur l'odorat et sur l'ouie... P. Cabanis, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 2, 1808, p. 359.
P. ext.
1. Irritant à l'ouïe.
7. − C'est moi, cousine! dit Luca d'une voix dont la sonorité âcre et mordante pouvait aider à l'illusion qui retenait encore la marquise dans un monde surnaturel. O. Feuillet, Onesta,1848, p. 325.
8. ... au milieu de cette gaieté franche et ronde, et à gorge déployée, de tout un parterre, un rire perçant s'élevait, une note plus haute que le ton, âcre, criante, convulsive : c'était le rire de l'acteur, de Molière lui-même, qui s'était trahi. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 209.
2. Irritant pour les yeux : une fumée âcre.
Emploi substantivé :
9. À six heures, en août, quand le soleil est rose et que le bruit d'un char sur les pierres arrive de loin dans la campagne, il traîne un grand parfum de paille tiède et de ces herbes poussiéreuses qui sentent l'âcre au bord des chaumes. H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 15.
Rem. 1. L'ex. 4 oppose les doublets âcre/aigre (cf. étymol.). Âcre se dit princ. d'une sensation olfactive; aigre d'une sensation gustative. Lorsque âcre signifie « ce qui est irritant au goût », il ne s'agit pas uniquement, comme pour aigre, d'une saveur acide, mais aussi bien d'une saveur amère (ex. 1) ou salée. Dans l'ex. 9, noter l'expr. sentir l'âcre créée par anal. à d'autres plus cour. : sentir le roussi, le renfermé, etc. Les emplois plur. du mot sont peu fréquents. Ils apparaissent plutôt dans des cont. poétiques où ils qualifient des parfums, des senteurs. 2. Assoc. paradigm. Les principaux équivalents rencontrés soulignent l'idée de causticité. Ainsi âcre est associé à mordant (ex. 7), irritant (ex. 6), acide (ex. 1), acerbe, corrosif (ex. 6), caustique, sulfureux. etc. Lorsque, excep., la sensation éprouvée n'est pas désagréable, âcre se trouve associé à des qualificatifs comme doux (ex. 2), fin, délicieux (ex. 5), odorant, parfumé (ex. 2).
B.− Au fig. Qui a un caractère irritant, agressif, blessant.
1. [S'applique à une attitude, à un sentiment ou à son expression] :
10. Mais, vrai, j'ai trop pleuré! les aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate! Ô que j'aille à la mer! A. Rimbaud, Poésies,Le Bateau ivre, 1871, p. 131.
11. La mer, abondamment sur le monde étalée, Gardera, dans la route errante de son eau, Le goût de ma douleur qui est âcre et salée Et sur les jours mouvants roule comme un bateau. A. de Noailles, Le Cœur innombrable,L'Empreinte, 1901, p. 29.
12. Pendant cinq minutes, sans reprendre haleine, il déblatéra contre le mariage des écrivains, sans mesure, et, disons-le, sans bon goût. Vérités, demi-vérités et sophismes se pressaient sur ses lèvres, mêlés à d'âcres sarcasmes. H. de Montherlant, Les Jeunes filles,1936, p. 966.
13. ... il parle le même langage doucereux, un peu moqueur et obséquieux, semé de diminutifs rampants et agressifs, de mots prolongés servilement par ces suffixes sifflants qui, dans la langue russe du temps, marquaient une sorte de déférence âcre et sucrée, et, par moments, il se redresse gravement de toute sa taille d'homme, il domine, gratifie, pardonne généreusement, écrase. N. Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 31.
Rem. Syntagmes rencontrés : jalousie, douleur, plaisir, propos âcre.
2. [S'applique à une pers. considérée du point de vue de ses attitudes, etc.] :
14. Ces peuples ramassés, ces brûlants mercenaires Étaient comme des loups maigres et décharnés. Ces peuples assemblés, ces lourds légionnaires Étaient des chiens de garde ardents et acharnés. Et ces peuples crevés, ces âcres mercenaires Se payaient d'or, d'argent, de crimes et d'ordure. Ch. Pèguy, Ève,1913, p. 855.
15. Comme il est jeune! comme je suis âcre, déjà, à côté de lui! est-ce que je ne vais pas le contaminer? il pourrira, lui aussi. Quelle honte! des postes d'observation j'interrogeais l'étendue, me demandant à quel endroit le prochain obus allait tomber : ... H. de Montherlant, Les Olympiques,1924, p. 256.
Rem. Contrairement au sens propre, le sens fig. de âcre est gén. dépréc. : il dénote un trait de caractère désagréable. Âcre est associé à aigre, sombre, hargneux, rageur, acharné, irritable...
Prononc. − 1. Forme phon. : [ɑ:kʀ]. Enq. : /akʀ, D/. 2. Dér. et composés : âcrement, âcreté.
Étymol. ET HIST. − 1606 « piquant au goût et à l'odorat » sens propre (Nicot s.v. : Comme sont aux oignons et semblables, acer, acris et hoc acre); 1611 « id. » sens propre et fig., en parlant d'une pers. (Cotgr. s.v. : Acre, com. Eager, sharpe, tart, sower, unripe; also earnest, vehement). [Dans l'attest. 1334, Gir. Rouss., 6474 ds Gdf. Compl. s.v. acre « dur, âpre » aucres ne représente pas le mot vedette mais une mauvaise transcription de la forme ancrés de l'éd. Mignard, vers 6474, prob. utilisée par Gdf. (classée par T.-L. s.v. engrès< ingressus; il correspond à la forme angrès de l'éd. Ed. Billings Ham, v. 6474, ms. de base Montpellier, Méd. H 349, xives., le ms Montpellier, Méd. H 244, xves., portant la var. aigre); voir FEW s.v. ingressus.] Empr. au lat. acer, acris assimilé en lat. vulg. à la 2edéclinaison. Pour l'étude de ces formes et celle des sens du lat. acer, voir aigre, dont âcre est le doublet savant. Âcre a peut-être appartenu d'abord au lang. méd. Cf. Rich. t. 1 1680 : Urine âcre. Fur. 1690 : Les médecins appellent âcre, toute saveur qui imprime un sentiment de chaleur brûlante sur la langue... ibid. 1701 : Les médecins distinguent deux sortes de saveurs âcres : l'une qui procede du chaud et du sec; comme dans le poivre : l'autre du chaud et de l'humide; comme dans l'ail. [Ces déf. utilisent la théorie anc. des quatre éléments dont les combinaisons produisent la variété des corps, ces quatre éléments étant le chaud (ou feu), le froid (ou air), le sec (ou terre) et l'humide (ou eau)].
STAT. − Fréq. abs. litt. : 436. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 313, b) 952; xxes. : a) 904, b) 531.
BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bouillet 1859. − Comm. t. 1 1837. − Fér. 1768. − Gramm. t. 1 1789. − Guizot 1864. − Laf. 1878. − Lav. Diffic. 1846 − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814. − 20. − Plais.-Caill. 1958. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − Thomas 1956.